Les oiseaux vont mourir au Pérou (1968) ★☆☆☆

Sur une plage, au Pérou, au lendemain du Carnaval, qui s’est achevé en folle bacchanale, Adriana (Jean Seberg), une femme nymphomane, frigide et suicidaire, fuit son mari (Pierre Brasseur) et attend la mort. Elle trouvera un temps refuge dans un bordel tenu par une Française (Danielle Darrieux) avant de rencontrer un humaniste (Maurice Ronet) qui la sauvera peut-être d’elle-même au risque de sa propre vie.

Romain Gary, personne ne le conteste, est un immense écrivain. C’est aussi un homme au destin romanesque qui combattit dans les Forces françaises libres avant d’intégrer la diplomatie française. Consul général de France à Los Angeles, il y rencontre Jean Seberg et le tout-Hollywood. Après avoir participé à plusieurs scénarios, il décide de passer derrière la caméra en adaptant une des nouvelles de son recueil Les oiseaux vont mourir au Pérou.

La production ne lui permet pas d’aller tourner sur place – le tournage aura lieu en Andalousie dans le golfe de Cadix – mais réunit autour de Jean Seberg une belle brochette d’acteurs. Dimanche dernier à l’Archipel, dans le dixième arrondissement, son dernier survivant, Jean-Pierre Kalfon, a distillé devant des aficionados transis quelques anecdotes. On pensait le film disparu. Jean-François Hangouet, éminent garyen et auteur chez Découvertes Gallimard d’un ouvrage de référence, en a dégotté une copie 35mm aux Etats-Unis, sous-titrée en anglais par Gary en personne. Et, en écho avec Kalfon, il a éclairé de sa science immense la genèse de ce film, les conditions de sa réalisation et sa réception à sa sortie, moins calamiteuse qu’on n’a coutume de le dire.

La critique depuis 1968 a pris l’habitude d’étriller Les oiseaux… et il y a de quoi !
Les défauts du film apparaissent dès la première scène, inutilement étirée et mal montée (si j’ose dire), où Adriana fait l’amour sur la plage avec quatre hommes successivement. Même si les dialogues font souvent mouche, surtout dans la bouche de Brasseur ou de Kalfon, les acteurs sont en roue libre, notamment Maurice Ronet qui semble complètement perdu. La très belle musique de Kenton Coe est gâchée par une mauvaise utilisation. Gary sasse et ressasse les thèmes et les caractères qui encombrent son oeuvre : la nymphomanie, l’impuissance, la mort inéluctable et la force du destin

Les oiseaux… constitue une curiosité exotique qui intéressera peut-être quelques amoureux inconditionnels de Gary. Mais passé ce cercle plus ou moins étroit, je vois mal qui pourrait y trouver de l’intérêt et a fortiori du goût.

Vous connaissez Les Oiseaux vont mourir au Pérou ? – Blow Up – ARTE

L’Évangile selon saint Matthieu (1964) ★★★☆

L’Évangile selon saint Matthieu, qu’il réalise la quarantaine venue, marque un tournant dans l’oeuvre de Pier Paolo Pasolini. Il rompt définitivement avec le néoréalisme sous la paralysante tutelle duquel il avait réalisé son précédent film Accattone. Il fait le pari, réussi, d’aborder de front la question du sacré qui ne cesse de le hanter.

Marxiste et athée, Pasolini s’attaque au texte le plus sacré qui soit. Des quatre évangiles, il choisit le plus intellectuel, le moins visuel, celui qui donne le plus de place à la parole du Christ.

On est immédiatement touché par ce qu’il y a cherché et trouvé : la profonde humanité du Christ, débarrassé du fatras du dogme.

Mettre en scène un Évangile est un défi cinématographique. Le spectateur connaît d’avance chaque scène, sans parler de la conclusion de son histoire. La surprise, l’étonnement ne peuvent venir que de la façon dont chaque plan sera construit et dont la Passion du Christ et sa résurrection seront filmées. Pasolini dit s’être inspiré de l’iconographie médiévale, de Piero Della Francesca, de Duccio, de Masaccio. Il use de tous les procédés que le cinéma lui autorise : le zoom, le très gros plan, le grand angle, la post-synchronisation du son (une hérésie pour les tenants du néo-réalisme)…. Il fait surtout, comme dans ses autres films, un usage immodéré de l’accompagnement musical, utilisant ici bien sûr La Passion selon saint Matthieu de Bach, mais aussi Prokofiev, des negro spirituals et la Missa Luba congolaise.

