La Vie en grand ★★★☆

Quelque part entre Dheepan, Les Héritiers et Breaking Bad, La vie en grand est un film de banlieue, une ode à l’école républicaine et une plongée dans le monde des trafiquants de drogue.

Élève en 4e, Adama vit avec sa mère en banlieue parisienne. Ses résultats scolaires ne sont pas brillants. Un pain de haschisch égaré par un dealer sera pour lui l’occasion de vivre bien des péripéties jusqu’à l’inévitable et bien-pensant happy end.

Ainsi résumé La vie en grand pourrait faire fuir. Mais les bons sentiments qui lestent le film de Mathieu Vadepied, chef opérateur de Intouchables sont suffisamment intelligents, suffisamment cocasses pour ne jamais le faire couler.

La bande-annonce

Sous-sols ★★☆☆

Que font les Autrichiens dans leurs sous-sols ?

Ulrich Seidl est un cinéaste dérangeant. Son triptyque Paradis n’avait rien de paradisiaque : l’Amour est celui, voué à l’impasse, d’une quinquagénaire esseulée pour un go-go boy kenyan, la Foi est celle d’une prêcheuse fanatique qui transforme son appartement en chapelle expiatoire, l’Espoir est celui d’une adolescente obèse qui tombe amoureuse de son nutritionniste.

Au vu de cette lourde filmographie, il ne fallait pas attendre un traitement à l’eau de rose des sous-sols autrichiens. Au pays de Freud, le sous-sol renvoie évidemment au ça, aux zones les plus turpides de notre inconscient.
L’affiche donne le ton : adeptes du SM, nostalgiques du Troisième Reich, freaks en tous genres…

Cette succession de portraits est au début cocasse, elle devient dérangeante et finit par être lassante. Quel est le message de ce film ? Que les Autrichiens sont de grands malades ? Que nous sommes tous de grands malades ? Peut-être…

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Vers l’autre rive ★☆☆☆

Kiyoshi Kurosawa – qui n’a aucun lien de parenté avec Akira – tourne des films de fantômes. Les premiers faisaient peur. Les suivants sont plus zen. Comme dans Les Revenants, la série de Canal, les fantômes de Vers l’autre rive sont —  presque — des humains comme les autres.
Mizuki est veuve depuis trois ans lorsque son mari revient un soir et met les pieds — mouillés — sous la table. Il l’emmène en voyage à la rencontre des témoins vivants ou fantomatiques de sa vie passée.

Qu’y a-t-il à la fin de ce voyage ? La mort, destin indépassable de l’humanité, fantôme ou pas fantôme. Du coup, la balade de Mizuki, mélange de Ghost (ah ! Patrick Swayze !) et de Martine va à la plage dans un Japon de carte postale, ressemble à une accumulation de visites avec un compagnon de voyage en pleine neurasthénie. Répétitif et pas vraiment zen.

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L’Odeur de la mandarine ★★☆☆

Nous sommes en 1918, à la fin de la Grande Guerre. Lui, Olivier Gourmet, propriétaire terrien, capitaine de cavalerie, y a perdu une jambe. Elle, Georgia Scalliet (sociétaire de la Comédie-Française et révélation du film), infirmière, y a perdu le père de sa fille.
Comme de bien entendu, ces deux écorchés vont se rencontrer, se plaire, s’aimer et se marier. Sauf que… ils le feront dans le désordre !

C’est d’abord la rencontre de deux solitudes et la camaraderie des survivants ; puis le mariage, par pur calcul rationnel, malmené par l’arrivée d’un soldat désertant le front.

Gilles Legrand filme à l’ancienne, sans se presser, cette histoire. La passion que les humains peinent à exprimer est mise en image à travers les animaux : la jument Mandarine et l’étalon Oslo. La métaphore ne brille pas par sa subtilité, mais reconnaissons-lui son efficacité.

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Maryland ★★☆☆

Maryland est un film déconcertant.
Le toujours excellent Matthias Schoenaerts (Bullhead, De rouille et d’os) y joue le rôle du garde du corps bodybuildé mais post-traumatisé de la toujours sublime Diane Kruger (Inglorious Basterds, Troie).

Un tel pitch met l’eau à la bouche. Hélas, Maryland ne démarre jamais vraiment. Très réaliste, il est lesté des temps morts qui font le quotidien d’un garde du corps. Le spectateur est du coup plongé dans une léthargie anxieuse et lorsque la violence explose, sans qu’on en comprenne ni l’origine ni les motifs, elle le laisse abasourdi.

Bref, Maryland ressemble à Bodyguard… en mieux (Whitney Houston ne joue pas) et en moins bien (Whitney Houston ne chante pas)

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Ni le ciel, ni la terre ★★☆☆

Ni le ciel ni la terre est un film hybride qui louche du côté d’Apocalypse Now, des Revenants et… du Mystère de la chambre jaune.

Film de guerre à petit budget qui ne saurait rivaliser avec les superproductions hollywoodiennes, il a pour cadre la frontière afgho-pakistanaise et pour héros un peloton français chargé de lutter contre les talibans.
Film fantastique, il interroge les relations avec l’au-delà.
Film policier, il tente de dénouer une énigme : où sont passés les soldats disparus pendant leur sommeil d’une guérite verrouillée de l’intérieur ?

