Tremblements ★★☆☆

Pablo fait partie de la haute bourgeoisie guatémaltèque. Très proche de ses parents, de son frère aîné, de sa sœur, il a une femme, deux enfants, un bon travail. Mais Pablo entretient une relation avec Francisco que sa famille très pieuse ne saurait tolérer. Elle lui met un marché en main : se « guérir » de son homosexualité par une cure rigoureuse pratiquée par son Église ou renoncer à tout jamais à voir ses enfants.

Le second film du réalisateur guatémaltèque Jayro Bustamante fait froid dans le dos. Comme La Servante écarlate, comme Boy Erased, il dénonce les dérives d’une religion fanatisée en croisade contre l’homosexualité. On ne peut évidemment qu’être choqué par la cruauté de ces « thérapies de conversion » et solidaire du héros, brinquebalé entre sa famille qui le renie, son amant, si doux, et la cheffe glaçante de cette Église dévoyée.

Le scénario repose sur un parti pris audacieux. Il choisit de nous plonger dans le cœur du sujet dans une première scène impressionnante où l’on voit Pablo confronté à sa famille, sommé de faire un choix. Le scénario aurait pu suivre un cours radicalement différent. Il aurait pu lentement nous montrer la vie bourgeoise de Pablo, ses joies mais aussi ses failles, puis sa rencontre avec Francisco, son trouble, ses hésitations. Il y avait de quoi remplir intelligemment un bon tiers de film. Le parti retenu est tout autre. Il a l’avantage de nous haper, l’inconvénient de tomber, passée cette première scène, dans un trou d’air dont on ne ressortira qu’à la conclusion du film particulièrement surprenante.

La bande-annonce

Jessica Forever ☆☆☆☆

Jessica (Aomi Muyock révélée par Love de Gaspar Noé) est une grande prêtresse, une chevalière des temps modernes, une grande sœur et une maman asexuée pour une bande d’une dizaine d’orphelins, des jeunes gens sans feu ni lieu, coupables d’avoir commis des crimes qui leur valent d’être poursuivis par de mystérieuses « forces spéciales ».

Les jeunes réalisateurs Caroline Poggi et Jonathan Vinel creusent un sillon bien à eux : celui d’un cinéma ultra-formaliste, stylisé, qui louche du côté du jeu vidéo, de l’heroic fantasy et de la science-fiction au risque de tourner de l’œil. Ils avaient déjà réalisé l’un des trois courts-métrages d’Ultra Rêve, véritable manifeste anti-naturaliste du jeune cinéma français.

Il y a deux façons d’accueillir Jessica Forever.
La première est de se laisser gagner par son romantisme intégral, sa poésie, sa beauté formelle, son refus des concessions.
La seconde est, une fois assouvie la curiosité que sa bande-annonce avait suscitée, de s’ennuyer ferme devant autant d’artificialité, de naïf lyrisme et de pompeuse solennité… et de quitter la salle comme l’a fait l’unique autre spectateur présent avec moi.

La bande-annonce

Matar a Jesús ★☆☆☆

Paula est étudiante en arts. Sa vie à Medellín, dans la moyenne bourgeoisie intellectuelle colombienne, est sans nuage jusqu’au drame qui la frappe : son père, professeur d’université, est assassiné sous ses yeux par deux tueurs à gages en moto.
L’enquête s’enlise. La police, débordée et corrompue, ne fait rien. Paula, qui s’est jurée de venger son père, croise par hasard l’un des sicaires qu’elle a eu le temps de reconnaître. Jesús est un jeune voyou des mauvais quartiers, un chien fou aussi inquiétant qu’attachant.

« Qu’il est joli garçon, l’assassin de Papa ». En un vers plein d’ironie, Georges Fourest résumait l’intrigue du Cid. Il aurait pu résumer celui de ce drame colombien largement autobiographique, la réalisatrice Laura Mora ayant vu mourir sous ses yeux son père assassiné dans les rues de Medellín en 2001.

Le pitch de Matar a Jesús est stimulant. Hélas, le film ne fonctionne pas ; car on ne croit pas une seconde au « couple » improbable que forment Paula et Jesús. Comment la jeune femme peut-elle être à la fois écrasée de douleur après la mort de son père et attirée par son assassin ? Comment peut-elle dans le même mouvement fomenter une sanguinaire vengeance – dont on sait pertinemment qu’elle n’aura pas le cran de la mettre en œuvre –  et sillonner les rues de Medellín blottie derrière lui sur sa moto ?

On me répondra que c’est précisément cette ambiguïté, cette schizophrénie qui font tout l’intérêt du personnage de Paula. Certes. Sauf que ça ne fonctionne pas.

Reste la description naturaliste de la deuxième ville la plus peuplée de Colombie, de ses quartiers pauvres où la violence sociale nourrit la violence physique, loin des fresques lyriques consacrées à la vie de Pablo Escobar.

