Iris ★☆☆☆

À la sortie du restaurant où elle déjeunait avec son époux , Iris  disparaît. Marc Lopez, un garagiste sans le sou, l’a kidnappée et exige de son mari le versement d’une rançon pour la libérer. Mais le kidnapping est une arnaque montée par Iris. À moins que…

« Iris » est un film qu’on aurait aimé aimer. Un polar à tiroirs comme le cinéma américain en réalise d’excellents et comme le cinéma français ne parvient pas à en faire. Avec un riche banquier sadomasochiste au sourire carnassier (Jalil Lespert devant et derrière la caméra). Un pauvre bougre embarqué dans une arnaque qui le dépasse (Romain Duris beaufement moustachu). Et une innocente épouse, peut-être moins innocente qu’il n’y paraît (Charlotte Le Bon au minois trop joli pour convaincre de la perversité de son personnage).

Interdit aux moins de douze ans, « Iris » est l’occasion de quelques scènes SM, faussement transgressives, une version un peu hard d’une pub pour La Perla. Mais il serait mesquin d’y trouver à redire, la plastique de Charlotte Le Bon – ou de sa doublure nu – et ses vertigineux escarpins ayant de quoi réjouir le petit cochon qui sommeille en chacun d’entre nous.

C’est plutôt du côté de la mise en scène qu’on pourrait mégoter. Alors que le scénario se déroule intelligemment avec son lot de rebondissements, la mise en scène, elle, ne passe jamais l’accélérateur, installant « Iris » dans un faux rythme soporifique. Comble du paradoxe : on finit par s’ennuyer ferme d’une histoire en tout point bien troussée.

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Swagger ★☆☆☆

Olivier Babinet filme onze collégiens à Aulnay-sous-Bois. Régis, le roi de la sape, Aissatou la Sénégalaise trop discrète, Paul qui vient de Pondichéry, Elvis qui veut devenir chirurgien…

Il faut écouter ce que ces ados, loin des préjugés qu’on en a, ont à nous dire. La première chose est la plus préoccupante : la rupture radicale et peut-être définitive avec les Français « de souche ». Pas un seul « Gaulois » dans « Swagger » – sinon la silhouette muette d’un enseignant. Les Blancs ont déserté Aulnay. Et les enfants, Noirs au Arabes, font le constat désabusé de leur désertion.

La seconde est plus réjouissante. Ces jeunes ont du swag, du style et du cran. Il faut écouter Régis raconter avec truculence un épisode des Feux de l’amour ou comparer le style vestimentaire de Barack Obama ou de François Hollande. Il faut écouter la frêle Naïla se lancer dans une critique désopilante de Mickey et de Barbie.

Des films ou des documentaires sur des ados de banlieue, on en a vu treize à la douzaine. Plus ou moins réussis. De « Bandes de filles » de Cécile Sciamma à « Entre les murs » de Laurent Cantet (qui, certes se déroulait dans un collège parisien intra muros … mais ne mégotons pas !) en passant par « Divines » « La Vie en grand » ou « Les Héritiers ». De « La Cour de Babel », l’excellent documentaire de Julie Bertuccelli sur une classe d’adaptation à « Elektro Mathematrix » l’euphorisante comédie musicale de Bianca Li. Et c’est bien là que le bât blesse.

« Swagger » hésite entre deux partis. Le premier, le plus classique, est celui du documentaire qui nous donnerait à entendre la parole de ces jeunes. Le second, plus audacieux, est celui de l’exercice de style qui projette d’Aulnay et de son urbanisme sans charme une image presque poétique, grâce à des vues aériennes, des jeux d’ombre et de lumière, des ralentis, une bande son très sequencée. Faute de choisir entre ces deux options, « Swagger » se condamne à un entre-deux qui le dessert.

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L’Histoire de l’amour ☆☆☆☆

Leo aime Alma. Alma aime Leo. Mais la Seconde guerre mondiale les sépare. Un roman « L’Histoire de l’amour » qu’une Américaine de Brooklyn traduit de l’espagnol soixante ans plus tard parviendra-t-il à les rapprocher ?

Nicole Krauss avait écrit au milieu des années 2000 un roman à tiroirs dont la lecture m’avait emporté. Je me faisais une joie de son adaptation à l’écran même si les critiques assassines du Masque et la Plume avaient refroidi mon enthousiasme.

Hélas ces critiques n’avaient pas tort. Elles reprochaient au scénario du film, qui procède par bonds répétés entre les lieux (la Pologne, le Chili, New York) et les époques  (1941, 1950, 1995, 2006), d’être difficile à suivre. Elles clouaient au pilori Derek Jacobi, qui interprète Leo vieux, pour son cabotinage. Elles blâmaient le réalisateur Radu Mihaileanu pour son lyrisme dégoulinant – qui déjà tangentait dangereusement la ligne rouge du tire-larmisme dans « Va, vis et deviens » et « Le Concert ».

