Infiltrator ★☆☆☆

En 1985, les Douanes américaines ont infiltré le cartel de Medellin pour faire tomber plusieurs barons de la drogue et les banques qui blanchissaient leur argent.

Walter White chez Pablo Escobar. Si vous n’avez pas vu Breaking Bad, c’est que vous avez passé ces dix dernières années sur une autre planète. Bryan Cranston y incarnait un professeur de chimie reconverti en parrain de la drogue. C’est bon an mal an le même rôle qu’il endosse dans Infiltrator : celui d’un honnête père de famille condamné à singer les manières d’être d’un caïd.

Il le fait avec la même aisance que celle dont il faisait preuve dans la désormais cultissime série américaine. La scène du restaurant où il doit, devant son épouse médusée, humilier un serveur pour tenir son rôle face à un mafieux croisé par mégarde est de ce point de vue exceptionnelle.

Infiltrator a le défaut de s’ajouter à une liste bien longues de films similaires qui compte quelques monuments indépassables : Serpico (1973), Donnie Brasco (1997), Infernal Affairs (2002), Les Infiltrés (2006). Il a au surplus le défaut d’hésiter entre deux partis entre lesquels il ne tranche jamais. Trop léger pour glacer les sangs et faire craindre pour la vie des agents sous couverture. Pas assez drôle pour faire rire des quiproquos que suscitent la double vie qu’ils mènent.

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Clash ★☆☆☆

À l’été 2013, Le Caire est à feu et à sang. Deux ans plus tôt, la révolution arabe a renversé le président Moubarak. Les Frères musulmans ont gagné les élections ; mais, après l’occupation de la place Tahrir, l’armée reprend le pouvoir. Un fourgon pénitentiaire accueille une dizaine de manifestants aux convictions politiques et religieuses divergentes.

Le cinéma offre des témoignages fascinants sur la révolution égyptienne. Qu’il s’agisse de documentaire (« je suis le peuple », 2014) ou de film (« Après la bataille », 2012), ils en disent plus que de longs discours sur le ras-le-bol du peuple contre le régime corrompu de Moubarak et la tentation ambigüe d’un pouvoir religieux. « Clash » s’inscrit dans cette veine, qui ambitionne de filmer une révolte urbaine sans jamais quitter l’intérieur d’un fourgon.

Claustrophobes s’abstenir ! Mohamed Diab aime les espaces clos. Après « Les Femmes du bus 678 », dénonciation rageuse des violences faites aux femmes, il plante sa caméra dans un panier à salades. Toute l’action s’y déroule, quasiment en temps réel.

Au fur et à mesure que la journée avance, ce fourgon se remplit. Deux journalistes. Des manifestants anti-Morsi. Des Frères. Avec la température qui monte, le fourgon se transforme en cocotte-minute. L’explosion menace à chaque instant.

Sur le papier, cette idée de mise en scène est bigrement alléchante. Mais sa réalisation peine à convaincre. Chaque personnage devient sa propre caricature : la femme voilée, le vieux religieux, le jeune hédoniste, l’intellectuel laïcard, le militaire borné … L’intrigue peine à avancer, rythmée par les chaos de la manifestation dont on entend les grondements indistincts. L’action se réduit à une série de disputes, plus ou moins répétitives. Au bout d’une heure trente sept, on est soulagé d’ouvrir les portes et de sortir au grand air.

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La Taularde ★☆☆☆

La première scène de « La taularde » prend aux tripes. Sophie Marceau, notre idole nationale, dont le sourire charmant, les yeux qui plissent et la bretelle qui glisse font chavirer le cœur des Français depuis plus de trente ans, est humiliée sous nos yeux choqués. Nue comme un ver – mais un meuble occulte son entrejambe – elle doit se soumettre à la palpation de sécurité qui accompagne sa mise sous écrou.

Mathilde Leroy, son personnage, est en prison pour l’homme qu’elle aime, un Robin des bois qui vole les riches pour donner aux pauvres. Elle l’a aidé à s’évader et espère écoper d’une peine légère pour complicité. Mais l’évasion a mal tourné. Un otage a été tué. La peine légère risque de s’alourdir. Placée au silence, sans nouvelles de l’extérieur, Mathilde doute de la sincérité de son compagnon tandis qu’à l’intérieur, ses codétenues lui mènent la vie dure.