La bande-annonce

Buñuel après « L’Âge d’or » ★★☆☆

Après le scandale provoqué par son film L’Âge d’or, interdit par la censure, le jeune réalisateur Luis Buñuel se retrouve ruiné et déprimé. Un coup de chance lui offre une opportunité : son ami le producteur Ramón Acín gagne à la loterie une somme qui lui permet de financer un nouveau film.
Il s’agira d’un documentaire tourné dans une région reculée de l’Estrémadure.

Tiré du roman graphique de Fermín Solís, Buñuel dans le labyrinthe des tortues, le film de Salvador Simó inaugure un genre : le making-of d’un documentaire en dessin animé.
Pourquoi pas ? On voit depuis quelques années l’animation, comme le montre la richesse de la programmation du festival d’Annecy qui vient de se conclure, envahir tous les genres. Le temps n’est plus où elle se cantonnait aux comptines trop sucrées pour enfants. L’animation raconte des histoires aux adultes. Elle constitue désormais un sous-genre du documentaire historique. En témoignent des œuvres telles que Funan sur le génocide cambodgien, Another Day of Life sur la guerre d’indépendance de l’Angola ou Adama sur les tirailleurs sénégalais enrôlés durant la Première Guerre mondiale.

Buñuel après l’âge d’or évoque une page méconnue de la vie et de l’œuvre de Luis Buñuel. Le réalisateur espagnol, expatrié à Paris, n’a pas trente ans. Il fréquente André Breton et Salvador Dali. Il vient de tourner Un chien andalou et L’Âge d’or, deux œuvres profondément subversives qui marqueront l’histoire du surréalisme, mais qui souffrent d’être déconnectées du réel. Le documentaire Terre sans pain marque une rupture dans sa carrière. Pour la première fois, Buñuel se coltine avec le réel – même si, comme le montre le film, il n’hésite pas à le re-fabriquer. Indirectement politique, son cinéma le devient directement.

Terre sans pain est un témoignage anthropologique – qui n’est pas sans rappeler dans cette veine Nanouk l’Esquimau de Robert Flaherty tourné dix ans plus tôt. Le dessin animé nous en montre les séquences les plus emblématiques. On y découvre des populations misérables, arriérées. Le documentaire de Buñuel n’était pas tendre avec les animaux : on y voyait un coq étêté, une chèvre précipitée du haut d’une falaise, un âne agonisant sous la piqûre d’un essaim d’abeilles. Le dessin animé, quatre-vingt dix ans plus tard, a l’audace de braver les oukases de la SPA et du parti animaliste et de nous remontrer ces images.

Seul défaut : on aurait volontiers fait l’économie des cauchemars de Buñuel qui le mettent en présence d’un père avare de tendresse dont le réalisateur quémande la reconnaissance.

La bande-annonce

Noureev ★☆☆☆

Rudolf Noureev (Oleg Ivenko) est la star du ballet du Kirov en tournée en Europe en 1961. Accueilli à bras ouverts par le danseur Pierre Lacotte (Raphaël Personnaz), par la belle-fille d’André Malraux, Eva Saint (Adèle Exarchopoulos), le jeune danseur est vite fasciné par la vie parisienne. Mais le KGB, qui ne le quitte pas d’un chausson, voit d’un mauvais œil ses fréquentations.

J’ai couru voir le soir de sa sortie ce biopic, dont la bande-annonce fiévreuse tournait en boucle depuis quelques semaines. Tout m’y faisait envie : la Guerre froide racontée à travers l’histoire du plus célèbre danseur russe depuis Nijinsky, la reconstitution aussi soignée qu’élégante du Paris du début des années soixante, la si sensuelle Adèle Exarchopoulos, le toujours parfait Ralph Fiennes…

Hélas tout sonne faux dans ce pensum de plus de deux heures qui transpire l’ennui. Il tisse trois fils narratifs. Le premier, couleur sépia, est l’enfance misérable de Noureev dans l’hiver permanent d’Oufa, au cœur des monts Oural. Le deuxième est sa formation à Leningrad auprès du célèbre maître de ballet Alexandre Pouchkine, interprété par un Ralph Fiennes neurasthénique. Le troisième, le plus intéressant, celui sur lequel on nous vend le film, et celui qui hélas n’en constitue qu’un (gros) tiers se passe dans un Paris d’opérette, acrobatiquement cadré pour éviter qu’on en voie la tour Montparnasse ou le centre Pompidou. Le film est construit autour d’un faux suspense qui peine à tenir en haleine ceux, sans doute nombreux, qui connaissent déjà la destinée de Noureev.

On pardonnera Oleg Ivenko de mal jouer. C’est un danseur professionnel, catastrophique dès qu’il a une ligne de texte, sublime dès qu’il s’élance sur le plateau. En revanche, Noureev réussit à vider Adèle Exarchopoulos de toute sensualité. Et ça, c’est impardonnable.

