Solo: A Star Wars Story ★★☆☆

Comment Han Solo est-il devenu le meilleur pilote de la galaxie ? Dans quelles circonstances a-t-il rencontré Chewbacca ? Comment a-t-il fait l’acquisition du Faucon Millenium ? Ces questions vous taraudent depuis une quarantaine d’années ? Vous trouverez enfin leurs réponses dans Solo: A Star Wars Story.

Je suis allé voir Solo tout seul. C’était assez triste… et ce n’est même pas drôle. Le nouvel opus de la saga Star Wars, sorti en catimini au mois de mai – alors que c’est en décembre désormais après une pachydermique campagne de publicité que sortent les épisodes de la licence – était entouré d’un bouche à oreille calamiteux. Les deux réalisateurs, Phil Lord et Chris Miller, s’étaient fait virer par les pontes de Disney qui leur reprochaient leur esprit potache et remplacer in extremis par Ron Howard, faiseur sans talent, abonné aux blockbusters sans âme (CocoonWillowDa Vinci Code…). Alden Ehrenreich a failli connaître le même sort, faute de chausser avec suffisamment de talent le costume légendaire, trop ample pour lui, qui fit la gloire de Harrison Ford.

On est loin de la catastrophe annoncée. Mais on est loin aussi des meilleurs épisodes de la saga, de leur complexité, de leur lyrique noirceur, de leur enthousiasmant optimisme.

Que Han Solo fût un des personnages les plus sympathiques de la série, celui avec lequel des générations de gamins se sont identifiés (sauf moi qui aimais bien Jabba le Hutt avec la princesse Leia) ne suffisait pas à lui seul à nourrir un film dont on connaissait par avance le début – un gamin des rues ambitieux – et la fin – un mercenaire au grand cœur. Du coup, faute de mieux, les scénaristes inventent de toutes pièces une histoire de braquage avec courses poursuites autour d’un train lancé à toute vitesse dans un paysage enneigé façon Runaway Train ou Snowpiercer et coup de théâtre dans un camp de Bédouins façon Mad Max.

Ce western intergalactique distraira les spectateurs les moins exigeants – dont je fais partie après trois films lituaniens en N&B sans sous-titre. Les autres trouveront non sans fondement que Disney les prend pour des gogos, usant jusqu’à la trame, à force de sequels, de reboots et de spin-offs, la licence la plus légendaire au monde. À en croire l’échec commercial de Solo aux États Unis et son lent démarrage en France, ceux là semblent être les plus nombreux.

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Atelier de conversation ★☆☆☆

Ils sont chinois, américain, afghan, kurde, égyptien, japonais ou bolivien… Chaque semaine, à la bibliothèque du centre Beaubourg, ils participent en français à un atelier de conversation. Cet atelier met en contact des étrangers qui, au-delà de leurs différences d’âge, de langue, de culture, d’origine, ont en commun un vrai désir de comprendre le pays où ils résident.

Bernhard Braunstein est un cinéaste autrichien qui, lorsqu’il s’est installé à Paris, est venu améliorer sa pratique de la langue française en participant aux ateliers de conversation de Beaubourg. Il y a rencontré Raphaël Casadesus qui est en charge de leur animation. De cette rencontre est née l’idée de ce documentaire.

L’idée n’est pas mauvaise, qui consiste à filmer cette mosaïque d’individus. Les efforts qu’ils déploient pour s’exprimer en français sont touchants – et nous renvoient à des situations analogues d’incommunicabilité que nous avons tous peu ou prou vécues avec notre correspondant anglais de 4ème ou aux côtés d’un officiel serbo-croate mediocrement polyglotte à un diner officiel. La cordialité forcée de ces cercles de parole où les rires cachent la gêne se craquèle vite dès que des sujets sensibles sont abordés qui font surgir brutalement les antagonismes : ainsi de la colère éruptive de cet Égyptien copte qui s’insurge du manque d’assimilation d’un Syrien musulman qui cherche de la viande hallal.

