Atomic Blonde ★☆☆☆

Atomic Blonde a construit sa publicité autour d’arguments dont on peut s’étonner qu’ils n’aient pas suscité le légitime déchaînement des organisations féministes : les cuissardes sexy de Charlize Theron, sa perruque blonde platine et son gros pistolet. Le plan marketing était simple sinon simpliste : un Jason Bourne au féminin, un Lucy au pays des Espions

Pour ce faire, Hollywood adapte un « roman graphique » (on disait jadis « bande dessinée ») de Anthony Johnston intitulé « The Coldest City ». Sans barguigner, on le débaptise : Atomic Blonde sera plus vendeur.

Son action se déroule à Berlin dans les jours qui précèdent la chute du Mur. C’est la meilleure idée du film. C’est à peu près la seule. La reconstitution ne prétend pas à la réalité historique. Mais la réalisation n’a pas lésiné sur les moyens. Et le résultat est payant. Le meilleur : la B.O. qui reprend toutes les scies – même les plus démodées – de l’époque : The Cure, Nena, David Bowie, Depeche Mode, George Michael et même l’iconique Der Kommissar de Falco.

Quant au reste, qu’en dire ? Qu’on n’y a pas compris grand-chose. On se demande si les scénaristes ont cherché à nous perdre dans une intrigue trop confuse – ce à quoi ils ont parfaitement réussi – ou s’ils se sont maladroitement essayé à copier les intrigues à double fon de John Le Carré – les couleurs désaturées des scènes d’interrogatoire rappellent la palette graphique de La Taupe.

Manifestement l’essentiel n’est pas là. Revenons à l’argument de vente du film : Charlize Theron. Elle est de tous les plans. Sans doublage comme le prétend le dossier de presse – et comme on peine à la croire – elle abat une sacrée besogne – et beaucoup d’ennemis. Un plan séquence époustouflant d’une bonne dizaine de minutes dans une cage d’escalier berlinois ne suffit toutefois pas à nous réveiller. Car chaque scène semble être la répétition de la précédente : Charlize arrive en robe de soirée et talons aiguilles ; elle rencontre un méchant patibulaire ; elle le défait au terme d’un combat aussi bref que brutal.

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Lumières d’été ★☆☆☆

Akihiro est un réalisateur japonais venu tourner à Hiroshima pour la télévision française un documentaire à l’occasion du soixantième-anniversaire de l’explosion de la bombe atomique. Après l’interview particulièrement éprouvante d’une survivante, il se promène dans la ville et y rencontre une jeune fille au charme surannée. Elle l’entraîne dans une longue errance jusqu’au bord de la mer où leurs pas croisent ceux d’un vieil homme et de son petit fils.

Quelles traces laisse un événement historique aussi dramatique que la première explosion atomique et sa centaine de milliers de victimes ? Nous condamne-t-il à un révérencieux devoir de mémoire ? Nous autorise-t-il à continuer à vivre ? Autant de questions profondes que prend à bras-le-corps le documentariste français Jean-Gabriel Périot. Il aurait pu le faire sous la forme d’un documentaire – à l’instar du chercheur Barthélémy Courmont qui, dans son autobiographie Mémoires d’un champignon (Lemieux Editeur, 2016) raconte le traumatisme qu’il a subi à l’occasion de sa visite dans la ville martyre et l’effet déterminant qu’il eut sur sa carrière universitaire. L’auteur du très réussi Une jeunesse allemande aurait pu installer sa caméra outre-Rhin, à Auschwitz ou à Berlin.

Il choisit l’exotisme radical de l’archipel nippon. Et il a la bonne idée, pour nous faire sentir cette distance radicale, de donner à un acteur japonais parfaitement francophone le premier rôle.

