Jonah a dix ans à peine. C’est le cadet d’une fratrie de trois garçons. Sa mère d’origine italienne et son père portoricain se sont rencontrés à Brooklyn et ont laissé derrière eux des familles, qu’on imagine volontiers hostiles à leur rapprochement, pour vivre à la campagne dans le nord de l’État de New York.
Dans la torpeur de l’été américain, les trois garçons sont quasiment abandonnés à eux-mêmes par deux adultes absents, trop occupés à s’aimer passionnément et à se déchirer violemment. Le jeune Jonah a une passion : le dessin.
We the Animals est l’adaptation d’un court roman autobiographique de Justin Torres publié en français sous le titre Vie animale. Comme le livre, le film raconte l’histoire de cette famille atypique du point de vue de son cadet, témoin involontaire des disputes qui opposent ses parents et acteur inconscient d’une lente maturation qui l’amène à découvrir son homosexualité.
We the Animals est à cheval entre plusieurs genres : le documentaire, le drame familial, l’onirisme poétique des belles séquences animées inspirées des dessins au Crayola du jeune Jonah. Censé se dérouler dans les années quatre vingts, il est filmé, comme l’étaient les œuvres de l’époque, dans un beau 16mm qui rompt agréablement avec les tics de cadrage à l’épaule qui affectent la plupart des films américains indépendants.
Les distributeurs du film l’inscrivent dans la filiation écrasante de quelques chefs d’œuvre : Moonlight (pour la douceur de filmer des réalités violentes), Les Bêtes du sud sauvage (pour la description de jeunes enfants élevés en quasi liberté dans une nature complice), The Tree of Life (pour les envolées panthéistes de Terrence Malick). C’est sans doute lui faire trop d’honneur et nourrir de trop hautes espérances.
We the animals, s’il peine à trouver son rythme et manque parfois de plonger le spectateur dans l’ennui, réussit toutefois à le toucher par sa grâce, son élégance. Il sera sensible à son refus du misérabilisme. La dernière scène le marquera immanquablement.