Temps sans pitié (1957) ★★☆☆

David Graham (Michael Redgrave), un romancier raté, à peine sorti de cure de désintoxication, revient en Angleterre pour y apprendre que son fils Alec a été condamné à mort pour un crime qu’il n’a pas commis. Il dispose de vingt-quatre heures seulement pour l’innocenter. David acquiert vite la conviction que l’auteur du crime est Robert Stanford (Leo McKern), un richissime constructeur automobile ; mais il ne dispose d’aucune preuve. Il conçoit alors un plan audacieux pour sauver son fils.

Temps sans pitié, sorti en 1957, est un film charnière dans l’oeuvre de Joseph Losey. C’est le troisième film tourné en Angleterre par ce réalisateur américain chassé de son pays par le maccarthysme. Il le fait connaître en France. Il annonce ses films les plus marquants : The Servant, The Messager (Palme d’or 1971) et Monsieur Klein (César du meilleur film et du meilleur réalisateur 1977) dont il partage le même pessimisme, la même fascination pour la déchéance, la même froideur.

Pour la première fois, Joseph Losey travaille aux décors avec Richard MacDonald qui divise le plan en différents niveaux et joue avec les miroirs. Le procédé sera abondamment utilisé ensuite, notamment dans The Servant, soulignant lourdement sur la fausseté des apparences et la duplicité des personnages

Joseph Losey et son scénariste Ben Barzman avaient décidé d’adapter une banale pièce de théâtre organisée autour de la résolution d’une intrigue policière. Mais ils en modifient profondément l’économie en filmant, dès le pré-générique, le crime et en en révélant par conséquent l’auteur. L’enjeu de l’histoire n’est donc plus d’en découvrir l’identité – on sait d’ores et déjà que le riche Robert Stanford est coupable – mais de savoir comment David Graham réussira à le démasquer et à innocenter son fils injustement accusé. La façon dont il y parviendra est particulièrement révélatrice du noir pessimisme qui habite toute l’oeuvre de Losey.

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Achik Kérib (1988) ★☆☆☆

Orphelin de père, Kérib est un achik, un troubadour qui chante des épopées en s’accompagnant de son instrument. Il est amoureux de Magoul-Megeri. mais son père s’oppose au mariage de sa fille avec un jeune homme désargenté. Éperdu de chagrin, Kérib part sur les routes. Magoul-Megeri promet de l’attendre mille jours et mille nuits.

Paradjanov fait partie des grandes figures panthéonisées du septième art. Les Chevaux de feu est souvent cité parmi les (cent ? mille ?) meilleurs films de l’histoire du cinéma. Il y a à cela plusieurs raisons. Toute sa vie durant, l’homme s’est battu contre le régime soviétique qui l’a opprimé et son courage mérite reconnaissance. À rebours du réalisme socialiste imposé, il a redonné vie aux traditions folkloriques des régions reculées qu’il est allé filmer. Le résultat fut une oeuvre élégiaque, à mi-chemin du documentaire anthropologique et de la reconstitution mythologique.

On pourra si l’on est anthropologue du Caucase ou spécialiste de littérature persane, se passionner pour ses reconstitutions de miniaturiste où chaque plan est construit comme un tableau. On pourra aussi, si l’on a le goût de la poésie se laisser hypnotiser par la fascination catatonique que produit l’enchaînement des saynètes et les poses hiératiques des personnages.

Mais on risque aussi, si on a comme c’est mon cas une sensibilité de brute, bâiller aux corneilles voire s’assoupir carrément devant un spectacle dont le seul mérite est de ne durer qu’une heure vingt.

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Adam’s apples (2005) ★☆☆☆

Crâne rasé, croix celtique tatouée à l’avant-bras, portrait d’Hitler en poche, Adam (Ulrich Thomsen) est un néo-nazi qui vient d’être relâché de prison. Ivan (Mads Mikkelsen), un pasteur qui collabore à un programme de réinsertions d’anciens prisonniers, l’accueille dans sa cure, où il rejoint trois autres marginaux : un ex-tennisman obèse et alcoolique, un immigré pakistanais braqueur de stations-services et une travailleuse humanitaire enceinte et dépressive.