Son Évangile…, dédié au « glorieux Pape Jean XXIII », qui venait de mourir d’un cancer foudroyant après avoir lancé le concile Vatican II, est profondément fidèle au texte. Après quelques atermoiements, il a été validé par l’Eglise catholique.

Qu’on connaisse ou pas chacun de ses épisodes, qu’on soit ou non croyant, on ne pourra qu’être ému au tréfonds par certains des plans de L’Evangile… Je ne me suis pas remis du visage en larmes de Marie au pied de la Croix, interprétée par la propre mère de Pasolini, pleurant son fils martyrisé.

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Ne vous retournez pas (1973) ★★★☆

John (Donald Sutherland) et Laura Baxter (Julie Christie) sont un couple aimant frappé par un drame effroyable : leur petite fille, Christine, s’est noyée dans la mare devant leur maison en Angleterre. Laura peine à s’en remettre et accompagne son époux à Venise. Johny est chargé de la restauration d’une église.
Mais la rencontre de deux sœurs, dont l’une est une médium aveugle qui révèle à Laura qu’elle a vu Christine mais l’exhorte à quitter Venise où un danger les menace, va bouleverser leurs destins.

L’horrible coiffure de Donal Sutherland et de Julie Christie sur cette affiche démodée pourrait laisser penser que Ne vous retournez pas a très mal vieilli. Sans doute l’esthétique marronnasse des 70ies le dessert-il. Pour autant, ce film souvent cité dans les anthologies de cinéma se regarde encore volontiers.

Ne vous retournez pas est l’adaptation d’une longue nouvelle de Daphné du Maurier, une romancière très souvent portée à l’écran (notamment par Hitchcock : La Taverne de la Jamaïque, Rebecca, Les Oiseaux). Il s’agit d’un giallo, un film noir qui tire vers le cinéma d’horreur et le surnaturel, un genre qui connaissait à l’époque en Italie son âge d’or.

Tout le film est habité par un lourd mystère. John est hanté par des visions dont le sens ne s’éclairera qu’avec le dernier plan Mais si Ne vous retournez pas fit scandale à sa sortie, c’est à cause de la longue scène d’amour entre ses deux héros. Elle était pour l’époque très crue et fut coupée par la BBC à sa première rediffusion à la télé… même si elle peut paraître aujourd’hui bien anodine. Pour la première fois un cunnilingus y était suggéré. Son montage la rend très originale : on y voit en plans séquencés les deux amants se déshabiller, s’aimer et se rhabiller pour se préparer à se rendre au dîner auquel ils sont conviés. Si la description que j’essaie d’en faire n’est pas claire, la solution s’impose : courir voir ce film !

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Des oiseaux petits et grands (1966) ★★★☆

Toto et son fils Ninetto marchent dans la campagne. Un corbeau très bavard les rejoint qui leur assène des leçons de morale politique et religieuse. Il les projette notamment au douzième siècle où Toto et Ninetto sont des disciples auxquels Saint-François d’Assise a confié le soin d’évangéliser faucons et moineaux. Revenus à notre époque, Toto et Ninetto font diverses rencontres : des fermiers qui n’ont pas les moyens de payer leur loyer, une famille de grands bourgeois, des forains qui circulent en Cadillac, une prostituée….

A l’occasion du centième anniversaire de sa naissance, les films de Pasolini ressortent en salles. Il y a quelques semaines j’ai découvert Accattone que je n’ai pas aimé. Cela ne m’a pas dissuadé de poursuivre ma découverte de l’oeuvre de ce sulfureux réalisateur italien tragiquement décédé sur la plage d’Ostie en 1975. Bien m’en a pris ; car Des oiseaux… est un film drôle et léger, débarrassé de la pesante idéologie dont Accattone m’avait semblé lesté.

