Le Cheik blanc (1952) ★★☆☆

Ivan Cavalli (Leopoldo Trieste) vient d’épouser Wanda (Brunella Bovo). Il vient à Rome présenter sa jeune épouse à sa famille. Tandis qu’Ivan est obnubilé par le bon déroulement de leur séjour, Wanda a la tête ailleurs : elle a un rendez-vous avec Fernando Rivoli (Alberto Sordi), le héros du roman-photo « Le cheik blanc ». Alors qu’Ivan s’évertue à cacher à sa famille la trahison de son épouse, Wanda rejoindra le bel acteur qui s’avèrera n’être qu’un vulgaire dragueur.

Le Cheik blanc (Lo sceicco bianco), également connu en France sous le titre Courrier du cœur, est le premier film signé du seul Federico Fellini. Le jeune journaliste, né sur les bords de la côte adriatique, est venu à Rome travailler auprès des premiers réalisateurs néo-réalistes : Rossellini, Germi, Lattuada… C’est auprès d’eux qu’il puisera les thèmes de ses premières oeuvres : La Strada (1954), Les Nuits de Cabiria (1957) qui mettent en scène le petit peuple italien, misérable et courageux.

Mais, comme le montre Le Cheik blanc, tourné dès 1952, Fellini s’écarte déjà du néo-réalisme. Le sujet, qu’on imaginerait volontiers emprunté à une nouvelle de Maupassant, est ancré dans la réalité contemporaine de l’Italie d’après-guerre (dont on voit en arrière-plan quelques images) ; mais il est plus léger que misérabiliste : les illusions perdues de Wanda face à la veulerie de Rivoli n’ont rien de tragique (sa vaine tentative de suicide fait plus sourire que pleurer) et les pitreries de son mari pour cacher ses déboires à sa famille tire le film vers la comédie façon Les Vitelloni.

Surtout, son traitement porte en lui déjà toutes les marques du baroque félinien. On y voit notamment une figure familière à la quasi-totalité des films du maestro : la troupe carnavalesque d’acteurs de théâtre et de cinéma, costumés et maquillés, filmés en plein tournage dans un chaos bruyant de cris et d’interpellations. On y croise dans un rôle secondaire, celui d’une prostituée du nom de Cabiria, Giulietta Masina, l’épouse à la ville de Fellini et son héroïne à venir dans La Strada et dans Les Nuits de Cabiria. Et on y entend pour la première fois la musique de Nino Rotta, début d’une collaboration qui durera jusqu’à la mort du musicien.

La bande-annonce

Le Crime du père Amaro (2002) ★★☆☆

À peine sorti du séminaire, un jeune prêtre (Gael Garcia Bernal) prend son premier ministère dans une petite ville mexicaine. Protégé par son évêque, il est placé sous la coupe du père Benito, un vieux prêtre expérimenté. Amaro découvre bientôt que Benito vit maritalement avec une paroissienne et qu’il utilise l’argent des narco-trafiquants pour construire un hôpital. Mais lui-même n’est pas irréprochable qui tombe  sous le charme de la jeune Amelia. Pendant ce temps, un troisième prêtre, le père Natalio, acquis à la Théologie de la libération, mène une vie frugale dans les montagnes avec les paysans, qui l’expose aux critiques de sa hiérarchie.

Le Crime du père Amaro est l’adaptation d’un roman écrit à la fin du XIXème siècle par le grand romancier portugais Eça de Queirós. Carlos Carrera a choisi d’en transposer le sujet à l’époque contemporaine. Bien lui en a pris ; car les enjeux du roman sont intemporels.

Sans jamais sombrer dans le manichéisme, il présente trois hommes d’Église qui, chacun à leur façon, répondent aux dilemmes auxquels la vie les a confrontés. En prêtre-guerillero, Natalio est le personnage le plus pur, et aussi le moins fouillé. Amaro est censé être le personnage central de l’histoire. C’est avec lui que le film commence et c’est avec lui qu’il se termine une fois conclue la poignante histoire d’amour avec Amelia (la jeune Ana Claudia Talancon, belle comme le jour, à laquelle on aurait volontiers promis une splendide carrière mais qui hélas n’a pas confirmé ces promesses).