En 2003, Anders Thomas Jensen tournait Les Bouchers verts, mettant en scènes deux bouchers faisant commerce de viande humaine. La recette – si l’on ose dire – était excellente, mélange d’humour très noir et de fable sociale. Deux ans plus tard, il récidivait avec Adam’s apples (dont on se demande pourquoi diable le traducteur le sort sous son titre anglais) que j’avais raté à sa sortie et que je regarde en DVD confiné deux décennies plus tard.

Les ingrédients sont quasiment les mêmes que dans Les Bouchers verts – viande humaine et cannibalisme en moins : humour pince sans-rire, cynisme, critique au karcher de certains travers de la société danoise protestante et hypocrite. Sans parler du jeu excellent des deux acteurs : Ulrich Thomsen révélé par Lars von Trier et Mads Mikkelsen, ici à contre-emploi, qui, depuis, a fait la carrière hollywoodienne que l’on sait. Mais la sauce ne prend pas aussi bien.

Certes, Adam’s Apples évite le boulevard convenu qu’on redoutait qu’il emprunte : la noirceur de l’âme d’Adam le néo-nazi s’attendrira au contact de la bonté angélique d’Ivan. Il préfère emprunter un chemin de traverse surprenant : Ivan va s’avérer encore plus frappadingue, plus traumatisé qu’Adam, obligeant celui-ci à amender sa vie et faire taire sa haine.

Pour autant, une fois que le film est engagé dans cette voie, aussi cynique et ironique soit-elle, il ne fait ni rire suffisamment ni n’émeut assez pour qu’on y trouve jusqu’à son terme prévisible beaucoup d’intérêt.

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Miracle à Milan (1951) ★★☆☆

Toto a été recueilli à sa naissance par une vieille femme dont la mort le laisse bientôt seul au monde. Quelques années plus tard, à la sortie de l’orphelinat, Toto rejoint une troupe de clochards dans un bidonville. Sa bonne humeur et sa gentillesse y font merveille. Mais le pétrole découvert sur le terrain occupé par les vagabonds excite la cupidité des promoteurs qui décident de les en chasser. Ils ne devront leur salut qu’à une intervention miraculeuse.

Vittorio De Sica vient de réaliser Le Voleur de bicyclette quand il décide  de porter à l’écran un court roman de son complice Cesare Zavattini. Le message en est simple, qui imprègne à l’aube des Trente Glorieuses le cinéma de Capra (La vie est belle) à Kurosawa (L’Ange ivre) en passant par Chaplin ou Clair dont De Sica-Zavattini se réclament expressément : la bonté sauvera le monde.

Le temps de Miracle à Milan, De Sica fait des entorses au néo-réalisme italien dont Le Voleur de bicyclette avait fait de lui un des représentants les plus emblématiques avec Rossellini, Visconti et De Santis. Il y reviendra avec Umberto D. un an plus tard, souvent considéré comme son chef d’oeuvre le plus abouti.

Certes, Miracle à Milan a les pieds bien ancrés dans une réalité sociale. Le film se déroule dans le lumpenprolétariat milanais, parmi les habitants d’un bidonville. Mais De Sica ne fait pas oeuvre de sociologue, pas plus qu’il n’entend délivrer un message politique. De part, en part, de sa première scène à la toute dernière, Miracle à Milan s’inscrit résolument dans le genre de la fable poétique sinon surréaliste.

À sa sortie en Italie en février 1951, il est accueilli par une critique hostile qui reproche à De Sica son virage fantaisiste. Mais il tient sa revanche au Festival de Cannes qui lui décerne sa Palme d’or, coiffant Eve de Mankiewicz ou Los Olvidados de Buñuel.

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Bébert et l’Omnibus (1963) ★★☆☆

Le jeune Bébert et sa famille sont montés à Paris faire des achats à la Samaritaine où, comme chacun sait, on trouve de tout. Tandis que ses parents prennent le chemin du retour, le garçonnet, qui veut à tout prix qu’on lui offre des feux de Bengale, est confié à la garde de son grand frère, plus intéressé à draguer qu’à veiller à son cadet. Ils se perdent dans le train.
Tandis que les adultes se lancent à sa recherche, Bébert va être successivement recueilli par des cheminots et des gendarmes débonnaires.