Le rire est là quand on évoque les préjugés qui s’attachent à chaque nationalité. L’émotion affleure lorsqu’on discute du mal du pays. Mais au bout du compte, et même si ce documentaire ne dure que soixante-dix minutes, l’ennui bien vite s’installe à suivre des échanges qui frisent dangereusement le café du commerce sur les relations hommes-femmes et la crise économique.

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Foxtrot ★★☆☆

Deux militaires de Tsahal sonnent à la porte de l’appartement cossu de Michael et Dafna pour leur annoncer la pire des nouvelles : leur fils Yonathan, qui effectue son service militaire sur un poste frontière perdu au milieu du désert, vient de mourir.

Foxtrot est le deuxième film seulement de Samuel Maoz, après Lebanon, Lion d’Or à la Mostra de Venise en 2009. Il commence par un plan poignant. On y voit Dafna ouvrir la porte de son appartement, regarder effarée des visiteurs dont on ignore l’identité – sauf à avoir lu les lignes qui précèdent – et s’effondrer inanimée pour fuir l’horrible vérité qu’elle vient de deviner. Son fils est mort. C’est du moins l’annonce qu’on s’apprête à lui faire comme dans le chef d’œuvre de David Grossman Une femme fuyant l’annonce.

Sauf que … sauf que, pour qui a vu la bande annonce et lu les lignes qui vont suivre [attention spoiler], Yonathan n’est pas mort. Un soldat homonyme vient de décéder et de provoquer cette funeste erreur qui plonge Michael et Dafna d’abord dans la stupéfaction ensuite, une fois le quiproquo révélé, dans la colère. Si l’on connaît cette information, que la bande-annonce ne cache pas vraiment et que le dossier de presse expose ouvertement, notre perception du premier tiers du film en est renversée. Le chagrin des parents, dès lors qu’on le sait sans fondement, nous émeut moins.

Sans transition, le deuxième tiers du film nous conduit dans le désert auprès de Yonathan. Avec trois camarades d’infortune, il surveille un check point que ne franchissent guère que de rares véhicules et quelques dromadaires flegmatiques. Si le décor est surréaliste, c’est pour souligner combien la tâche assignée à ces conscrits l’est aussi. Jusqu’à l’incident dont le traitement a fait polémique, provoquant les critiques de la ministre Miri Regev et attirant dans les salles israéliennes un public nombreux excité par ce parfum de scandale.

Le troisième tiers du film nous ramène dans l’appartement de Michael et Dafna – comme le foxtrot, cette danse qui ramène les danseurs à leur point de départ. C’est la plus réussie. car elle repose sur une astuce de scénario que je ne dévoilerai pas. De là à dire qu’elle donne à ce film trop long, trop lent, claustrophobe et sur-signifiant, une saveur insoupçonnée, ce serait lui faire trop d’éloges. Mais cette troisième partie lui confère une épaisseur que les deux premières parties avaient échoué à lui apporter.

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Senses ★☆☆☆

À Kobé de nos jours. Une amitié entre quatre femmes qui approchent de la quarantaine.
Infirmière aguerrie, Akari vient de divorcer. Femme au foyer, Sakurako vit sous la coupe d’un mari autoritaire. Fumi semble elle heureuse en ménage avec un époux qui partage sa passion pour l’art. Jun a engagé une procédure de divorce particulièrement conflictuelle.

Le bandeau qui surplombe l’affiche de Senses est trompeur. Senses n’est pas la première « série cinéma ». Son distributeur Art House avait déjà innové en distribuant en 2013 en deux volets les cinq épisodes de la mini-série Shokuzai de Kiyoshi Kurosawa. En tout état de cause, Senses n’est pas vraiment une série, comme on en voit tant aux épisodes millimétrés et au scénario rebondissant, mais plutôt un long film de plus de cinq heures découpé en cinq tableaux d’une longueur inégale.

Son résumé pourrait laisser penser qu’il s’agit d’un thriller, que son fil narratif s’organise autour de la disparition d’une des quatre héroïnes. Tel n’est pas le cas. Et sans doute ma déception est-elle née de ce malentendu. Senses est en fait un film contemplatif et lent dont il ne faut attendre ni coup de théâtre ni retournement. Il filme au scalpel quatre femmes et s’essaie à travers elles à une radiographie des rapports hommes-femmes dans un Japon encore largement patriarcal.