La première séquence du film est particulièrement éprouvante. Elle ne dure pas moins d’une vingtaine de minutes. C’est une longue interview d’une Hibakusha, une survivante de l’apocalypse nucléaire. Quand le réalisateur sort de la salle d’enregistrement et se promène dans le parc ensoleillé construit en plein centre ville sous l’épicentre de l’explosion, le spectateur et lui retrouvent une respiration régulière. Et la longue balade qu’il effectue en galante compagnie constitue une parenthèse enchantée. On pense à Rohmer ou à Ozu. Au Conte d’été du premier pour le raffinement un peu snob des dialogues. Au Dernier caprice du second pour la réunion familiale décrite dans le dernier tiers du film.

On comprend des deux films que compte Lumières d’été – le témoignage poignant de la survivante, la longue balade en bord de mer du documentariste – que leur juxtaposition est précisément son sujet : la vie, toujours, continue. Mais cette juxtaposition aurait gagné à être plus travaillée. Car passée l’émotion suscitée par le témoignage de cette vieille femme courageuse, on se laisse lentement amollir dans une promenade languissante dont on perd de vue le lien qu’elle est censée entretenir avec la première séquence du film.

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Lola pater ★☆☆☆

À la mort de sa mère, le jeune Zino part à la recherche de son père pour régler la succession. Il découvre bientôt que celui-ci a changé de sexe et se dénomme désormais Lola.

À la différence des précédents films de Nadir Moknèche, qui se caractérisaient par leur subtilité et leur sensibilité (Le Harem de Madame Osmane, Viva Ladjérie, Délice Paloma), Lola Pater est lesté de plusieurs défauts rédhibitoires.

Le premier est de reposer sur un faux suspense. Qu’est devenu Farid, le père de Zino ? Le titre du film, son affiche, les interviews donnés par Fanny Ardant ne le cachent pas. Son fils est manifestement le seul à l’ignorer. Sa quête en est d’autant moins intéressante puisqu’on sait sur quoi elle débouchera. On est bien loin du coup de théâtre de The Crying Game.

Le deuxième est précisément l’issue de cette quête. On se doute que Zino découvrira le pot aux roses. On se doute, lorsqu’il s’en rendra compte à la quarantième minute du film, que sa réaction sera violente – si elle ne l’était pas, le film serait terminé. Et on se doute qu’après cette première réaction, en viendra une seconde, plus apaisée. Le scénario de Nadir Moknèche ne dévie pas d’un centimètre de ce tracé prévisible.

Le dernier, et non le moindre, est le choix de Fanny Ardant. Bien sûr il n’est pas ici question de remettre en cause le talent de cette immense actrice. Mais c’est son choix pour interpréter un transsexuel qui pose problème. Quand Fanny joue Lola, c’est Fanny qu’on voit. pas Lola. La célébrité de Fanny Ardant écrase son personnage. Et sa féminité irradiante le prive de l’ambiguïté qu’aurait dû avoir ce transsexuel et qu’avait par exemple le héros/l’héroïne de « Une femme fantastique« .

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Egon Schiele ★☆☆☆

Enfant terrible de la peinture viennoise, Egon Schiele est mort dans la misère à vingt-huit ans seulement. Ses nus provocateurs avaient scandalisé la bonne société viennoise. Il a laissé une œuvre immense et une trace profonde.

L’époque est décidément au biopic historique. En mars sortait Paula, une biographie de la peintre Paula Becker, la peintre allemande. En mai Lou-Andreas Salome qui relate la vie de l’égérie de Nietzsche, de Rilke et de Freud. En mai encore Rodin.

Ces films ont beaucoup en commun. Ils se déroulent à la même époque, le tournant du siècle. Ils ont pour héros des artistes en proie à la passion créatrice et en rupture avec leur temps. Ils ont aussi hélas, pour dernier dénominateur commun, d’avoir obtenu une malheureuse étoile seulement dans mon classement.

Car je leur trouve à tous les mêmes défauts. Prisonnier du respect de l’histoire, ils sont dans l’obligation de raconter peu ou prou les étapes les plus célèbres de la vie de leur héros. Par exemple, s’agissant de Schiele, sa rencontre avec Klimt, le lancement de la Sécession viennoise ou la grippe espagnole qui l’emporte. Cette accumulation de petites saynètes, qui s’échelonnent tout au long de la vie du héros, nuisent à la cohésion de l’intrigue.