Des oiseaux… était le film préféré de Pasolini, « le plus pauvre et le plus beau ». C’est en effet un film drôle et léger qui contraste avec le reste de son oeuvre autrement plus grave. Pasolini reconnaît sa dette à Rossellini et à ses Onze Fioretti de François d’Assise sorti en 1950, qui racontait en onze tableaux la vie du saint franciscain dont l’idéal ascétique exerça une telle influence, bien au-delà de la seule communauté des croyants.

Mais Des oiseaux… louche aussi du côté du burlesque, du cinéma comique italien, dont il reprend certains des effets, pas des plus subtils, tel l’accéléré, mais aussi du côté de Chaplin (le dernier plan du film est copié sur celui des Temps modernes) ou de Laurel et Hardy que rappelle le duo formé par l’immense acteur comique Toto et la jeune révélation Ninetto Davoli (qui fut l’amant et l’acteur fétiche de Pasolini).

Sa morale – si tant est qu’il en ait une – est ambiguë. Sans doute est-ce un film de « gauche » dont le rôle principal est joué par le corbeau auquel Pasolini prête sa propre voix. Ce corbeau – et on imagine aisément les difficultés que son dressage a dû causer pendant le tournage – professe des idées progressistes, mais sur un ton sentencieux qui les rend vite inaudibles, si bien que les deux héros finissent par s’en lasser, jusqu’à une conclusion d’une amère dérision.

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Et Dieu créa la femme (1956) ★★★☆

Juliette (Brigitte Bardot), une jeune femme libre et sensuelle, excite le désir des hommes : Carradine (Curd Jurgens), un riche entrepreneur, Antoine (Christian Marquand) dont elle est amoureuse et Michel (Jean-Louis Trintignant), le frère d’Antoine, qu’elle accepte d’épouser sans l’aimer pour s’émanciper de ses tuteurs qui veulent la renvoyer à l’orphelinat.

Et Dieu créa la femme est un film mythique qui lança le « mythe Bardot ». À sa sortie, en France, fin 1956, il fit un flop. Mais son succès au parfum de scandale à l’étranger lui valut de revenir à l’affiche un an plus tard et d’y attirer les foules.

B.B. y crève l’écran. Un des personnages du film la décrit dans un langage fleuri : « Elle a le cul qui chante ». Simone de Beauvoir dit la même chose dans un style plus polissé : « un saint vendrait son âme au diable pour la voir danser ». Aujourd’hui, on pourra la trouver bien sage. Il est vrai que depuis 1956, les mœurs se sont libérées et que le spectateur en a vu des vertes et des pas mûres. Pour autant, même en 2022, les fesses dénudées de l’actrice, sa moue, ses cheveux relevés en chignon ou dénoués en cascade, le déhanché fiévreux de ses danses jusqu’à son phrasé traînant que les puristes critiquent, font leur petit effet.
Et on imagine volontiers le scandale qu’elle a causé à l’époque, pour devenir illico une icône du féminisme. Une icône toutefois pas si révolutionnaire, puisqu’à la fin du film – pardon pour le spoiler – après un mambo endiablé, elle reçoit quatre torgnoles de son mari et le suit piteusement à la maison.

Il est de bon ton de nos jours de tenir en piètre estime Et Dieu créa la femme. Les critiques se moquent de son intrigue de roman-photo. Elles n’ont pas tout à fait tort. Mais celle des Parapluies de Cherbourg, peut-être le film le plus réussi qui soit à mes yeux, ne valait guère mieux. Elles raillent le jeu des acteurs, à commencer, on l’a dit, par celui de Bardot : si Trintignant – dont c’est quasiment le premier film – se morfond dans le rôle du mari cocu transi d’amour, Curd Jurgens y est pourtant impérial. Surtout, elles passent à côté de l’essentiel : l’apparition météoritique d’une actrice incandescente dont le réalisateur – et futur ex-mari – eut le talent de capter la sensualité et l’élan de liberté. Elle enflamma la pellicule ; elle l’enflamme encore.