Des films de prison, on en a vu treize à la douzaine. Le meilleur est sans conteste « Un prophète » de Jacques Audiard. Mais certains, passés inaperçus, sont de vraies réussites : « Dog Pound » (2010), « Ombline » (2012), « Les Poings contre les murs » (2013), « Eperdument » (2015) . Difficile de faire mieux ou même aussi bien. « La Taularde » n’y parvient pas même si l’idée de plonger une intello dans la jungle de la maison d’arrêt était bonne.

Sophie Marceau est le principal atout et le principal handicap du film. Elle est remarquable dans ce rôle ingrat. Sale, sans maquillage, elle bout d’une rage impuissante. Mais Sophie Marceau ne réussit jamais à faire oublier qu’elle est Sophie Marceau. Idole nationale, elle est condamnée aux rôles que son statut appelle.

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Ben-Hur ★☆☆☆

Au début de l’ère chrétienne, en Judée, Judah Ben-Hur, un notable juif, et Messala Severus, un orphelin romain, vivent sous le même toit avant d’être séparés par les aléas de l’Histoire.

Je me souviens mon émerveillement à  la découverte du péplum de Bill Wyler. J’avais peut-être dix ou douze ans et je n’avais jamais veillé aussi tard. Élève studieux des Pères maristes, je lisais à l’époque Quo Vadis ou Les Derniers jours de Pompei et étais baigné d’histoire latine, passée au tamis d’un catéchisme bon enfant. Jamais je n’avais vu un film à  grand spectacle si long, si épique, si poignant. J’avais si peu de second degré que les jupettes de Charlton Heston ne m’avaient même pas fait sourire.

Pourquoi diable faire un remake de ce chef d’œuvre indépassable ?  Pour toucher un public allergique aux films anciens ? Pour tirer partie des possibilités offertes par les techniques de l’image ? Pour faire de l’argent auprès d’un public rétif à la nouveauté ? Si le film s’est monté, c’est qu’une de ces raisons hélas est la bonne.

Le film de Timur Bekmambetov (encore un réalisateur étranger happé par Hollywood) n’est pas un navet. Il réplique les grandes scènes du Ben-Hur : la bataille navale, la course de chars, la crucifixion. Mais il le fait avec une application trop sérieuse pour emporter l’adhésion.

Entre l’original et la copie, préférez toujours l’original !

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Jeunesse ★☆☆☆

Un peu filou, un peu rêveur, Zico (Kévin Azaïs découvert aux côtés de Adèle Haenel dans Les Combattants) veut prendre la mer. Il s’embarque sur un vieux rafiot battant pavillon panaméen. À bord un vieux capitaine (Jean-François Stévenin) et un second silencieux (Samir Guesmi aussi à l’aise dans la comédie – L’Effet aquatique – que dans le drame).

« Homme libre, toujours tu chériras la mer ! » – Julien Samani transpose à l’époque contemporaine une nouvelle de Joseph Conrad. Sa fidélité à la trame narrative est plus un défaut qu’une qualité : avec ses tatouages, Zico ressemble trop à son époque pour rendre crédible le personnage de jeune lieutenant du livre de Conrad.

Les personnages de ce huis clos marin sont pourtant attachants. Mais le scénariste peine à leur donner de la chair. Pour le faire, il invente deux événements théâtraux : une tempête, un incendie. Filmés à la petite semaine, ils ne suffisent pas à donner à « Jeunesse » une épaisseur qui lui fait cruellement défaut.

Si la plainte indomptable et sauvage des flots impétueux et les marins aux torses huileux vous émeuvent, je vous conseille plutôt l’excellent Fidelio (2014) ou Noir océan (2010)

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Relève : histoire d’une création ★★★☆

En 2014, Benjamin Millepied a pris la tête du ballet de l’Opéra de Paris. Un an plus tard, son spectacle « Clear, Light, Bright, Forward » ouvre la saison 2014/2015 en présence du Président de la République. « Relève » est, comme son sous-titre l’annonce, l’histoire de cette création. Mais c’est aussi l’histoire d’une relève, d’un changement de direction à la tête du plus célèbre ballet au monde.