Surtout – et c’est le principal reproche que j’adresserai à ces biopics répétitifs – ils nous apprennent moins de chose sur leur œuvre que sur  leur vie. Or, la vie de Schiele, comme celle de Rodin, de Salomé ou de Becker, ne nous intéressent guère. C’est leur œuvre qui nous fascine et le processus qui a conduit à leur création. Que Schiele ait été renvoyé de l’École des Beaux-Arts, qu’il ait entretenu avec sa jeune sœur une relation quasi-incestueuse, qu’il ait couché avec ses modèles est, somme toute, futile. En revanche, reste la beauté provocatrice de ses nus torturés qui, à travers les ans, nous frappent avec une telle force et dont hélas le film besogneux de Dieter Berner ne nous dit rien.

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Dunkerque ★★★★

Mai 1940. Les Alliés sont en déroute. Acculés dans la poche de Dunkerque, face aux falaises anglaises si proches et pourtant inaccessibles, ils sont coincés entre la mer et le feu ennemi.

C’est peu dire que le film de Christopher Nolan était attendu. Première en a même fait sa couverture quatre mois avant sa sortie. Après avoir réinventé le film de super héros avec la trilogie des Batman, après avoir dynamité la science fiction avec Inception et Interstellar, le génial réalisateur, véritable Kubrick des temps modernes, allait-il réaliser LE film de guerre ?

Les critiques, qui en attendaient peut-être un peu trop, semblent faire la fine bouche. Elles sont excellentes, mais pas dithyrambiques. Elles sont uniformément construites sur le même modèle du « Oui… mais », énumérant dans une première partie toutes les incontestables qualités de Dunkerque avant d’en déplorer dans une seconde, plus courte, les regrettables défauts.

Tournant le dos au savant balancement binaire auquel j’ai pourtant un attachement viscéral, je serai moins chipoteur et accorderai volontiers quatre étoiles à ce film extraordinaire – même s’il ne dépasse pas l’indépassable La La Land dont vous savez, fidèle lecteur, l’enthousiasme délirant qu’il a suscité chez moi au cœur de l’hiver 2017.

Dunkerque est un vrai bonheur de cinéma qu’il faut à tout prix aller voir dans une salle obscure THX Dolby etc. Amateurs de DVD ou de streaming, remisez vos pantoufles et venez en prendre plein les yeux et les oreilles ! Car Dunkerque est un expérience profondément sensorielle. Après avoir dit tant de mal de Voyage of Time, le documentaire boursouflé de Terrence Malick, voilà que je me fais l’avocat du film de Christophe Nolan qui ressemble plus à une symphonie guerrière qu’à un film d’action.

Loin de raconter une histoire – dont on connaît par avance le dénouement – Christopher Nolan veut nous faire ressentir des émotions : la soif, l’épuisement, la peur, le froid… Un torpilleur qui coule, une plaque de mazout qui brûle des noyés, un aviateur pris sous le feu d’un avion ennemi, les balles qui sifflent et qui tuent, les bombes qui tombent … On fait grand cas – à bon droit – de la première scène de Il faut sauver le soldat Ryan. Dunkerque étend cette scène-là sur une heure et quarante sept minutes – une durée relativement brève pour un blockbuster.

Comment construire une scène d’action d’une heure quarante-sept ? En la filmant de trois points de vue : les soldats à terre, les marins en mer, les aviateurs en l’air. Puis en la diffractant, chaque scène étant revisitée depuis le point de vue, à chaque fois différent et enrichi, d’un des protagonistes. On n’y prête pas attention au début, mais on réalise rapidement la subtile marqueterie du scénario, qui rend intelligible d’immenses scènes de bataille qui auraient pu ne pas l’être.