Dans La Guerre des boutons sorti en 1961, le personnage du petit Gibus avait eu un tel succès (« Ah ben mon vieux, si j’aurais su, j’aurais pô v’nu ! ») qu’Yves Robert décida deux ans plus tard de lui consacrer un film, une sorte de spin off avant le terme. Le jeune Martin Lartigue – qui abandonna ensuite le cinéma pour se consacrer à la peinture et à la sculpture – y interprète le rôle principal, adapté d’un roman de François Boyer.

Le film en noir et blanc sort en 1963 ; mais c’est la France des années cinquante qu’il décrit. La famille Martin habite la Brie à quelques kilomètres de Paris à peine ; mais son parler, ses manières, jusqu’au diminutif du jeune héros, au béret qu’il coiffe et au vocable qui désigne le train censé le ramener chez lui sont encore ceux d’une France profondément rurale. Les Trente Glorieuses ne l’ont pas encore touchée.

Bébert et l’Omnibus n’est pas un inoubliable chef d’oeuvre. C’est plutôt une collection de saynètes bon enfant plus ou moins drôles. Le jeune Martin Lartigue prend un malin plaisir à faire tourner en bourrique les adultes qui l’entourent à peine plus matures que lui.

On y retrouve avec émotion les comédiens qui ont marqué notre enfance et qui sont morts ces dernières années : Pierre Mondy (2012), Michel Serrault (2007), Jean Lefebvre (2004), Christian Marin (2012), Pierre Tornade (2012)… Dans le rôle du grand frère de Bébert, on reconnaît Jacques Higelin qui débuta au cinéma avant de faire carrière dans la chanson.

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Le Cri (1957) ★★☆☆

Aldo (Steve Cochran) a élevé seul sa fille. Il travaille dans une usine du nord de l’Italie. Il vit avec Irma (Alda Valli) qui le quitte à la mort de son mari parti travailler en Australie. Désespéré, Aldo s’en va sur les routes avec son enfant. Pendant plusieurs mois, il sera hébergé par plusieurs femmes : Elvia, qui l’a toujours aimé, Virginia, qui tient une station-service avec son père alcoolique, Andreina… Puis, il revient sur ses pas retrouver Irma dont le souvenir l’obsède.

Le Cri (1957) est un film clé dans la filmographie de Michelangelo Antonioni. Il avait baigné jusque là dans le néoréalisme, avec ses aînés Visconti (dont Les Amants diaboliques avait été tourné sur les mêmes digues surmontant le Pô que Le Cri quinze ans plus tard) et De Santis. Son film suivant L’Avventura inaugure un cinéma différent, plus psychologique, centré sur le vide existentiel de nos vies dont La Nuit et L’Eclipse constitueront les oeuvres les plus achevées.

Le Cri s’inscrit au point de rencontre de ces deux mouvements. C’est encore un film politique, les pieds solidement ancrés dans la boue de la plaine padane. Il s’ouvre dans une usine et s’y termine alors que ses ouvriers se sont mis en grève pour protester contre l’expropriation qui menace leur village. Mais Le Cri est déjà un film psychologique dont le sujet principal est moins la difficile condition laborieuse du prolétariat italien que la dépression d’un homme : c’est son errance qu’on accompagne dans un noir et blanc aussi poétique que déprimant.

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Le Silence de la mer (1949) ★★☆☆

Pendant l’Occupation, un vieil homme et sa nièce doivent héberger à leur domicile un officier allemand. Ils ne peuvent faire barrage à cette décision qu’ils rejettent de toute leur âme. Mais ils manifestent leur réprobation en opposant à leur hôte pourtant exquis un silence obstiné.

Le Silence de la mer est un court roman publié en 1942 par Vercors – de son vrai nom Jean Bruller – dans la clandestinité aux Editions de Minuit qu’il venait de fonder. Son sujet est connu, profondément anti-cinématographique : un officier allemand échoue à faire sortir de leur silence les deux Français qui l’accueillent contraints et forcés chez eux pendant l’Occupation.