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Les Grandes Personnes (2008) ★★☆☆

Albert (Jean-Pierre Darroussin) est un papa poule qui, depuis le divorce de sa femme, assume seul l’éducation de sa fille Jeanne (Anaïs Demoustier). Chaque été, pour parfaire son éducation, il lui fait visiter un pays d’Europe. Cette année, il a mis le cap sur la Suède et a loué une maison sur une île perdue au milieu de la Baltique.
Après un long voyage, les deux Français découvrent que, suite à une méprise de sa propriétaire suédoise, le ravissant chalet avec vue sur mère (lapsus lacanien) a déjà été loué à une autre estivante, Christine (Judith Henry). Les trois vacanciers et leur propriétaire décident de cohabiter.

Le résumé des Grandes Personnes ne paie pas de mine et pourrait faire redouter le pire : une énième comédie française sans grande ambition ni grand relief, sitôt vue et sitôt oubliée. Pourtant, ce film sorti fin 2008 m’a agréablement surpris.

Tourné par une réalisatrice franco-suédoise, il nous transporte, le temps de quelques jours de vacances, sur les rives ensoleillées de la Baltique. Comme son titre l’annonce, il traite de la maturité : maturité d’une jeune fille en fleurs, étouffée par un père trop protecteur, qui essaie timidement de s’en émanciper, mais maturité aussi de ce père immature, qu’on croirait tout droit sorti d’un film de Bruno Podalydès ou de Jacques Tati.

Ce père au prénom gentiment démodé a un rêve régressif : retrouver le trésor caché d’un viking disparu. Sa fille, au prénom tout aussi intemporel, a, elle, des rêves plus prosaïques : trouver l’amour dans les bras d’un beau rocker suédois. Les Grandes Personnes raconte, sur un mode mineur, comment ces rêves se réaliseront ou pas. On comprendra vite, à supposer qu’on ne l’ait pas compris dès le début, que la poursuite de ces rêves sera plus enrichissante que leur accomplissement.

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Les Yeux sans visage (1960) ★☆☆☆

Un éminent chirurgien spécialiste des greffes de peau, le professeur Génessier (Pierre Brasseur) a décidé de donner à sa fille (Edith Scob), défigurée après un grave accident de voiture, un nouveau visage. Dans le laboratoire secret de sa clinique, installée en banlieue parisienne, il mène des expérimentations sur des chiens. Son assistante dévouée (Alida Valli) l’aide à kidnapper des jeunes femmes pour leur ôter leur visage et le greffer sur celui de sa fille, condamnée pour l’heure à vivre recluse dans la propriété et à se cacher derrière un masque. Mais les greffes échouent les unes après les autres.

Les Yeux sans visage fait partie de ces films culte cités dans toutes les anthologies, présents dans tous les classements. La raison souvent avancée n’est pas très convaincante : Les Yeux sans visage serait le plus grand film d’épouvante français, un genre qui prospéra en Italie ou aux Etats-Unis mais ne connut pas une grande postérité en France.

Je n’avais jamais vu Les Yeux sans visage et ai profité de sa rediffusion dans une petite salle du Quartier latin. La salle – ainsi que l’Officiel des spectacles – affichait une interdiction aux moins de seize ans désormais désuète : la Commission de classification, ressaisie en 1998, l’a à raison reclassé tous publics avec avertissement. Consciencieusement, la caissière demande à un jeune spectateur son âge. « Quatorze ans » répond-il. La caissière tique ; mais le projectionniste la coupe : « Laisse le passer ; ça craint rien ». Je n’ai pas osé intervenir et étaler ma science.

J’avoue avoir été très déçu. Le thème du savant fou, même s’il est magistralement interprété par le toujours magistral Pierre Brassseur, n’est pas très original. Quant à sa clinique filmée dans un noir et blanc anxiogène et magnifiée par la musique de Maurice Jarre, elle n’est pas si angoissante que cela.
Bien embêté, je me demandais comment tourner ma critique, n’osant pas avoir l’irrévérence de ne pas encenser ce film-culte unanimement encensé. La lecture du Dictionnaire du cinéma de Jacques Lourcelles m’a désinhibé. Il y exécute Les Yeux sans visage en deux expressions : « poésie de bazar », « horreur de pacotille ».