Loin d’être une faiblesse, l’une des richesses du film est de ne pas raconter d’histoire – comme le faisait par exemple Spielberg dans Il faut sauver… ou Malick dans La Ligne rouge. Les héros se réduisent à une silhouette, à tel point qu’on peine à reconnaître Tom Hardy ou Cillian Murphy. Les scènes sont quasiment muettes. Et la musique de Hans Zimmer – que j’adore mais que certains détestent – est omniprésente.

Cloué à son fauteuil, on ne regarde pas sa montre un seul instant. Et au sortir de la salle, encore étourdi par autant de bruit et de fureur, on emporte avec soi le souvenir durable d’un film qui laissera une trace profonde.

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The Circle ★★★☆

La jeune Mae (Emma Watson) est engagée à « The Circle » un géant du web. Elle y découvre avec ravissement une entreprise qui, tout en se souciant du bien-être de ses employés, essaie d’œuvrer pour le bien-être de l’humanité en tirant le meilleur parti des nouvelles technologies. Sa devise : « Secrets are Lies. Sharing is caring. Privacy is Theft ».
Sous l’amicale pression de son PDG, Eamon Bailey (Tom Hanks), Mae accepte de participer à une expérience révolutionnaire : elle portera en permanence une mini-caméra qui permettra à tous les membres de sa communauté de suivre en direct ses moindres faits et gestes.

Le film de James Ponsoldt est l’adaptation du best-seller éponyme de Dave Eggers. Moins de quatre ans se sont écoulés entre la sortie du livre et celle de son adaptation cinématographique. Preuve du retentissement de cet ouvrage. Preuve aussi de l’évidence de le porter à l’écran tant son écriture était déjà organisée avec la même efficacité que celle d’un scénario.

Si The Circle a eu un tel succès. c’est parce qu’il traite d’un sujet d’une actualité brûlante : les atteintes aux libertés individuelles que les technologies de l’information sont susceptibles de porter. Il le fait sans didactisme pesant, sans manichéisme. Mieux : il nous fait toucher du doigt combien séduisantes sont a priori les stratégies des firmes qui, au nom de valeurs aussi irréprochables que la démocratie, la transparence, le partage du savoir, menacent notre droit à l’intimité.

Quelques exemples bien trouvés ont été repris dans le film. Des caméras miniatures installées dans l’appartement des parents de Mae permettent d’alerter les secours en cas d’accident… mais leur interdisent la moindre vie privée. La popularité soudaine de Mae lui permet d’attirer de nombreux clients aux lustres réalisés à partir de bois de cerf (sic) que son ex-boyfriend confectionne … mais lui attire aussi des menaces de mort de la part d’écologistes radicaux qui lui font le procès d’avoir tué ces innocents mammifères.

Un autre exemple, qui m’avait marqué à la lecture, n’est pas repris dans le film, qui est obligé de s’attacher à l’essentiel et ne prend pas le temps de s’éloigner de son héroïne : l’application PastPerfect qui permet de retrouver toute la généalogie de ses ancêtres. Une amie de Mae découvrira ainsi que ses aïeuls étaient marchands d’esclaves au début du dix-neuvième siècle. Cette funeste ascendance lui attire l’opprobre de tous ses collègues.

Le film hélas n’a pas, par construction, la profondeur ni donc la subtilité du livre. Emma Watson réussit fort bien à jouer l’idiote utile, qui tombe sous le charme du Moloch bienveillant qui la recrute. Elle montre un bel enthousiasme à se faire la complice consentante des pratiques de sa firme, motivées en première approche par le Bien commun (rendre communicables tous les mails échangés par les élus au nom de la transparence de la vie politique, inscrire automatiquement sur les listes électorales les titulaires d’un compte YouTru au nom de la lutte contre l’abstentionnisme). On attend que le voile se déchire et que les vrais motifs des actes des dirigeants de « The Circle » se révèlent. La manière assez décevante dont le film – à l’instar du livre – se conclut est paradoxalement révélatrice : si le voile ne se déchire qu’à moitié c’est peut-être qu’il ne cachait rien sinon le désir sincère des pères fondateurs des GAFA d’œuvrer pour le bien commun.