« Relève » vient s’ajouter à la liste déjà longue des documentaires consacrés à la danse. L’un, il y a quelques mois, était consacré à  Ohad Naharin ; l’autre, il y a quelques années, à  Pina Bausch. Ici les documentaristes ont suivi Benjamin Millepied dans la préparation d’une oeuvre très contemporaine, interprétée par les danseurs classiques du ballet. Pendant quarante jours, Millepied est au four et au moulin, avec les danseurs, les musiciens, les costumiers… Son assistante veille au grain et tente, tant bien que mal, de lui faire respecter un agenda dément. Le documentaire nous parle moins de l’art de la danse que de la difficulté à monter un projet complexe.

Mais « Relève » a une seconde dimension qui suscite un malaise. Le documentaire est un manifeste en faveur des réformes que le nouveau directeur appelle de ses voeux. Il veut rompre avec la hiérarchie étouffante du corps de ballet en confiant à des sujets ou même à des coryphées des premiers rôles. Il manifeste un souci inédit pour le bien-être, la santé, la nutrition des danseurs. Rien que de très louable dans ses promesses. Sinon que Millepied a claqué la porte de l’Opéra quatre mois après le succès de sa création. Vaincu par une bureaucratie aveugle ? Ou victime de ses caprices de diva ? Le documentaire n’en dit mot et nous laisse sur notre faim.

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Frantz ★★★☆

L’affiche de « Frantz » donne au spectateur deux indices sur le dernier film de François Ozon. En noir et blanc, nimbé d’une douce lumière, c’est un film en costumes si l’on en croit la tenue du personnage féminin. Ce premier indice ne nous décevra pas : « Frantz » est un film d’un grand classicisme formel. Un scénario efficace qui présente l’originalité d’accélérer dans son troisième tiers. Un noir et blanc très travaillé, laissant parfois, au gré des émotions des personnages, la place à un retour à la couleur. Une interprétation parfaite : Pierre Niney confirme qu’il compte désormais parmi les tout meilleurs acteurs français du moment, Paula Beer est une charmante révélation.

Le second indice concerne moins la forme que le fond. Si on s’y fie, « Frantz » serait l’histoire d’un couple. Un homme torse nu offert comme objet de désir à une femme penchée vers lui qui le regarde. Allons jeter un œil à la bande-annonce. Les choses se compliquent. On y apprend d’abord que Frantz n’est pas le prénom du personnage interprété par Pierre Niney. Tombé au front le 15 septembre 1918, Frantz – ou plutôt Franz – est mort. Le film sera construit autour de son absence et du lien détruit qui le réunissait à Anna, dont il était fiancé, et à Adrien, qui se prétend son ami.

Sauf que …. Sauf que chez Ozon rien n’est simple. Dans le triangle amoureux que forment Frantz, Anna et Adrien, le décès du premier (mais est-il réellement décédé ?) n’empêche pas la confusion des sentiments – pour citer une nouvelle de Zweig dont l’atmosphère et le thème ne sont pas sans similitude avec « Frantz ». De quelle nature était l’amitié de Adrien pour Frantz ? Dans quelle direction les sentiments de Anna pour Adrien vont-ils évoluer ?

On pourrait croire que François Ozon a réalisé une œuvre hétérogène. Quoi de commun entre une jolie ado qui tapine (« Jeune et jolie »), un veuf qui se travestit (« Une nouvelle amie »), un bébé qui vole (« Ricky »), une jeune écrivaine en quête de gloire dans l’Angleterre victorienne (« Angel ») ? Rien ? Tout ! Ozon est un cinéaste du mensonge. Il l’est si bien devenu qu’il réussit à nous y faire croire alors même que la réalité est plus simple. Ses intrigues cachent – ou nous font croire qu’elles cachent – de lourds secrets qu’on s’imagine percer à jour mais qui se révèlent autant de fausses pistes. Ozon nous mène par le bout du nez. Avec Pierre Niney, ça tombe bien ! Bravo les artistes !

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Voir du pays ★★☆☆

Une section de militaires français s’arrête à Chypre, en sas de décompression, après six mois passés en Afghanistan. Parmi eux Aurore (Ariane Labed) et Marine (Soko), deux amies d’enfance qui peinent à se faire respecter par leurs camarades masculins.

Le livre de Delphine Coulin et le film qu’elle en a tiré avec sa soeur exploitent un paradoxe : comment passer sans solution de continuité de la guerre à la paix, de la vallée de la Kapisa au beach resort méditerranéen, de la burqa au bikini ?