C’est peu dire que les rapports humains au Japon n’empruntent pas les mêmes formes que celles auxquelles nous sommes familiers en Occident. Ils y sont d’une infinie délicatesse, d’une horripilante politesse. On peut s’en étonner ; on peut en sourire, mi-gêné, mi-moqueur ; on s’y habitue au fur et à mesure que Senses progresse, filmant ad nauseam d’interminables scènes de groupes de cinq ou six protagonistes où les héroïnes, en compagnie de leurs maris, se déchirent poliment. Leur body language est aux antipodes du nôtre : le buste est immobile, les mains ne sont jamais visibles. Tout au plus, à l’acmé d’une dispute, un personnage se permet-il d’élever le ton.

Le distributeur a eu le bon goût de diviser ce film en trois épisodes d’une inégale longueur. J’invite ceux que le premier volet – qui dure à lui seul plus de deux heures – n’aurait pas convaincu à ne pas regarder les deux suivants. J’aurais dû suivre ce sage conseil ; mais j’ai imaginé que « l’action » allait démarrer. Je me suis lourdement trompé. Le rythme reste le même : catatonique. Pour autant, fidèle lecteur, n’écoute pas mon seul avis : des Cahiers du Cinéma au Monde, en passant par Libération et Les Inrocks, Senses est couvert d’éloges.

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Mutafukaz ★★☆☆

Angelino est un gentil Kaïra qui vit de petits boulots à Dark Meat City – un Los Angeles fictionnel en pleine déréliction. Il est sujet à des hallucinations. De mystérieux hommes en noir sont à sa poursuite. Il tente de leur échapper avec son ami Vinz.

Ankama est une success story française, une société créée par de jeunes artistes qui produit des bandes dessinées et des dessins animés. Elle est l’auteur des séries Dofus et Wakfu destinées aux plus petits et diffusées sur France Télévisions.

Mutafukaz est destiné à un public plus âgé. C’est d’abord une série de bandes dessinées signée par Guillaume « Run » Renard, un bédéiste. Son succès a conduit à son adaptation au cinéma avec le concours d’un studio japonais.

Le résultat est (d)étonnant. Il conserve le langage cru et la violence de la BD, l’exubérance de ses vignettes. Il réjouira les fans de la culture street – qui reconnaîtront les voix des rappeurs Orelsan et Gringe – les lecteurs de mangas, les amoureux d’une violence pop expressionniste qui gicle et qui vibre. Les autres, trop vieux pour en saisir toutes les références, seront amusés et intrigués pendant la première moitié du film et glisseront lentement vers l’ennui durant la seconde, quand bien même le rythme ne fléchit jamais. La faute à un scénario qui même s’il lorgne du côté de la SF n’en demeure pas moins d’une décevante simplicité.

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L’Homme qui tua Don Quichotte ★☆☆☆

Toby (Adam Driver) est devenu un célèbre réalisateur américain. De retour en Espagne sur un tournage, il part à la recherche du cordonnier (Jonathan Pryce) qu’il avait embauché pour son premier film, une adaptation en noir et blanc de Cervantès.
Mais le vieil homme a depuis sombré dans la folie. Il se prend pour Don Quichotte et prend Toby pour son fidèle écuyer, Sancho Panza

Il y a beaucoup de raisons de s’enthousiasmer pour le dernier film de Terry Gilliam.
La première est bien sûr les conditions de sa réalisation et de sa sortie – que nous rappelle d’ailleurs un carton avant le générique. Le film a mis plus de vingt ans à se faire. Lost in la Mancha, un making of sorti en 2002, racontait les déboires subis par Terry Gilliam pour en tourner une première version avec Jean Rochefort, Johnny Depp et Vanessa Paradis. Quinze ans plus tard, c’est un bras de fer juridique avec un ayant-droit, le portugais Paulo Branco et sa société Alfama Films, qui faillit une fois encore compromettre la sortie du film.