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Love Hunters ★★☆☆

Vicki est une adolescente que le récent divorce de ses parents laisse sans boussole. Alors qu’elle fait le mur pour aller en soirée, elle est prise en voiture par un couple trentenaire. Evelyn et John White sont en fait de dangereux psychopathes qui trouvent leur plaisir à enlever des jeunes filles, les séquestrer et les tuer.

Des survival movies ayant pour héros des jeunes gens séquestrés par des geôliers sadiques, on en a vu treize à la douzaine depuis Massacre à la tronçonneuse jusqu’à Get Out en passant par Split, le dernier Shyamalan, ou l’excellent Room [auquel je découvre avec stupéfaction que je n’avais mis qu’une seule étoile alors que j’en ai gardé le meilleur souvenir] ou le dispensable Green Room.

Pas facile d’innover. Le jeune réalisateur australien Ben Young s’y essaie en mettant en scène un couple meurtrier. Moins glamour que Bonnie et Clyde. Moins schizophrène que Jekyll et Hyde. Plutôt Marc et Michelle Dutroux. Un couple dont les failles constituent la seule planche de salut pour l’ingénieuse Vicki, promise à une mort affreuse.

Love Hunters est un film australien dont l’action se déroule à la fin des années 80. Il a la même patine vintage que Animal Kingdom, The Proposition  ou Wolf Creek. Ben Young joue la carte du réalisme poisseux, qui ne nous épargne quasiment rien des sévices infligées à Vicki. L’interdiction -16 qui frappe le film n’est pas imméritée. Ce réalisme frôle le voyeurisme malsain s’il n’était pas au service d’un dessin : nous faire toucher du doigt l’horreur d’une séquestration, l’espoir d’une évasion, le désespoir de son échec.

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Une femme fantastique ★★☆☆

Mise à part leur différence d’âge, Marina, jeune et sexy, et Orlando, la cinquantaine grisonnante, forment un couple ordinaire. Ils dînent ensemble au restaurant, font l’amour, partagent le même lit. Sauf que Marina n’est pas une femme tout à fait ordinaire. Elle est transgenre et la famille d’Orlando n’a jamais accepté son existence.
Tout se complique pour Marina lorsque Orlando est victime d’une rupture d’anévrisme qui le tue. Seule avec son chagrin, Marina doit se battre pour être respectée. Se battre avec la famille d’Orlando qui refuse qu’elle assiste à ses funérailles. Se battre contre la société toute entière qui n’accepte pas son identité.

« Une femme fantastique » est un film à thèse. C’est ce qui fait sa force. C’est ce qui constitue aussi sa principale faiblesse.

Sa thèse est belle : l’identité transgenre et le droit d’être reconnue pour ce que l’on est. Nul doute que « Une femme fantastique » fera un tabac dans les festivals LGTB ou en introduction d’un séminaire queer. C’est à ma connaissance la première fois que la tête d’affiche est jouée, avec autant de justesse, par un acteur transgenre. De tous les plans Daniela Vega est parfait/e. Elle a l’ambiguïté qui fait la crédibilité de sa composition. Sa féminité va de soi et ne va pas de soi. Dans un plan elle coule de source ; dans un autre elle sonne faux.

Où le bât blesse-t-il ? Dans la perfection morale de Marina. Sa dignité dans le deuil, sa colère rentrée sont admirables. Trop. Eût-elle montré quelques failles, Marina aurait été plus humaine. Plus touchante. Et au final, comme Gloria dans le précédent film de Sebastián Lelio, plus convaincante.

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Le Dernier Vice-roi des Indes ★★★☆

Lord Mountbatten fut le dernier vice-roi des Indes. Il prit ses fonction à Delhi en mars 1947 alors que Londres avait déjà décidé d’octroyer aux Indes leur indépendance. Mais il incomba à cet arrière-petit-fils de la reine Victoria la délicate mission d’assurer le retrait pacifique de l’ancienne puissance coloniale. Les Musulmans, minoritaires au sein de l’Empire, exigeaient la création d’un État séparé. Les Hindous y étaient violemment hostiles.