De façon plus intéressante, ce film souligne les difficultés d’une troupe d’occupation à dialoguer et à comprendre les populations qu’elles sont censées protéger. Se pose d’abord la question de la langue qui nécessite le truchement d’un traducteur. Mais se pose surtout le défi de dépasser les différences culturelles. Chez les Afghans, Allah décide de tout. Chez les Français, Allah ne décide de rien. Évidemment, personne n’a raison.

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Je suis à vous tout de suite ★★★☆

La bande-annonce augurait le pire : une comédie franchouillarde à l’humour gras. Le film au contraire est un bijou d’originalité. La réalisatrice avait co-signé les scénarios de Au nom des gens et Hippocrate. Deux belles réussites — déjà — du cinéma français.

Je suis à vous tout de suite se résume mal : un couple mixte (Ramzy et Jaoui) a une fille et un fils qui suivent deux évolutions différentes : elle est française jusqu’au bout des ongles, il recherche ses racines dans le retour à l’islam.

Le sujet est grave. Il est traité avec légèreté, mais sans la vulgarité que la bande-annonce laissait craindre. Un coup de cœur qui doit beaucoup à son héroïne : Vimala Pons, brune piquante déjà remarquée aux côtés de Vincent Macaigne (La Fille du 14 juillet) et de Bruno Podalydès (Comme un avion).

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Fatima ★★☆☆

La quarantaine, originaire d’Algérie, peinant à parler le français, vivant de petits boulots précaires, Fatima habite avec ses deux filles dans un HLM de la banlieue lyonnaise. L’aînée commence sa première année de médecine. La cadette, encore collégienne, se rebelle.

Le film de Philippe Faucon traite d’un thème désormais courant dans le cinéma français : l’intégration des populations immigrées (Samba, La Graine et le Mulet, Dheepan, Les Héritiers, L’Esquive…) Il le fait avec l’immense douceur et l’infinie générosité qui caractérisaient déjà ses précédents films (Samia, Dans la vie).

Hélas, à force de bons sentiments, il finit par verser dans la caricature que ne gomme pas le jeu maladroit des actrices : « mère courage », Fatima souffre en serrant les dents, sa fille aînée peine sur ses révisions et sa cadette joue la caillera en rentrant les épaules.

Si Fatima a remporté le César du meilleur film, c’est plus à son sujet politiquement correct qu’il le doit qu’à ses qualités cinématographiques.

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Sicario ★★★☆

Les Américains vivent sur un territoire aseptisé et hypersécurisé qui coexiste, à sa frontière méridionale, avec ce qu’ils croient être une jungle sans loi.

Le cinéma américain a, depuis quelques années, mis en scène cette frontière et la peur paranoïaque qu’elle suscite chez le brave Yankee : Traffic de Soderbergh, Savages de Stone, Babel d’Iñárritu, sans parler de Breaking Bad sont des œuvres au titre explicite.

Sicario s’inscrit dans cette généalogie.
Emily Blunt (Edge of Tomorrow, Looper) est un agent du FBI embringuée, à son corps défendant, dans une opération undercover contre les cartels mexicains de la drogue. CIA ? Barbouzes ? Elle plonge, et nous avec, dans le déluge de violence que déchaînent ses coéquipiers. Les fins de leur action sont-elles justes ? En tout état de cause, les moyens pour y parvenir sont répréhensibles.

Sicario est un film d’une redoutable efficacité. La musique oppressante de Jóhann Jóhannsson, le désert texan filmé par Roger Deakins (qui avait signé la photo de No Country for Old Men), la fragilité à fleur de peau d’Emily Blunt et la colère rentrée de Benicio del Toro : tout concourt pour faire du film de Denis Villeneuve un film terriblement excitant.

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Tête baissée ★☆☆☆

Longtemps éclipsé par son voisin septentrional, le cinéma bulgare se fait désormais une – petite – place sur nos écrans. Après The Lesson en septembre 2015, voici Tête baissée.

Kamen Kalev, le réalisateur de Tête baissée, a été formé à La Fémis et son film lui ressemble : à cheval entre la France et la Bulgarie. Samy est une petite frappe qui magouille d’un pays à l’autre. Il baragouine le bulgare, s’acoquine avec la mafia locale et trafique des faux billets. Arrêté à son atterrissage à Marseille, il accepte d’infiltrer un réseau de proxénétisme pour éviter la prison. Il se sert d’Elka, une prostituée mineure pour s’y introduire.

Tête baissée est un petit film poisseux qu’on aimerait aimer. Il est remarquablement servi par Melvil Poupaud, dans le rôle principal qui, depuis une quinzaine d’années, n’en finit pas d’être l’un des meilleurs espoirs du cinéma français. Il évite le manichéisme et surprend par son épilogue. Il dresse de la Bulgarie une image désespérante : bidonvilles défoncés, mères maquerelles, boîtes de nuit glauques… Mais, à force de vouloir trop embrasser (la traite des femmes, la minorité tzigane, la sortie de l’adolescence, la rédemption d’un voyou…), Tête baissée peine à étreindre et nous laisse sur le bord de la route.

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