La bande-annonce

L’Adieu à la nuit ★★☆☆

Muriel (Catherine Deneuve) dirige un centre équestre dans les Pyrénées orientales. Son petit-fils Alex (Kacey Mottet Klein) vient lui rendre visite. Il a perdu sa mère, la fille de Muriel ; il est en froid avec son père qui a refait sa vie en Guadeloupe ; il vient d’abandonner ses études.
Il annonce à sa grand-mère son désir de partir au Canada. Mais ses projets sont tout autres. Au contact de Lila (Oulaya Amamra), une amie d’enfance musulmane, et intoxiqué par ce qu’il a lu sur le Net, Alex s’est converti et s’est radicalisé. Il a l’intention de gagner la Syrie et de participer au jihad.

La radicalisation est décidément un thème qui inspire le cinéma : La Désintégration, Made in France, Les Cowboys, Le ciel attendra, Mon cher enfant, Exfiltrés, Le Jeune Ahmed… Les films qui en parlent sont chaque fois ni tout à fait le même ni tout à fait un autre. Ils dessinent un paysage que pourrait présenter un séminaire ou un article : « La radicalisation au prisme du cinéma ». Chacun de ces films explore un pan du sujet. La sociologie : qui se radicalise ? La psychologie : pourquoi se radicalise-t-on ? L’action : comment se radicalise-t-on ?

Beaucoup traitent le sujet de biais en s’intéressant moins au radicalisé lui-même qu’aux effets de cette radicalisation sur son environnement. C’était l’angle d’attaque des Cowboys, de Mon cher enfant. C’est le sujet de cet Adieu à la nuit dont le héros est moins Alex que Muriel.

On imagine volontiers ce que André Téchiné, la septantaine bien entamée, a pu ressentir en lisant le livre de David Thomson Les Revenants consacré aux Français revenus en France après avoir combattu dans les rangs de Daesh. C’est la question que n’importe quel parent, n’importe quel grand parent pourrait se poser : comment réagirais-je si cela arrivait à mon (petit) fils ?

Pour mettre en histoire cette interrogation, il convoque sa muse : Catherine Deneuve avec laquelle il a déjà tourné sept fois depuis Hôtel des Amériques en 1981. Le problème est qu’il ne sait pas trop qu’en faire. Mamie Nova idéale, aussi aimante qu’allante (à soixante-quinze ans, elle en fait quinze de moins), Catherine Deneuve est bien entendue impeccable. Elle tient parfaitement son rôle ; sauf que son rôle ne tient pas. Elle est d’abord tout à la joie de voir revenir chez elle ce petit-fils trop absent. Puis, elle découvre sa confession à l’Islam, en est tourneboulée, ne sait pas comment réagir entre malaise spontané et respect dû à la liberté de croyance de son petit-fils. Enfin elle comprend son projet djihadiste mortifère et essaie de l’en dissuader.

André Téchiné avait un sujet en or. Aussi surprenant que cela puisse paraître pour un réalisateur de cet acabit, il n’a pas su quoi en faire.

La bande-annonce

Coming Out ★★☆☆

Le monteur français Denis Parrot est allé sur Youtube glaner des vidéos de coming out postées entre 2012 et 2018. On y voit des garçons et des filles du monde entier y annoncer leur homosexualité ou leur décision de changer de sexe.

Il n’y a ni exhibitionnisme ni militantisme dans ces confessions. Leur montage n’a pas cette indécence. Il véhicule un message simple sinon simpliste : l’homosexualité n’est pas un choix mais un état dont on ne devrait pas avoir à faire la révélation. Et ceux qui la font sont autant de sources d’inspiration pour ceux qui n’ont pas encore eu le courage de franchir le pas.

Ce tour du monde du coming out soulève bien des questions et apporte plusieurs réponses. Un témoignage d’un Japonais et d’une Sud-africaine ainsi que celui, poignant, d’un Russe qui vit aujourd’hui au Canada et qui raconte l’homophobie qui règne dans son pays, tissent une géographie très partielle du coming out, sans doute plus facile à faire dans l’Occident libéral que dans les sociétés qui pénalisent l’homosexualité et la transidentité. Posté sur les réseaux sociaux, le coming out s’adresse à tous ; mais il est en général annoncé à une seule personne : la mère beaucoup plus souvent que le père et jamais un ou une amie. Les témoignages proviennent exclusivement de jeunes voire de très jeunes gens. Aucun coming out d’adultes étonnamment : personne ne fait-il son coming out à trente ou quarante ans ? ou personne à cet âge ne le fait-il sur YouTube ?