Le Dernier vice-roi des Indes est bâti sur un faux suspense. On sait en effet que, le 15 août 1947, naquirent deux États : l’Inde et le Pakistan. On sait aussi que cette scission provoqua d’immenses et sanglants mouvements de population, les Hindous fuyant les territoires octroyés au Pakistan et les Musulmans ceux dévolus à l’Inde. On sait enfin que la méfiance et l’hostilité ont longtemps prévalu et prévalent encore entre les deux frères ennemis du sous-continent indien.

Mais ne faisons pas à ce somptueux film historique le reproche de ne pas avoir une qualité qu’il ne revendique pas. Il ne cherche pas à étonner le spectateur mais plutôt à mettre en images une histoire bien connue. Gurinder Chadha le réalise avec une application qui frise parfois l’académisme et qui caricature la réalité historique quand elle fait du dernier vice-roi la victime impuissante des milieux conservateurs britanniques et de la CIA.

Hugh Bonneville incarne Lord Mountbatten avec la même componction bienveillante que celle dont il faisait preuve dans le rôle de Lord Crawley de Downton Abbey. Les acteurs choisis pour incarner Gandhi, Nehru et Jinnah sont outrancièrement grimés pour ressembler le plus possible à leurs illustres modèles. Et la romance qui réunit deux employés du palais, un majordome hindou et une demoiselle de compagnie musulmane, fleure trop son Roméo et Juliette bollywoodien pour convaincre.

Doit nous retenir le point de vue depuis lequel ce film se place – et le carton, inspiré du post-colonialisme le plus radical, qui l’introduit : « History is written by the victors ». Le Dernier vice-roi des Indes est l’œuvre d’une réalisatrice britannique d’origine indienne dont les films se situent à la confluence de ses deux cultures : Joue-la comme Beckham (2002) est un immense succès public qui relate les difficultés d’intégration dune jeune Anglo-indienne et Bride and Prejudice (2004) un remake réjouissant, à la sauce bollywoodienne, du célèbre roman de Jane Austen. Gurinder Chadha n’était donc pas la plus mal placée pour se faire l’historienne de l’indépendance sans être suspectée d’embrasser le point de vue de l’ancienne puissance coloniale ou de la nouvelle majorité hindoue.

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Creepy ★☆☆☆

Creepy s’ouvre par un court préambule qui explique comment l’inspecteur Takakura doit quitter la police après avoir laissé échapper un dangereux psychopathe qui sera abattu non sans avoir au préalable assassiné un otage. On retrouve l’ex-inspecteur, devenu professeur de criminologie, quelques années plus tard, installé avec sa femme dans un petit pavillon de banlieue.
Tandis qu’un ancien collègue lui demande de l’aider à élucider une vieille affaire, sa femme se rapproche de leur voisin au comportement inquiétant.

Kiyoshi Kurosawa est la nouvelle coqueluche du cinéma japonais. Pour être plus précis, il est la nouvelle coqueluche française du cinéma japonais. Au point d’avoir tourné en France même son dernier film, Le Secret de la chambre noire, dont Kurosawa lui-même admet volontiers les limites.

Le prolixe réalisateur revient au pays et à ses premières armes. Sur le modèle de Cure (1997), le film qui l’avait rendu célèbre, il tourne un film d’horreur sur un tueur en série.

Je m’y suis profondément ennuyé.
D’abord en raison de sa durée inutilement étirée : deux heures et dix minutes.
Ensuite par la faute de son faux suspens : il ne fait aucun doute que le mystérieux auteur des crimes irrésolus sur lesquels Takakura enquête sera précisément l’horrible voisin au sourire sardonique qui tourne mielleusement autour de sa fragile épouse.
Mon intérêt aurait pu être ranimé par le dernier tiers du film qui nous fait pénétrer dans l’antre du monstre. mais ce qu’on y découvre est à la fois tellement horrible et tellement prévisible que je me suis rendormi jusqu’au générique final.

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