Seules étaient épargnées l’interprétation de Gemma Arterton et sa rayonnante beauté. Hélas, aussi sensible que je puisse être au physique appétissant de l’héroïne de « Tamara Drewe » et « Gemma Bovery », force m’est de constater que, inondée de larmes ou grimée en vieillarde, elle n’est guère à son avantage dans cette Histoire de l’amour.

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Planétarium ★☆☆☆

À Paris, dans les années 30, les soeurs Barlow, Laura l’aînée  (Natalie Portman probablement la plus parisienne des stars hollywoodiennes) et Kate la cadette (Lily-Rose Depp tout juste sortie de l’enfance, portrait craché de sa mère), donnent un spectacle de spiritisme. Elles attirent l’attention d’un riche producteur (Emmanuel Salinger) qui rêve de capter sur la pellicule les esprits qu’elles convoquent.

J’avais adoré les deux premiers films de Rebecca Zlotowski : « Belle épine » qui avait révélé Léa Seydoux et Anaïs Demoustier (excusez du peu) et « Grand central ». La jeune réalisatrice, agrégée de lettres et diplômée de la Femis, quitte le terrain de la chronique sociale contemporaine pour celui, plus casse-gueule, de la reconstitution historique. On ne saurait lui faire le reproche d’avoir filmé à l’économie. Si les extérieurs sont rares, les costumes en revanche sont splendides.

Le problème vient d’ailleurs. D’un scénario qui, à l’instar du personnage du producteur Korben, ne sait pas ce qu’il veut. De quoi parle « Planetarium » ? On ne le saura jamais – pas plus qu’on ne nous donnera la moindre piste pour percer son titre. Le portrait de deux sœurs qui cherchent à vivre d’un don qu’elles ne sont pas sûres de posséder ? Le portrait d’un homme perdu dans ses chimères ? Le tableau d’une époque qui va à sa perte sans en avoir conscience ? Une métaphore du cinéma qui cherche sans succès à capter une vérité évanescente ?

Sans doute tout cela. C’est beaucoup. C’est trop.

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Snowden ★★☆☆

En juin 2013, Edward Snowden, un ancien employé de la CIA et de la NSA, a lancé l’alerte sur les programmes de surveillance électronique mis en œuvre par les agences américaines de renseignement.

Oliver Stone a pris à bras-le-corps l’histoire des États-Unis pour livrer sa vision personnelle et engagée de ses épisodes les plus polémiques : la guerre du Vietnam (« Platoon »), la spéculation boursière  (« Wall street »), l’assassinat de Kennedy (« JFK »), le 11-septembre (« World Trade Center »)… Pas étonnant qu’il se saisisse de la figure de Snowden pour instruire, une fois de plus, le procès à charge d’une Amérique orpheline de ses valeurs.

Son film a de nombreux défauts. Il raconte une histoire dont on connaît par avance les principaux rebondissements : la carrière de Snowden dans les services de renseignement, ses révélations dans les médias, sa fuite rocambolesque, son exil en Russie. Du coup, tout suspense est tué dans l’œuf. Il le fait avec un manichéisme outrancier, opposant la figure quasi-christique du jeune informaticien, prêt à sacrifier sa vie pour racheter les pêchés de son gouvernement, à d’odieux militaires sans scrupule. Et il ne peut s’empêcher de lester son histoire d’une inutile romance qui, malgré la joliesse de Shailene Woodley (« Divergente », « Nos étoiles contraires »), pèse des tonnes.

Mais son film a deux atouts. Le premier est sa maîtrise. Oliver Stone sait y faire. Même si « Snowden » dure trente bonnes minutes de trop, il possède ce souffle épique qui nous emporte. Le second est son acteur principal. Joseph Gordon-Levitt n’est pas encore une star ; mais il est à  deux doigts de l’être.  Si vous en doutiez encore courez voir « Don Jon », le film qu’il avait réalisé en 2013 et dont il interprétait le rôle principal.

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Le Client ★★★☆

Le dernier film du réalisateur iranien Ashgar Farhadi a frôlé la Palme d’Or à Cannes, obtenant le prix du meilleur scénario et celui de la meilleur interprétation masculine. Il suscite une impatience d’autant plus grande qu’il succède à deux chefs d’œuvre : « Une séparation » (2011) et « Le Passé » (2013).

Le plus russe des réalisateurs iraniens creuse le sillon tracé par ses précédents films. On y retrouve les mêmes personnages issus de l’élite intellectuelle libérale iranienne. Ils sont confrontés à des dilemmes moraux similaires. Ils sont filmés dans les mêmes intérieurs étouffants dont la caméra ne s’évade quasiment jamais, métaphore à peine voilée  (c’est le cas de le dire) de la société iranienne au bord de l’implosion.

