Notre petite soeur ★☆☆☆

Entre Tchekhov et Candide.

J’avais beaucoup aimé les précédents films de Hirokazu Kore-eda. En particulier Nobody knows (2004) sur une fratrie abandonnée par une mère irresponsable ou Tel père, tel fils (2013) sur deux nourrissons échangés à la maternité.

Notre petite sœur, qui raconte comment trois sœurs recueillent leur jeune demi-sœur à la mort de leur père, reprend les thèmes chers au réalisateur : le deuil, la famille recomposée, les liens du sang… Mais il le fait avec une candeur qui empêche le film de se tendre. L’arrivée de la benjamine appelait une série d’épreuves initiatiques dont le film nous dispense. Pas de bizutage dans sa nouvelle école. Pas de tensions dans son nouveau foyer. Tout se passe idéalement bien : Suzu devient la star de l’équipe de football et la compagne idéale pour ses grandes sœurs. Du coup, l’histoire s’enlise dans une félicité vaguement soporifique. Tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes… et les quatre sœurs cultivent leur jardin.

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Le Fils de Saul ★★☆☆

A-t-on le droit de représenter l’Holocauste ? Non, dit Claude Lanzmann qui s’y était lui-même refusé dans Shoah (1985) et avait vertement critiqué La Liste de Schindler lui reprochant son esthétisme et son sensationnalisme.

Le film de László Nemes se déroule à Auschwitz, en 1944, à la veille de l’insurrection des prisonniers contre leurs gardiens. Il a pourtant été adoubé par Lanzmann. Car le jeune réalisateur hongrois a inventé une manière radicale de représenter la Shoah. Il le fait à travers les yeux de Saul, un membre du Sonderkommando, chargé d’accompagner les prisonniers dans les chambres à gaz, de les aider à se déshabiller, puis de transporter leurs cadavres, trier leurs effets, brûler leurs corps et disperser leurs cendres.

La caméra se juche sur l’épaule de Saul et ne la quittera pas. Saul a basculé dans l’horreur et s’est fermé, par réflexe de survie, à toute forme de compassion. Il ne voit rien et la caméra qui le suit est condamnée à la myopie. En revanche il baigne dans un vacarme assourdissant fait des hurlements des mourants, du bruit des machines et des ordres aboyés par les gardiens.

Ce parti pris radical est marquant. Mais passé le premier quart d’heure de sidération, le spectateur s’y habitue avant de s’en lasser. Et l’ennui qui gagne n’est pas dissipé par le scénario. Car nonobstant l’interdit lanzmannien, Nemes raconte une histoire : celle d’un père qui veut enterrer le corps de son enfant. Ce faisant, Saul part à la conquête d’une humanité qui lui a été niée.

Antigone n’est pas loin. Fort bien. Mais cette intrigue se noue dès le début du film et ne suffit pas à le nourrir sur toute sa durée. Le Fils de Saul se réduit finalement à une posture extrêmement intéressante mais terriblement ennuyeuse.

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Avril et le Monde truqué ★★☆☆

Avril et le Monde truqué est une uchronie steampunk. L’uchronie ou histoire alternative, c’est ce qui aurait pu être : que ce serait-il passé si Napoléon avait gagné à Waterloo ? Hitler à Stalingrad ? Le steampunk ou rétrofuturisme, c’est la science-fiction inspirée par un XIXe siècle de charbon et de vapeur.

Le pitch de ce dessin animé n’est pas simple à résumer : après la mystérieuse disparition des plus grands savants de la planète dans les années 1870, le monde se retrouve bloqué à l’âge de la vapeur. Avril, une jeune orpheline, qui rappelle par sa gouaille et son énergie garçonne Adèle Blanc sec, part à la recherche de ses parents disparus. Elle est aidée par un gentil grand-père, un joli voyou et un chat qui parle.

Les décors sont de Tardi qui a réinventé un Paris sans électricité, sans tour Eiffel et sans Sacré-Cœur. Tout se gâte dans la seconde partie qui bascule dans un tout autre univers plus proche de Godzilla que de Nestor Burma.
Dommage…

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007 Spectre ☆☆☆☆

Le vingt-quatrième James Bond est un nanar qui tient la route trente minutes avant de sombrer corps et âme.

Une histoire sans intérêt. Un générique kitchissime et une BOF… beaufissime. Un méchant, même pas méchant. Une James Bond girl aussi sexy qu’un thon sorti du congélo. Un James Bond vieillissant qui rappelle le Sean Connery asthmatique des Diamants sont éternels. Des pays exotiques sans l’ombre d’une trame géopolitique.

Bref une grosse, grosse déception…

La bande-annonce

Francofonia, le Louvre sous l’Occupation ★☆☆☆

Le Louvre a commandé un film au réalisateur russe Alexandre Sokourov (Moloch, Faust) qui avait déjà consacré un documentaire à l’Ermitage, errance tournée en un seul plan séquence de quatre-vingt-quinze minutes. Pour filmer le grand musée parisien, il choisit un procédé tout autre, une mise en scène éclatée ; mais, dès le premier plan, il confesse ses doutes sur ce choix.
« Je pense avoir raté mon film » dit, via Skype, le réalisateur au capitaine d’un bateau qui convoie des œuvres d’art sur un océan déchaîné. Hélas, Sokourov est lucide. Son film est raté qui accumule des histoires parallèles manquant de cohérence.
Le fil rouge serait – comme le sous-titre de Francofonia l’annonce – l’histoire du Louvre sous l’Occupation. Hélas, le réalisateur s’en écarte pour parsemer la narration d’allers-retours inutiles entre le passé et le présent. Il y aurait eu pourtant beaucoup à dire sur le directeur du Louvre, joué avec une belle élégance par Louis-Do de Lencquesaing, grand commis de l’État qui tente de sauver les œuvres du Louvre sans y perdre son âme.