La seconde, et non la moins moindre, est la richesse du scénario qui, sous prétexte de nous narrer les aventures de Don Quichotte, s’essaie au portrait de l’artiste en – vieil – homme.  Jonathan Pryce qui interprétait déjà il y a plus de trente ans le premier rôle de Brazil, est le double autobiographique de l’ancien Monthy Python. Le personnage, comme le réalisateur, vit un rêve dangereux : fuir une vie décevante et se réfugier dans la fiction. Il entraîne à sa suite ce jeune réalisateur américain surdoué campé par Adam Driver –  dans la peau duquel on imagine fort bien le charme et l’ironie de Johnny Depp – qui constitue un second double autobiographique de Terry Gilliam. D’un côté donc un jeune réalisateur qui court à sa perte à force de poursuivre des chimères ; de l’autre un vieil homme philosophe qui a définitivement lâché les amarres.

Mais toutes ces – bonnes – raisons – ne suffisent pas à faire de L’Homme qui… un bon film.
Pour faire un bon film, il faut… un bon film. Et cette adaptation dynamitée de Cervantès n’en est pas un, aussi grande que fut notre attente et aussi intense notre désir d’accompagner Terry Gilliam dans ses délires. La faute à un effarant manque de rythme. L’Homme qui tua Don Quichotte est une Rolls Royce avec un moteur de 2CV. Sa première demie heure, censée introduire les personnages et lancer l’action, ressemble à un mauvais film d’action : pourquoi diable avoir fait monter Toby sur une moto et l’avoir lancé dans une course poursuite aussi poussive que convenue ? Le reste est à l’avenant, pendant plus de deux heures interminables où les personnages n’évoluent pas d’un iota, jusqu’à une longue scène finale, un bal masqué qu’on espérait féérique et dont la seule utilité semble-t-il est d’éclairer le sens du titre.

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En guerre ★★★★

Laurent Amédéo (Vincent Lindon) est délégué syndical chez Perrin Industrie à Agen. Le sous traitant automobile bât de l’aile. Deux ans plus tôt, un plan quinquennal de sauvegarde de l’emploi a été signé avec la direction en échange d’une augmentation de la durée de travail sans contrepartie salariale. Mais le groupe allemand auquel Perrin appartient ne veut rien entendre : Agen n’est pas assez compétitif et doit fermer. Laurent Amédéo va se battre. Il ne veut pas du chèque que lui fait miroiter la direction. Il veut sauver son emploi et celui de ses 1100 camarades.

Avec son septième film, Stéphane Brizé est au sommet de son art. Chacun est meilleur que le précédent. Déjà Le Bleu des Villes en 1998 et Je ne suis pas là pour être aimé en 2004, qui racontaient le mal être d’une pervenche pour le premier et d’un huissier de justice pour le second, avaient ce je-ne-sais-quoi qui retenait l’attention. Puis c’est la rencontre avec Vincent Lindon. Mademoiselle Chambon en 2008 d’une rare délicatesse. Quelques heures de printemps en 2012, un film sur l’euthanasie que je défie quiconque de voir sans en être durablement traumatisé. Puis La Loi du marché en 2015 qui vaut à Vincent Lindon, qui campe un chômeur en fin de droit arc-bouté sur le peu de dignité qu’on lui laisse, une Palme d’Or de la meilleure interprétation masculine amplement méritée.

En guerre met en scène le même acteur dans un rôle similaire. Ceux qui ont aimé La Loi du marché y trouveront le même plaisir. C’est le seul défaut de ce film. Et, vu le plaisir qu’on avait pris il y a trois ans au précédent film de Stéphane Brizé, c’est un défaut vite pardonné.

En guerre raconte moins une guerre qu’une grève. Et si le titre n’avait déjà été utilisé avec la postérité que l’on sait par Eisenstein, il lui aurait mieux convenu. Cette grève, c’est celle que Laurent Amedeo et ses camarades de lutte décident de mener contre la decision inique de l’entreprise. Une fermeture et une vague de licenciements doublement injustes car elles interviennent en violation de la parole donnée deux ans plus tôt et qu’elles frappent un site de production qui, nous dit-on, dégage des profits, quand bien même les actionnaires se plaindraient qu’ils ne soient pas suffisants.