Comme dans ses précédents films, Fahradi recherche une vérité aux multiples facettes. Dans « Le Client », cette quête prend des allures d’enquête policière. Il s’agit de découvrir l’identité du client de la précédente locataire de l’appartement où Rana et Emad viennent de s’installer.

Féministe sans le savoir, Fahradi égratigne chacun des personnages masculins tandis qu’il épargne chacun des personnages féminins. C’est un trait commun qu’il partage avec le réalisateur coréen de « Mademoiselle ».

Comme ces précédents films, « Le Client » met mal à l’aise. C’est un feel bad movie. Mais qui a dit que les bons films devaient faire du bien ?

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Mademoiselle ★★★☆

Dans la Corée des années 30, au temps de l’occupation japonaise, une servante est recrutée par une riche héritière prisonnière d’un oncle lubrique dans un immense manoir inquiétant. La jeune domestique est en fait une jeune arnaqueuse qui, avec la complicité d’un faux comte japonais, espère mettre la main sur l’héritage de sa maîtresse. Sauf que les choses sont moins simples qu’il n’y paraît et que l’arnaque n’est peut-être pas là où on la pressent.

Le réalisateur coréen Park Chan-wook est au sommet de son art avec cette adaptation d’un thriller victorien. Transposé au Pays du matin calme, l’action de « Du bout des doigts », le roman de Sarah Waters, s’orientalise. Il se leste d’un érotisme diffus, avec son lot d’estampes japonaises et de boules de geisha. Il s’enrichit surtout d’une esthétique fétichiste qui fait de chaque plan sublimement photographié une œuvre d’art.

À la différence de « The Assassin », que j’avais trouvé d’une beauté stérile, cette mécanique est au service d’un double projet. Le premier est un scénario diaboliquement complexe dans la veine des plus manipulateurs des réalisateurs. Comme dans « Rashomon », la même histoire va être envisagée de plusieurs points de vue : dans la première partie du film du point de vue de la servante, dans la seconde de celui de la maîtresse.

Mais « Mademoiselle » ne vaut pas seulement par ses twists machiavéliques (et parfois un peu prévisibles). C’est surtout un splendide portrait de femmes, une merveilleuse histoire d’amour (ah! la scène de la baignoire !), un pamphlet féministe audacieux. Bref c’est tout à  la fois « Downton Abbey », « L’Empire des sens » et « La Vie d’Adèle ». Pas mal pour un film dont on pardonnera du coup ses deux heures vingt-quatre.

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Réparer les vivants ★★★★

Coup de cœur pour « Réparer le vivants ». J’avais kiffé le livre ; j’ai surkiffé le film.

De quoi s’agit il ? D’un cœur justement. Celui de Simon, 17 ans, dont on suit les dernières heures de la trop courte vie : la nuit qui s’achève auprès de son amoureuse, la bien-nommée Juliette (Galatéa Bellugi révélée dans « Keeper » un autre coup de cœur), sa course à  travers les rues du Havre pour retrouver ses copains surfeurs, le trajet en camionnette jusqu’au spot, l’immersion dans l’eau glacée, le retour sur la route et la mort au bout du chemin.

Mais pour que cette mort scandaleuse ne soit pas inutile, les urgentistes qui annoncent à la mère (Emmanuelle Seigner écrasée de chagrin) et au père (le rappeur Kool Shen à contre-emploi) de Simon le décès de leur enfant leur proposent que ses organes soient légués à des malades en attente de don.

Le drame prend alors des allures de documentaire sans jamais virer au didactisme. Une panoplie de personnages se met en place. Un instant on regrette qu’elle nous distrait du huis clos dans lequel on serait volontiers restés. On quitte Le Havre pour Paris. Claire, la cinquantaine, souffre d’une nécrose du cœur. Ses deux fils sont à son chevet. Celle dont on comprend qu’elle fut son amoureuse aussi (Alice Taglioni qu’on ne peut plus regarder sans songer à  la mort horrible de son compagnon). Sa cardiologue (Dominique Blanc) prépare la transplantation avec ses jeunes assistants.

Le film n’est jamais aussi bon que dans son dernier tiers, quand les fils de l’histoire se renouent et que le cœur de Simon, clampé au Havre, est greffé à Claire. Âmes sensibles s’abstenir : la double opération est filmée en gros plan. Mais rien n’est plus émouvant que le visage de la jeune interne (Alice de Lencquesaing) qui s’éclaire quand l’opération se termine ou que les yeux de Claire se rouvrent quand un nouveau cœur bat dans sa poitrine.

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