Ange & Gabrielle ☆☆☆☆

Ange & Gabrielle aurait pu être un des favoris des Gérard du cinéma 2015 qui désignent les plus mauvais films de l’année. Patrick Bruel y joue le rôle qu’il a déjà endossé mille fois du quinqua sexy sans attaches. Isabelle Carré joue, elle aussi, son rôle étendard de godiche qui déboule dans la vie d’Ange pour lui annoncer que son fils (à lui) a mis enceinte sa fille (à elle). S’ensuivent quelques dialogues convenus sur la paternité, quelques gags pas drôles sur la difficulté de l’assumer et un épilogue prévisible sur les vertus du mariage. L’alchimie entre les deux acteurs ne fonctionne pas une seule seconde et même Laurent Stocker, pourtant excellent, se ridiculise dans le rôle du meilleur ami… homo comme de bien entendu.

Ange & Gabrielle est une comédie romantique qui voudrait être de son temps alors qu’elle ne réussit tout au plus qu’à le caricaturer (« Un père, c’est un confident, un complice, un ami »). À fuir…

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Hunger Games – La Révolte : Partie 2 ★☆☆☆

Hunger Games saucissonne son dernier opus. On nous avait déjà fait le coup avec Harry Potter 7.2. Après le 3.1. sorti en 2014, le 3.2. constitue le quatrième épisode de cette trilogie (vous me suivez ?)

Le procédé n’est pas sans inconvénient. Le 3.2. commence là où le 3.1. finissait, laissant au bord du chemin tous ceux qui, comme moi, en ont perdu le souvenir. Autre défaut : le 3.2. est une longue bataille finale, celle qui clôt les films d’action, ici étirée sur deux heures (comme le dernier volet du Hobbit ou de Harry Potter).

Deux autres défauts sont propres à Hunger Games :

– Le premier volet ainsi que le deuxième étaient organisés autour du Hunger Game, une lutte à mort aussi cruelle que palpitante. Il n’y en a plus dans le troisième volet. Dommage.

– L’épilogue déroutant, dans le film comme dans le livre, nous frustre du combat final que tout pourtant semblait annoncer. Combat final tellement prévisible qu’on est reconnaissant à Suzanne Collins de nous l’avoir épargné, mais combat final si longtemps attendu qu’on est frustré d’en être privé pour une fin à tiroirs assez ratée, bien qu’inattendue.

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Les Suffragettes ★☆☆☆

En 1912 les femmes britanniques se battirent pour conquérir le droit de voter. Pour donner chair à cette page d’histoire, Carey Mulligan incarne une blanchisseuse, abusée par son patron, soumise à son mari, dont la conscience politique s’éveille lentement et Meryl Streep la célèbre Emeline Pankhurst, la leader des suffragettes. On suit leur combat qui verse inexorablement dans la violence après avoir épuisé toutes les voies pacifiques.

Il y a trop de bons sentiments, trop de manichéisme à cette impeccable reconstitution historique pour que l’émotion qu’elle fait naître ne soit pas suspecte.

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Crazy Amy ★★☆☆

Judd Apatow aurait révolutionné la comédie américaine en repoussant les limites de la bienséance. C’est vrai. C’est faux.

Le réalisateur de 40 ans toujours puceau et de En cloque mode d’emploi a popularisé un humour potache, volontiers transgressif. Amy Schumer, la scénariste et l’actrice principale de Crazy Amy (audacieuse traduction du titre original Trainwreck), nous fait hurler de rire. Elle y est aidée par une brochette de seconds rôles remarquables : Tilda Swinton en directrice de publication narcissique et sadique, LeBron James en star autoparodique du basket, Ezra Miller, l’inquiétant héros de We Need to Talk about Kevin, en stagiaire déluré…

Pour autant, le cinéma de Judd Apatow n’est transgressif que dans sa forme. Au fond, il véhicule un conservatisme très mainstream. Si Amy commence par enchaîner les coups d’un soir elle se convertit bien vite à la monogamie. Ce moralisme fadasse entame le plaisir pris à rire des situations hilarantes imaginées par Amy Schumer, mais il ne nous dissuadera pas d’aller voir son film suivant.

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Maestà, La Passion du Christ ★★★☆

Comment parler cinématographiquement d’un tableau de maître ? En 2011, Lech Majewski avait imaginé de faire déambuler Bruegel en 3D dans l’une de ses toiles. La démarche du plasticien Andy Guérif est autre. Il a patiemment reconstitué chacun des vingt-six panneaux de la Maestà, un polyptyque réalisé au début du Trecento pour la cathédrale de Sienne.
Ce travail de fourmi lui a pris sept ans, à Angers, avec une poignée d’amis et un budget dérisoire.

Le résultat est un plan fixe qui englobe tout le polyptyque. Chaque panneau s’anime successivement dans un coin de l’écran, décrivant une étape de la Passion du Christ depuis l’entrée à Jérusalem jusqu’aux compagnons d’Emmaüs.
Dans chaque cartouche on voit les personnages s’installer, puis se figer quelques secondes dans la position précise qui était la leur dans le tableau, avant de s’animer à nouveau et de se diriger vers le cartouche suivant.

Le procédé est totalement artificiel et parfaitement naturel. Sans doute crée-t-il à la longue une lassante répétition, d’autant que l’histoire est connue et son dénouement sans surprise. Mais ce film hors norme a l’intelligence de ne pas dépasser soixante minutes et de s’arrêter avant que la curiosité qu’il suscite ne disparaisse.

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