Pourtant, c’est le père Benito qui est le personnage le plus intéressant. Sa richesse vient de son ambiguïté. Il n’est pas un saint comme le père Natalio tout entier dévoué à ses pauvres ouailles ; mais il n’est pas non plus un salaud comme s’avère l’être tout bien considéré le père Amaro, ivre d’égoïsme et d’ambition. C’est un homme tout simplement qui voudrait faire le bien (assister une veuve éplorée, construire un hôpital…) mais doit pécher pour y parvenir.

Désormais disponible sur Netflix, le film est sorti en 2003. Il a été accueilli par une moisson de récompenses aux Ariel, les Oscars mexicains. Il est passé inaperçu en France. Son classicisme intemporel le met pourtant à l’abri des années qui passent.

La bande-annonce

Une femme dont on parle (1954) ★★☆☆

Une veuve dirige à Kyoto un okiya, une maison de plaisirs. Sa fille, partie vivre à Tokyo, est obligée d’en revenir après un chagrin d’amour. Un conflit de génération oppose les deux femmes qui tomberont sans le savoir amoureuses d’un même homme, le jeune médecin de l’okiya.

Kenki Mizoguchi est surtout connu pour ses films historiques : Les Contes de la lune vague après la pluie, L’Intendant Sansho, Les Amants crucifiés… Mais une partie de sa prolifique filmographie a pour cadre le Japon contemporain.

Il a souvent filmé les geishas. Elles sont pour lui le symbole intemporel de la condition féminine. Mais elles sont en même temps les actrices d’un Japon qui change.

Cette ambiguïté est à l’oeuvre dans Une femme dont on parle qui met face à face une mère et sa fille. Abandonnée à elle même à la mort de son mari, la mère a dû se résigner à diriger un établissement pour survivre et éduquer sa famille. La fille réprouve cette profession qu’elle juge dégradante. Les deux femmes, obligées de cohabiter, feront le constat de leur désaccord et découvriront le moyen de les dépasser.

Un extrait

Le Diabolique Docteur Mabuse (1960) ★☆☆☆

Un journaliste est tué dans un taxi à Berlin. L’inspecteur Kras (Gert Fröbe) mène l’enquête grâce aux indications, pas toujours très claires, de Cornelius, un voyant aveugle. Ses indications le mènent à l’hôtel Luxor que les Nazis pendant la Seconde Guerre mondiale avaient truffé de caméras. S’y trouvent un riche industriel américain, une femme dépressive poursuivie par son mari jaloux et un soi-disant agent d’assurances au comportement louche.

Longtemps exilé aux États-Unis, où il a tourné quelques uns de ses plus grands films, Fritz Lang est revenu en Allemagne de l’Ouest en 1956 pour y signer un diptyque exotique : Le Tigre du Bengale et Le Tombeau hindou. Puis il ressuscite une dernière fois le personnage de Mabuse, créé dans les années vingt par un écrivain luxembourgeois et qu’il avait déjà porté à l’écran deux fois : Docteur Mabuse le joueur (1922) et Le Testament du Docteur Mabuse (1933).

Le docteur Mabuse est une figure du Mal qui traverse le siècle. Dans les années vingt, Fritz Lang dénonce à travers elle la spéculation boursière et les faiblesse structurelles de la République de Weimar. En 1933, au moment de l’ascension de Hitler au pouvoir, il décrivait les dangers de la manipulation des masses. En 1960, en ressuscitant Mabuse, il veut montrer que l’Allemagne prospère est toujours hantée par ses vieux démons, tapis dans l’ombre. Les moyens que Mabuse utilise pour mener à bien ses visées sont étonnamment modernes : un réseau ultra-sophistiqué de caméras qui lui permettent de contrôler les allées et venues de tous les occupants d’un hôtel. On pense au Panopticon de Jeremy Bentham, à Foucault et à 1984.

Le titre original, Die 1000 Augen des Dr. Mabuse, est à ce titre autrement plus efficace que sa pâle traduction française. Les distributeurs anglo-saxons ont démontré plus de lucidité en optant pour The Thousand Eyes of Dr. Mabuse.

La mise en scène de Lang est assez plate. Le temps de l’expressionisme est loin. Citant la scène d’introduction, un meurtre froidement exécuté, les aficionados parleront d’épure. Les plus blasés critiqueront dans le reste du film la piètre qualité du jeu des acteurs, les mouvements de caméra pas toujours très utiles et la lenteur du scénario jusqu’au dénouement final.