Le jeune Jean-Pierre Melville, qui a combattu dans les Forces françaises libres, décide de l’adapter. Il n’a pas d’argent, pas de carte professionnelle ; les droits ont été achetés par Louis Jouvet. Mais qu’importe ! Melville s’entête, obtient l’accord oral de Vercors – qui lui prêtera sa maison pour y tourner son film – récupère des pellicules au marché noir.

Le film de Melville est très fidèle au livre. Il a, comme lui, la même solennité qui, aujourd’hui, nous apparaîtra un peu sentencieuse. L’Allemand n’est pas une brute ; c’est au contraire un esthète qui parle un français parfait, s’enthousiasme pour la culture française, troque son uniforme pour un élégant complet croisé pour gommer la distance qui le sépare de ses hôtes. L’oncle peine à cacher l’estime grandissante qu’il lui porte ; la nièce a encore plus de mal à taire son attirance.

Le Silence de la mer s’autorise quelques échappées belles hors du salon où les trois protagonistes se retrouvent chaque soir : à Paris notamment où dans deux scènes trop explicatives, Werner von Ebrennac comprendra que la collaboration est un leurre. Mais l’essentiel se joue entre ces quatre murs, dans le monologue trop lyrique du jeune homme, qui croit envers et contre tout dans la possibilité d’une Europe allemande, et dans le silence têtu qui l’accueille.

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Pépé le Moko (1937) ★★☆☆

La police est aux trousses de Pépé le Moko (Jean Gabin). Reclus dans l’inextricable entrelacs des rues de la casbah d’Alger, protégé par ses lieutenants, il y est inexpugnable. La police ne pourra l’arrêter qu’en l’en faisant sortir. Quand l’inspecteur Slimane découvre que Pépé s’est entiché d’une belle parisienne de passage, Gaby Gould (Mireille Balin, qui fut à la ville la maîtresse de Gabin), il pense avoir trouvé le moyen de l’attirer hors de la casbah et de l’appréhender.

Pépé le Moko est un film mythique. Deux ans plus tôt, avec La Bandera du même Julien Duvivier, Gabin était devenu une star. Dirigé par Jean Renoir ou Marcel Carné, spécialisé dans les rôles de dur au cœur tendre, il allait enchaîner les films d’anthologie – La Grande Illusion, Le Quai des brumes, La Bête humaine, Le jour se lève – avant que la Seconde guerre mondiale et son engagement dans les Forces françaises libres n’interrompent temporairement sa carrière.

Mais Pépé le Moko ne vaut pas seulement par son interprète principal. C’est aussi un film emblématique du « cinéma colonial », un genre à part entière qui fit florès dans les années trente et qui donnait à voir aux spectateurs métropolitains une France coloniale fantasmée et manichéenne avec son lot de beaux légionnaires, de fiers chefs de guerre et de vénéneuses moukères.

Pépé le Moko ne s’embarrasse pas d’authenticité qui a été entièrement tourné en studio. Adaptant un médiocre polar, Julien Duvivier n’y fait pas oeuvre d’anthropologue. Si le film est marquant, c’est moins par ce qu’il montre de la vie en Algérie française dans les années trente que par son atmosphère de film noir : héros désenchanté à la virilité blessée, rédemption impossible, destin tragique…

Plus de quatre vingt ans ont passé et Pépé le Moko a bien vieilli. Le racisme inconscient qu’il charrie met aujourd’hui mal à l’aise. Certes les dialogues de Henri Jeanson sont brillants ; mais le jeu outré des seconds couteaux ne passe plus. Et les langueurs du scénario font trouver le temps bien long.

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Lifeboat (1944) ★★★☆

Neuf rescapés trouvent refuge sur un canot de sauvetage après le torpillage d’un navire américain par un sous-marin allemand au milieu de l’Atlantique. Parmi eux un Allemand parfaitement anglophone : est-il un rescapé du navire ou le commandant du sous-marin ?

Lifeboat est tourné en 1943, alors que les États-Unis, après bien des hésitations, viennent d’entrer en guerre. Pour la Fox qui en commande le scénario à John Steinbeck, il doit s’agir d’une œuvre patriotique au sens univoque : les rescapés du naufrage, dont la diversité symbolise la richesse de la nation américaine, se coalisent pour faire face à la menace commune.