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Margaret (2011) ★★☆☆

Lisa (Anna Paquin) est une adolescente new-yorkaise scolarisée dans un établissement huppé de l’Upper West Side. Ses parents sont divorcés : son père est parti s’installer en Californie avec sa nouvelle compagne ; Lisa est restée à New-York avec son petit frère et sa mère (J. Smith-Cameron), une comédienne à succès que courtise un riche Colombien (Jean Reno). Son instabilité émotionnelle l’a conduite à multiplier les aventures : avec un camarade de lycée, puis avec son professeur de mathématiques (Matt Damon).
La vie de Lisa éclate lorsqu’elle cause un accident de la circulation et qu’une passante, Monica (Allison Janney), est fauchée par un bus dont Lisa avait distrait l’attention du conducteur (Mark Ruffalo). La jeune femme, écrasée par la culpabilité, part à la recherche de la famille de la victime pour l’inciter à entamer une procédure contre la régie des transports de Manhattan.

Margaret est un film maudit, tourné en 2005, mais sorti seulement six ans plus tard. La cause de ce retard : la bataille dantesque entre le réalisateur, Kenneth Lonergan, qui, fort de sa réputation de dramaturge à succès à Broadway, avait obtenu le director’s cut, et le studio Fox Searchlight qui n’avait pas accepté de distribuer le film dans sa version initiale de trois heures. C’est finalement une version amputée, de deux heures trente quand même qui sortait en catimini aux Etats-Unis en 2011, puis en France, fin août 2012 (en vf et sans projection de presse).
Margaret n’en acquérait pas moins une réputation de film culte, trouvant même sa place dans la liste de la BBC des cent meilleurs films du siècle. Cet argument n’était pas le moindre qui me poussait à le voir.

Force est d’avouer que je fus déçu. Sans doute Margaret est-il remarquablement interprété, notamment par son héroïne, la jeune Anna Paquin, découverte face à la caméra de Jane Campion en 1993 dans La Leçon de piano. Elle est entourée d’une pléiade de stars plus habitués aux premiers rôles qu’aux seconds : Matt Damon, étonnamment effacé dans un rôle ingrat, Mark Ruffalo (dont le premier film de Kenneth Lonergan avait lancé la carrière) et Matthew Broderick, le professeur de littérature de Lisa qui lit le poème qui éclaire le titre du film.

Mais Margaret ne justifie pas sa réputation sulfureuse. Le montage est très rapide, qui témoigne des efforts inlassables pour en ôter les intrigues secondaires et les secondes superflues. Mais la durée du film, anormalement obèse, ne se justifie pas. Si Lisa traverse une époque chaotique de sa vie et cristallise autour de la mort de Monica toutes les émotions que la fin de son enfance suscite (la relation houleuse avec sa mère, l’éloignement de son père, la perte de sa virginité….), son histoire aurait pu être racontée plus brièvement.

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Accattone (1961) ★★☆☆

Vittorio est un proxénète qui mène une vie désœuvrée dans une banlieue pauvre de Rome. Surnommé par ses amis Accattone (le mendiant, le vagabond, le parasite), il vit aux crochets de Maddalena, qui se prostitue pour lui. Lorsque Maddalena est envoyée en prison, privant Accattone de tout revenu, le jeune homme renonce à exercer un travail honnête. Il débauche Stella, une jeune fille innocente, et la met sur le trottoir.

Accattone est le premier film tourné par Pier Paolo Pasolini dont l’œuvre luxueusement restaurée ressort en salles pour le centenaire de sa naissance. Il avait collaboré avec Fellini sur le tournage des Nuits de Cabiria au sujet très proche.

Accattone a été tourné en décors naturels dans la banlieue de Rome, que Pasolini, marqué par le séjour qu’il venait d’effectuer en Inde, voulait filmer comme un Tiers-Monde pauvre et déstructuré. Pasolini recrute des acteurs amateurs, dont Francesco Citti qu’on retrouvera ensuite dans la plupart de ses films.