Le Diabolique Docteur Mabuse fut accueilli fraîchement par la critique. Il fut le dernier film de Fritz Lang qui s’éteignit à Beverly Hills seize ans plus tard.

La bande-annonce

La Planète sauvage (1973) ★★☆☆

Par leur intelligence et leur capacité de méditation, une population de géants pacifiques, les Draags, domine la planète Ygam. Ils en ont relégué les minuscules Oms, réduisant quelques uns au statut d’animal de compagnie, pourchassant les autres dans les franges les plus reculées de la planète.
À la mort de sa mère, un bébé om est recueilli par une famille draag. Il s’en enfuit à l’adolescence avec un serre-tête qui lui fournit les clés de la connaissance et rejoint une tribu om. Fort de leurs nouveaux savoirs, les Oms résistent à la campagne de « désomisation » menée par les Draags et réussissent à construire une fusée pour se réfugier sur la Planète sauvage, un satellite de Ygam.

La Planète sauvage fait figure d’OVNI dans le monde de la BD. Réalisé entre 1968 et 1973 à partir des dessins de Roland Topor dans un studio d’animation tchèque, ce dessin animé français de science fiction s’adresse aussi bien aux enfants qu’aux adultes. Loin des pyrotechnies à la Flash Gordon, il délivre un message pacifique qui résonne avec l’air du temps peace and love et flirte avec le surréalisme.

La Planète sauvage a vieilli. Même si les pastels de Roland Topor sont soyeux, l’animation en cut-out (chaque élément du dessin est découpé et assemblé image après image) donne aux personnages une rigidité hiératique. La musique psychédélique supporte mal l’épreuve du temps. Pour autant, le message du film – auquel on peut trouver un sous-texte politique au lendemain de l’écrasement du printemps de Prague par les chars soviétiques – n’a pas pris une ride. Récompense rare pour un dessin animé, il a obtenu le prix spécial du jury au Festival de Cannes en 1973.

La bande-annonce

Happy Sweden (2008) ★★★☆

Un père de famille se blesse gravement à l’oeil en tirant un feu d’artifice pour ses invités à son anniversaire. Un chauffeur de bus arrête son véhicule en exigeant que l’auteur d’une incivilité se dénonce. Deux préados écervelées se photographient dans des poses lascives. Une bandes d’amis d’enfance désinhibés par l’alcool se laissent aller à des attouchements homosexuels. Une professeur d’école fait la leçon à ses collègues.

Le réalisateur suédois Ruben Östlund a obtenu la Palme d’or à Cannes en 2017 pour The Square. Mais deux de ses précédents films y avaient déjà été projetés : Snow Therapy en 2014 et Happy Sweden en 2008. Le plus ancien des deux est d’une facture étonnante. Il ne s’agit pas à proprement parler d’un film à sketches où cinq courtes historiettes sont successivement racontées. Le montage en est plus complexe, qui entrelace ces cinq récits, sans pour autant qu’existe entre eux aucun lien narratif.

Mais ce montage très sophistiqué n’est pas la moindre originalité du film. Ce qui frappe dans Happy Sweden, c’est le sens du cadre et l’immobilité de la caméra qui raconte en longs plans fixes des situations apparemment anodines. L’action se déroule parfois dans le champ, parfois hors du champ comme dans cette scène en gros plan de la maîtresse d’école qui reproche à ses deux collègues dont on ne voit pas le visage de discuter entre eux sans lui adresser un regard.

Comme dans The Square, comme dans Snow Therapy, Ruben Östlund signe une étude comportementale. Ici il s’intéresse à l’influence du groupe sur l’individu qu’il illustre par une des premières scènes du film : une élève interrogée au tableau préfère faire la réponse que lui soufflent ses camarades plutôt que celle que la raison lui inspire.

On a souvent comparé Ruben Östlund aux autres grands cinéastes nordiques : Aki Kaurismäki dont il aurait partagé l’humour froid, Roy Andersson pour sa mise en scène glacée. Mais c’est avec Michael Haneke que selon moi la proximité est la plus grande. Comme le maître autrichien bi-palmé, Ruben Östlund sait distiller le malaise. On peut trouver l’expérience déplaisante – et j’avoue avec un certain remords avoir fait la fine bouche à The Square dont, le recul aidant, je dois admettre les qualités. Mais on peut aussi y prendre un plaisir masochiste.