Sur un mode quasi documentaire, Stéphane Brizé filme la grève. L’effet de réalité est amplifié par l’utilisation autour de Vincent Lindon d’acteurs non professionnels frappants de vérité. On n’oubliera pas de sitôt Mélanie Rover, la militante CGT à l’accent chantant et aux réparties bien senties, qui a son avenir tout tracé au cinéma si la rage du syndicalisme l’abandonne.

Des grèves au cinéma, on en a déjà filmées beaucoup sans remonter à Eisenstein. Ces dernières années j’ai particulièrement été marqué par deux documentaires : La Saga des Conti en 2013 et Des Bobines et des Hommes en 2017.

Mais ce qui frappe ici, c’est la cohérence du geste cinématographique. Le scénario, la musique, le cadrage, le montage participent tous d’un même but : filmer un combat qu’on croit perdu d’avance. Car c’est cette trajectoire tragique et rectiligne que semble annoncer le film. On ne sait s’il faut saluer sa rigueur ou déplorer son absence de surprise.

Mais la surprise viendra à la fin du film. Une fin qui précisément semble ouvrir les possibles alors qu’on les croyait jusqu’alors condamnées. C’est une fin à tiroirs que je vous laisse découvrir. Il y a d’abord une rencontre qu’on pensait impossible. Et puis il y a un geste insensé, glaçant, monstrueux, tout aussi inattendu que logique. Et ce geste ouvre une perspective que la voix d’un journaliste, la même que celle qui avait ouvert le film deux heures plus tôt, esquisse.

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Comme des rois ★★★☆

Joseph (Kad Merad) est un arnaqueur né. Ses magouilles font vivre sa famille : sa mère, sa femme (Sylvie Testud) et ses deux enfants, Micka (Kacey Mottet Klein) et Stella (Tiphaine Daviot). Il y associe son fils, qui rêve d’une autre vie, à Paris, où il aimerait devenir acteur. Entre le père et le fils, l’amour le dispute à la haine

Xabi Molia est un nom qui sonne et qu’on n’oublie pas. Ce Basque, passé par Henri-IV et Normal Sup, avait écrit et réalisé en 2009 un premier film qui m’avait durablement marqué. Avec Julie Gayet – qui n’était pas encore devenue célèbre pour des motifs extra-cinématographiques – et Denis Podalydès, Huit fois debout racontait l’histoire de deux paumés résilients.

C’est un peu la même histoire que raconte Comme des rois. Kad Merad y joue le rôle d’un père toxique qui tente de convaincre son fils de suivre la même voie que lui. L’acteur de Baron noir est au sommet de son art. Alors qu’il pourrait sans peine, depuis le succès de Bienvenue chez les Ch’tis, se contenter de cachetonner dans des comédies à succès, l’acteur franco-algérien, co-producteur de Comme des rois, relève le défi du film d’auteur. De film en film, cet hyper-actif dégingandé n’est ni tout à fait le même ni tout à fait un autre. À la différence de Depardieu, d’Auteuil ou de Luchini, il réussit à se répéter sans lasser.

Dans le rôle de son fils, le jeune Kacey Mottet Klein confirme qu’il a tout d’une – future – star. Il nous est devenu si familier, depuis ses premières apparitions dans les films de Ursula Meier jusqu’à l’excellent Keeper – un des films de mon Top 10 2016 – qu’on oublie qu’il a dix-neuf ans à peine. Il aurait pu se faire bouffer tout cru par Kad Merad. Il réussit à lui tenir tête, dans son rôle et dans son jeu, jusqu’à un dénouement un brin tiré par les cheveux mais auquel il sera beaucoup pardonné pour son ultime réplique.