Par les thèmes qu’il filme et la façon de les filmer, le cinéma de Pasolini rappelle le néo-réalisme de l’immédiat après-guerre. Mais son idéologie marquée à gauche sinon à l’extrême-gauche l’éloigne du mysticisme d’un Rossellini.

Inspiré par Bresson, Pasolini utilise à contre-emploi la musique classique : Bach dans Accattone, Vivaldi dans Mamma Roma, Mozart dans Théorème. C’est peut-être la musique du concerto brandebourgeois n° 2 qui m’a laissé la marque la plus profonde. En revanche, j’ai été moins sensible à son héros mal aimable et à son destin tragique.

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La Maman et la Putain (1973) ☆☆☆☆

Alexandre (Jean-Pierre Léaud) est un dandy parisien. Il vit aux crochets de Marie (Bernadette Laffont) qui l’héberge et l’entretient. Tandis qu’il essaie sans succès de reconquérir Gilberte (Nathalie Weingarten), une jeune enseignante qui l’a quitté pour se marier, il fait la rencontre de Veronika (Françoise Lebrun), une infirmière qui ne se cache pas de mener une vie sexuelle libérée. S’ébauche entre Alexandre, Marie et Veronika un ménage à trois.

La Maman et la Putain est sans doute possible un film-culte qui a marqué l’histoire du cinéma. Sa projection à Cannes en 1973 fit scandale. Le suicide de son réalisateur, Jean Eustache, en 1981, renforça la sombre aura de « diamant noir » (l’expression est de Mathieu Macheret). Aujourd’hui, La Maman et la Putain figure dans nombre d’anthologies et est régulièrement cité parmi les meilleurs films du cinéma français.

La Maman et la Putain utilise les recettes de la Nouvelle vague. C’est un film tourné en noir et blanc et en son direct – si bien que les conversations y sont parfois coupées par le tohu-bohu de la circulation automobile et que le son diégétique des disques qu’on y entend est si mauvais. Il lui emprunte aussi son acteur fétiche : Jean-Pierre Léaud.

Dans l’histoire du cinéma français, La Maman et la Putain est souvent présenté comme un film de l’Après-68. Ses personnages sont désenchantés. La révolution prolétarienne a échoué et ne les intéresse plus. Alexandre se moque de Sartre. Surtout, la révolution sexuelle s’est avérée un leurre. Le long monologue de Veronika qui clôt le film en fait l’aveu émouvant : « baiser » est « merdique » et rien n’est plus beau que « faire ‘amour » avec l’homme qu’on aime et porter son enfant. Une morale terriblement rétrograde d’un film pourtant volontiers libertaire….

La Maman et la Putain a une particularité qui le distingue des autres films de la Nouvelle Vague, autrement concis : sa durée obèse. La Maman et la Putain dure trois heures et quarante minutes, ce qui fait de son visionnage une épreuve. Une épreuve d’autant plus pénible que le film ne brille pas par ses rebondissements mélodramatiques mais se veut au contraire un film de dialogues. Son héros, volontiers ridicule, use le langage jusqu’à la trame.

Dès les premières images du film, son artificialité m’a déplu. Ce reproche-là, qu’on a souvent fait à La Maman et la Putain, le personnage joué par Jean-Pierre Léaud s’en défend par une formule tarabiscotée que je ne comprends pas :  « Plus on paraît faux, plus on va loin. Le faux, c’est l’au-delà ». Ca sonne bien… mais ça veut dire quoi ? Dès les premières scènes, je n’ai pas accroché à ce personnage insupportable d’égocentrisme et de maladresse et aux longues logorrhées, souvent répétitives, qu’il nous inflige.

Je suis trop jeune pour avoir connu Mai-68. Et je le suis presque trop pour avoir connu le désenchantement de cette génération-là. Aussi la douleur de Veronika, déchirée entre une liberté sexuelle vide de sens et une quête amoureuse vaine, ne m’a-t-elle pas touché.

La Maman et la Putain est un film clivant. Il a ses adorateurs. J’aurais aimé en être. Hélas je n’en suis pas….

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