L’affiche du film joue sur ce contraste : deux militaires caparaçonnés dans un club de vacances. Et elle lui ajoute un paradoxe supplémentaire : ces deux militaires sont des femmes dans un environnement hyperviril.

La situation est terriblement intéressante et le film d’autant plus décevant qu’il n’en tire pas tou le parti. Il s’égare successivement dans deux directions sans choisir entre elles. La première est le traumatisme du conflit et l’impossibilité de l’évacuer. Aidés par des images de synthèse, les militaires sont invités à raconter leurs expériences. Le passé, que tous n’ont pas vécu de la même façon, ne passe pas.

La seconde est la guerre des sexes qui fait rage au sein de la section. Les garçons ont les nerfs à fleur de peau, les hormones en ébullition. Les trois filles de la section sont inéluctablement leur exutoire et leurs proies. La tension monte jusqu’au paroxysme qui aurait pu être plus meurtrier encore. Le film aurait pu s’arrêter là. Son épilogue tristement logique est la pire des publicités pour l’institution militaire

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La Chanson de l’éléphant ★☆☆☆

Un médecin a disparu d’un hôpital psychiatrique. L’un de ses collègues interroge un patient (Xavier Dolan) pour découvrir l’insoupçonnable vérité.

Xavier Dolan est l’enfant terrible du cinéma canadien. Surtout connu pour ses réalisations (Laurence Anyways, Mommy), il passe volontiers devant la caméra. Dans les deux cas, il manifeste les mêmes qualités et les mêmes défauts : une énergie débordante, une violence difficilement canalisée, une immaturité revendiquée.

Son personnage est presque sobre, qui affronte à fleuret moucheté, le psychiatre qui l’interroge. Le problème de La Chanson de l’éléphant vient moins du jeu des acteurs que de la mise en scène. Inspiré d’une pièce de théâtre, « La Chanson de l’éléphant » est du théâtre filmé qui ne s’échappe quasiment jamais des quatre murs du bureau du praticien.

Le théâtre filmé produit parfois des chefs d’œuvre : Macbeth de Welles, Le Limier de Mankiewicz, Dogville de Lars Von Trier. Mais trop souvent hélas il s’agit d’adaptations paresseuses d’une pièce dont on espère prolonger le succès en touchant un plus large public : Dîner de cons ou Le prénom. Même La Cage aux folles ou Le Père Noël est une ordure (dont je connais, comme toute ma génération, la moindre réplique par cœur) sont des films sans qualités.

La Chanson de l’éléphant présente hélas toutes les tares du mauvais théâtre filmé. Aussi brillant soit-il le dialogue du médecin et du patient finit par lasser. Aucun rebondissement ne vient sortir le spectateur de sa torpeur. Jusqu’à un épilogue inutilement dramatique et vaguement ridicule.

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Éternité ★★★★

C’est l’histoire d’une famille sur près d’un siècle. Depuis Valentine (Audrey Tautou) et Jules. Henri (Jérémie Renier) épouse Mathilde (Mélanie Laurent) dont la cousine Gabrielle (Bérénice Béjo) épouse Charles (Pierre Deladonchamps). Du monde extérieur, rien n’est dit ou presque. Seuls comptent les naissances, les baptêmes, les mariages, les enterrements. De la splendide villa construite dans les collines qui surplombent la Méditerranée, on ne sortira jamais. Car, nous dit le film, c’est là que l’essentiel se déroule : dans une vie pure et sans histoire.

Les gens heureux n’ont pas d’histoire. Les filmer n’en est que d’autant plus difficile. S’inspirant d’un livre d’Alice Ferney au titre merveilleux L’Elegance des veuves, le réalisateur franco-vietnamien Tran Ahn Hung réalise un film hors norme.

Je conçois aisément les critiques qui pourraient lui être adressées. Une lenteur étouffante. Une beauté trop léchée. Une histoire hors du temps, suspendue dans une bulle. Une voix off pontifiante. Une musique envahissante. Elles sont toutes pertinentes.

Et pourtant j’ai follement aimé ce film bouleversant. Je me suis laissé prendre à son faux rythme. J’ai été subjugué par la beauté de chaque plan, construit comme des tableaux de maître (on pense à Ingres, à Renoir), par les costumes, par les décors. Et j’ai été emporté par la musique qui repique la quasi-intégralité des titres de ma play list de CSP++ germanopratin : Bach, Haendel, Ravel, Debussy…

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