Mais Alfred Hitchcock, dont la notoriété est désormais bien assise à Hollywood grâce aux succès de Cinquième colonne et de L’Ombre d’un doute, ne l’entend pas de cette oreille. Lifeboat sera plus subtil que la Fox l’aurait voulu – et que le public, qui lui réserva un accueil froid, était prêt à l’accepter. Il ne s’agit pas d’opposer bloc à bloc la noble efficacité du peuple américain à la brutale sauvagerie du sous-marinier allemand. Le trait est moins manichéen, même si la morale du film ne laisse finalement pas de doute. D’un côté, l’unité des huit Américains, traversés, comme souvent chez Hitchcock par des tensions de classes, ne va pas de soi. De l’autre, l’Allemand ne se réduit pas à une caricature : la décision qu’il prend à l’insu de ses coéquipiers s’avère finalement la plus efficace pour leur sauver la vie.

Le dispositif de Lifeboat est resté célèbre : un huis clos au grand air. La caméra ne quitte jamais le bateau. Hitch adorait ce genre de défi : tourner tout un film en un unique plan-séquence comme dans La Corde, condamner son héros à l’immobilité comme dans Fenêtre sur cour. Très vite pourtant, les contraintes du dispositif s’oublient grâce aux rebondissements du scénario.

On sait que Hitchcock effectue un cameo dans chacun de ses films. Ici, la gageure semblait impossible à relever : comment le réalisateur pourrait-il apparaître dans ce huis clos ? Une solution ingénieuse fut trouvée : on voit la photo de Hitchcock dans un journal que l’un des rescapés feuillette. La légende raconte même que la publicité pour un régime amaigrissant qu’illustrait cette photo avait suscité des demandes d’informations.

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Tempête à Washington (1962) ★★☆☆

Le Président des États-Unis, sentant sa fin prochaine, inquiet de la politique que suivra après sa mort son vice-président, décide de remplacer son Secrétaire d’État par Robert Leffingwell (Henry Fonda). Mais son choix doit être approuvé par le Sénat. Sa nomination se heurte à l’opposition vindicative du vieux sénateur Seabright Cooley (Charles Laughton) qui reproche à Leffingwell ses sympathies pro-communistes.

Réalisé en 1962, adapté d’un prix Pulitzer, tourné dans les locaux même du Sénat avec une pléiade de stars qui pour certaines avaient été visées dix ans plus tôt par le maccarthysme, Tempête à Washington est un monument un peu indigeste dédié à la démocratie américaine, une sorte de manuel de droit constitutionnel illustré. Son titre original, Advise and Consent, renvoie d’ailleurs directement au pouvoir du Sénat d’approuver les nominations présidentielles, telles celles du ministre des affaires étrangères dont il est ici question.

Il est l’oeuvre d’Otto Preminger, un juif austro-hongoris réfugié aux États-Unis en 1935 qui signa quelques uns des films les plus marquants de l’âge d’or d’Hollywood : Laura (1945) avec Gene Tierney qu’on retrouve dans un petit rôle dans Tempête à Washington, Rivière sans retour (1955) avec Marilyn Monroe et Robert Mitchum, L’Homme au bras d’or (1955) avec Frank Sinatra, Autopsie d’un meurtre (1959) avec James Stewart, Exodus (1960) avec Paul Newman… Dans Tempête à Washington, il confie son tout dernier rôle à Charles Laughton, immense acteur et réalisateur d’un film unique, La Nuit du chasseur, qui éclipse largement Henry Fonda qu’on voit à peine et qui occupe pourtant la tête d’affiche.

Trop fidèle au livre dont il était inspiré, épais de huit-cents pages, Tempête à Washington dure plus de deux heures. S’il multiplie les rebondissements, parfois à la limite de la crédibilité (cellule communiste clandestine, liaison homosexuelle cachée…), il ne le fait pas au rythme auquel les films et les séries contemporaines nous ont désormais habitués. On pourra trouver le temps un peu long. N’en reste pas moins le témoignage magistral d’une certaine époque du cinéma hollywoodien et de la démocratie américaine in progress.

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