La bande-annonce

Le Mur (1983) ★★☆☆

Après Yol, Palme d’or à Cannes en 1982 et avant de mourir d’un cancer de l’estomac, Yilmaz Güney consacre son dernier film aux prisons turques. Exilé en France, il reconstitue de toutes pièces à Pont-Saint-Maxence, dans l’Oise, un pénitencier divisé en quatre secteurs : deux secteurs pour les hommes, un pour les femmes et un dernier pour les enfants.

Le résultat est particulièrement poignant, à mi-chemin du documentaire et de la fiction. Certes, on savait depuis Midnight Express que les conditions d’incarcération en Turquie n’étaient pas tendres. Mais, tournant le dos à l’esthétisme kitsch d’Alan Parker – qui, malgré ses pachydermiques défauts, m’avait ému aux larmes quand je l’avais vu à sa sortie – Yilmaz Güney opte pour un parti pris naturaliste. On est tout aussi loin du tire-larmisme de 7. Koğuştaki Mucize, le film sorti sur Netflix, succès mondial du début du confinement, qui lui aussi se déroulait derrière les murs d’une prison turque.

Le Mur ne fait pas dans la dentelle. La violence est montrée sans euphémisation sous son jour le plus cru. Rien ou presque (les scènes de pédophilie sont seulement suggérées) ne nous est épargné de la violence la plus crasse qui est infligée aux jeunes prisonniers.

Yilmaz Güney parle d’expérience. Ce sympathisant communiste, opposant de longue date aux régimes militaires qui se sont succédés en Turquie, a connu toutes les geôles d’Anatolie. C’est en prison qu’il a écrit Yol, son chef d’oeuvre. C’est de prison qu’il réussit à s’échapper pour trouver l’exil en France où il finira ses jours après avoir été déchu de la nationalité turque.

En signant Le Mur, il réalise autant un film qu’il signe un acte politique de dénonciation. La charge est lourde. Elle est parfois caricaturale dans la description de matons sadiques torturant des enfants innocents. On n’a plus guère l’habitude de nos jours de voir un tel militantisme se déployer avec un tel manichéisme. Mais le résultat n’en reste pas moins terriblement efficace.

La bande-annonce

Les Amants crucifiés (1955) ★★★☆

À la fin du XVIIème siècle, Osan, l’épouse délaissée d’un grand commerçant de Kyoto, demande à Mohei, le contremaître de son mari, un prêt pour venir en aide à son frère, un joueur invétéré. Mohei, qui est en secret amoureux d’elle, subtilise le sceau de son patron pour voler cet argent. Mais il est découvert et arrêté. Osan subit bientôt le même sort.
Les deux complices s’enfuient, se déclarent leur amour mais sont finalement rattrapés. Ils seront crucifiés.

Lorsque Mizoguchi tourne Les Amants crucifiés en 1954, il lui reste deux ans à vivre. Il n’a jamais été aussi prolifique ni aussi talentueux. L’année précédente, Les Contes de la nuit vague après la pluie, Lion d’argent à Venise, l’a fait connaître en Europe et avec lui le cinéma japonais d’après-guerre jusque là enfermé dans un ghetto exotique. La même année il sort L’Intendant Sansho et Une femme dont on parle.

Comme La Vie d’Oharu femme galante ou L’Intendant Sansho, Les Amants crucifiés a pour cadre le Japon féodal. Il s’agit pour Mizoguchi moins de faire oeuvre d’historien que de chercher dans le passé les traces de rapports de classes toujours présents dans le Japon contemporain. Trois pouvoirs dominent la société des Amants crucifiés : celui du créancier (l’argent), celui du fonctionnaire (l’État) et celui du mari (le patriarcat). Contre ces trois pouvoirs, les deux amants se rebellent. Mais ils n’ont rien pour eux sinon leur amour fou. Et leur fin sera fatale.