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Otages à Entebbe ★★☆☆

1976. Quatre terroristes (deux Allemands des Revolutionären Zellen et deux Palestiniens du FPLP) prennent en otages les passagers d’un vol Air France Tel Aviv – Paris à l’escale d’Athènes. Ils le détournent vers Benghazi en Libye puis vers Entebbe en Ouganda. Ils exigent la libération de 53 prisonniers politiques palestiniens.
La prise d’otages durera sept jours. Elle divise le gouvernement israélien, le Premier ministre Yitzhak Rabin étant partisan de négocier tandis que le ministre de la défense Shimon Peres prône le recours à la force pour libérer les otages.
C’est cette seconde option qui l’emporte. Une opération aéroportée audacieuse est montée. Un commando de forces spéciales est déployé qui neutralise les forces ougandaises, tue les terroristes et libère les 102 otages. Le commando israélien n’enregistre qu’une seule perte : celle de son chef, le colonel Jonathan Netanyahou, le frère aîné du futur Premier ministre.

L’histoire est connue. Elle a déjà été souvent filmée – avec Burt Lancaster, avec Charles Bronson, avec Klaus Kinski. Le scénario ne peut pas espérer surpendre le spectateur qui en connaît déjà l’issue. Pour réussir, il doit explorer d’autres voies. Il ne s’agit plus de se demander si les otages vont être libérés mais comment et pourquoi ils vont l’être.

Le réalisateur de Narcos, le Brésilien José Padilha, connaît la musique. Il a rassemblé à Malte une troupe cosmopolite : les stars allemandes Rosamund Pike (Gone Girl, Jack Reacher) et Daniel Brühl (Good Bye Lenin!, Rush), le Britannique Eddie Marsan (outrageusement grimé pour jouer le rôle de Shimon Peres), le Français Denis Menochet (Jusqu’à la garde, Marie Madeleine), l’Israélien Lior Ashkenazi… Le résultat aurait pu ressembler à un mauvais assemblage ; mais la mayonnaise prend.

Otages à Entebbe multiplie les points de vue. Ceux des otages qui tremblent que leur judéité ne signe leur arrêt de mort. Ceux des deux terroristes allemands, enivrés par leur lutte contre l’impérialisme et le sionisme, qui découvrent progressivement, en retenant prisonniers des Israéliens, qu’ils sont en train de reproduire les crimes de leurs pères. Ceux des ministres du cabinet Sharon qui hésitent entre la négociation et le recours à la force.

Otages à Entebbe ne révolutionnera pas l’histoire du cinéma. Il n’a pas le rythme haletant de La Casa de Papel, la tension anxiogène de Buried ou le machiavélisme de Inside Man. Mais il se laisse regarder sans déplaisir.

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Rester vivant – méthode ★☆☆☆

Rester vivant est un écrit de jeunesse de Michel Houellebecq, un manuel de survie pour poètes maudits, écrit en 1991.
Trois co-réalisateurs néerlandais ont demandé à Iggy Pop d’en lire de larges extraits. Ils filment parallèlement trois artistes tombés dans la folie ou sur le point d’en réchapper.

Drôle de méli-mélo que ce film-documentaire de soixante-dix minutes réalisé aux Pays-Bas, tourné en France dont le héros est un artiste rock américain et dont le sujet est le manuel de savoir-vivre d’un Prix Goncourt réfugié en Irlande.

Les précédentes tentatives de Michel Houellebecq de passer derrière la caméra avaient été peu concluantes. La Possibilité d’une île avec Benoît Magimel constitue sans doute l’un des plus navrants naufrages jamais filmés. Pas sûr que l’aura cinématographique de Michel Houellebecq soit réhabilitée par cette adaptation brouillonne de ce court recueil (45 pages seulement) qui rassemble des textes poétiques et philosophiques.

Sa morale, simpliste, est pourtant claire. Elle se résume en deux points, comme les aiment les étudiants de Sciences Po et leurs professeurs : 1. Si la vie est souffrance…2. elle mérite néanmoins d’être vécue. Pour l’illustrer, les réalisateurs filment Iggy Pop en train de lire Houllebecq. C’est peu et c’est déjà beaucoup tant le physique du rockeur américain, son visage ridé, son corps émacié, sont éminemment photogéniques. Les réalisateurs auraient pu, auraient dû s’en contenter. Mais ils lestent leur documentaire de trois portraits : une femme et deux hommes en proie à la folie, sauvés  par leur art. Ces trois personnages sont étonnants ; mais leurs histoires se présentent comme une adjonction un peu artificielle à un film dont elles rompent l’unité.

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