Un extrait

Shock Corridor (1963) ★★☆☆

Johnny Barrett est un journaliste dévoré d’ambition. Pour gagner le prix Pulitzer, il décide de se faire passer pour fou et d’être interné dans un asile psychiatrique afin d’y enquêter sur le crime irrésolu d’un pensionnaire. Avec la complicité de sa fiancée, qu’il fait passer pour sa sœur, il convainc les psychiatres d’être habité de pulsions incestueuses.
Une fois enfermé, Johnny Barrett mène l’enquête en se rapprochant de trois témoins du crime : un ancien GI victime d’un lavage de cerveau en Corée, un étudiant noir persécuté pour sa couleur de peau au point de se prendre désormais pour un membre du Klan et d’en porter la sinistre cagoule, un savant atomiste retombé en enfance….
Cette plongée au cœur de la folie mettra en péril l’équilibre mental de Barrett.

Filmé en 1963, sorti en France deux ans plus tard, alors que les émeutes de Watts déchiraient les États-Unis, Shock Corridor, malgré son petit budget, a provoqué une onde de choc. Jean-Luc Godard, qui offrira à Fuller un cameo dans Pierrot le fou le qualifie de « chef-d’œuvre du cinéma barbare ».

Ce film politique flirte avec le documentaire. Comme Vol au-dessus d’un nid de coucou dix ans plus tard, il se déroule entièrement derrière les portes closes d’un asile psychiatrique. Ces mêmes portes que Frederick Wiseman franchit pour l’un de ses tout premiers documentaires Titicut Follies en 1967. Car un asile, comme venait de le montrer Michel Foucault dans sa magistrale Histoire de la folie (publié à la même période), est le miroir inversé tendu à nos sociétés.

Les trois internés auxquels Barrett essaie tour à tour de soutirer des informations incarnent un peu démonstrativement les trois maux qui minent les États-Unis : l’hystérie anticommuniste, le délire raciste, l’hubris nucléaire. À ces trois pêchés capitaux s’en ajoute un quatrième dont sera victime le héros : l’orgueil. Car, on l’aura compris, Shock Corridor est une tragédie. La tragédie de l’Amérique vue par Fuller, condamnée par ses vices et que ne viendra sauver aucune rédemption. Une vision pessimiste qui a ces jours ci une résonnance particulièrement amère.

La bande-annonce

La Grande Évasion (High Sierra) (1941) ★★★☆

Roy Earle (Humphrey Bogart) sort de prison avant le terme de la lourde peine qu’il purge pour un cambriolage. Il doit sa libération à un caïd de la pègre, Big Mac, qui en échange lui demande de cambrioler un hôtel de luxe à Palm Springs avec la complicité d’un employé. Pour le seconder, Big Mac adjoint à Roy deux gouapes inexpérimentées. Tout se complique quand l’une d’elles ramène Marie (Ida Lupino), une danseuse de cabaret.

La Grande Evasion – moins connu que son homonyme de John Sturges sorti en 1963 avec Steve McQueen, Charles Bronson et James Coburn – fait partie des films mythiques qui ont fait l’histoire d’Hollywood. Cette adaptation très fidèle du polar de W.R. Burnett (que j’ai lu dans la foulée en 10/18) consacre le talent de Humphrey Bogart. Jusqu’alors l’acteur, déjà quadragénaire, avait végété dans des seconds rôles. Avec High Sierra il occupe pour la première fois la tête d’affiche qu’il ne quittera plus (Le Faucon maltais, Casablanca, Le Grand Sommeil…). La légende veut que le premier rôle de High Sierra lui soit revenu après le refus successif des autres acteurs auxquels il aurait été proposé : Paul Muni, James Cagney, Edward G. Robinson….

High Sierra est aussi important dans l’histoire de Hollywood à un autre titre. Il fait la transition entre le film de gangsters et le film noir – dont la date de naissance homologuée sera Le Faucon maltais tourné quelques mois plus tard. Au premier il emprunte son scénario : le braquage d’un grand hôtel par un trio de gangsters. Au second, même s’il n’a pas pour héros un détective privé et n’a pas un décor urbain et nocturne, il emprunte son fatalisme et la complexité de ses personnages. En femme fatale, Ida Lupino – dont la célébrité à l’époque lui avait valu de voir son nom placé au-dessus de celui de « Bogie » – est emblématique de cette veine.

La bande-annonce