Dans un cas, le coming out se passe mal. On y entend plus qu’on ne voit les tombereaux d’injures dont un malheureux adolescent dans le Sud des États-Unis est agoni lorsqu’il fait sa révélation. Dans la plupart des cas au contraire, on assiste à des scènes émouvantes d’épiphanie familiale où l’anxiété de celui qui fait son coming out n’a d’égale que l’amour dont lui témoigne en retour la mère ou la grand-mère à laquelle cette confession est destinée.

La scène la plus désopilante, la plus légère et au fond la plus juste est celle où l’on voit sur le même plan le fils et sa mère. « Maman, j’ai une confession à te faire… » dit-il tout tremblant « Oui ? Tu es hétéro ?? » répond sa mère en riant. « Mais non, je suis GAY » confesse-t-il en éclatant en sanglots. « Mais je le savais depuis toujours et je t’aime comme tu es » lui répond-elle en l’embrassant.

La bande-annonce

Zombi child ★☆☆☆

En 1962, à Haïti, Clairvius Narcisse est victime d’une tentative de zombification. Empoisonné, il est laissé pour mort, mis en bière, inhumé. À la nuit tombée, des hommes déterrent son cercueil. Réduit à l’état de mort-vivant, privé de parole, de volonté, il est employé dans une plantation de canne à sucre. Mais Clairvius, après avoir mangé un morceau de viande, retrouve une partie de sa conscience et réussit à s’enfuir.
De nos jours, sa petite-fille Mélissa, intègre en classe de seconde la Maison de la Légion d’honneur, un établissement scolaire réservé aux jeunes filles dont l’un des parents s’est vu attribué la Légion d’honneur ou l’Ordre national du mérite. Un groupe de jeunes filles accepte de l’accueillir dans la sororité à condition que Mélissa partage avec elles un secret.

Zombi sans e. L’orthographe du titre interpelle. Elle se décrypte aisément. Zombie est dérivé de l’anglais. Zombi est utilisé à l’origine en français, dérivé de zonbi en créole haïtien, nzumbe ou nzambé en kimbundu/kikongo (merci Wikipédia).
Il s’agit donc d’un zombi haïtien, baigné dans une culture ancestrale, pas d’un de ses vulgaires ectoplasmes hollywoodiens qui – comme le relève une des étudiantes de la Légion d’honneur, friande du genre -se déplaçait à tâtons avant de connaître, dans le cinéma le plus contemporain, une soudaine accélération de leur vélocité (Cf. les zombies sprinteurs de 28 jours après ou World War Z).

Dans un montage alterné, Zombi Child tisse deux fils narratifs. D’un côté on suit Clairvius Narcisse en 1962, Lazare haïtien, ramené à la vie par un sortilège vaudou dont il essaie de se désenvoûter. Histoire sans parole languissante qui filme des paysages sauvages et grandioses. De l’autre, on suit une bande de jeunes filles façon Virgin Suicides dans leur lycée hors norme : la maison de Saint-Denis de la Légion d’honneur dont on s’étonne que l’atmosphère si particulière n’ait pas déjà inspiré le cinéma.

Zombi Child a plus de défauts de qualités. Les plus irritants sont ceux qui constellent la description de la vie des lycéennes de la légion d’honneur. Pourquoi avoir prêté à ces jeunes filles de bonne famille un vocabulaire de cagoles ? Pourquoi leur avoir donné comme enseignant d’histoire Patrick Boucheron qui leur assène un discours digne d’une leçon d’ouverture au collège de France sur les « hoquettements » du dix-neuvième siècle auquel il n’y a guère ed chance que des lycéennes de seconde, aussi précoces soient-elles, entendent goutte ?
Mais le plus grave est l’ennui que distille ce film de près de deux heures dont le scénario étique se résume à rien, ou du moins à pas grand-chose. Bertrand Bonello tenait pourtant là un sujet fascinant qu’il gâche à force de paresse. Quel dommage !

La bande-annonce

Lune de miel ★★★☆

Anna (Judith Chemla) et Adam (Arthur Igual) sont juifs d’origine polonaise. Ils viennent de se marier. Ils confient aux bons soins des parents d’Anna leur nourrisson pour partir en voyage de noces. Si Adam serait volontiers parti à New York, Anna a décidé de se rendre en Pologne sur les traces de leurs deux familles.

Aucune tromperie sur la marchandise : le trailer de Lune de miel annonce la couleur. Il s’agira d’entrelacer comédie de couple et enquête sur les origines.

Sur les deux terrains le pari est réussi.

On rit beaucoup au personnage d’Anna qu’interprète la décidément remarquable Judith Chemla qui a réussi à se frayer patiemment un chemin jusqu’à la tête d’affiche depuis son passage à la Comédie-Française et sa nomination en 2013 au César de la meilleure actrice dans un second rôle pour Camille redouble. Elle est hilarante en ashkénaze hystérique, couturée de complexes, entretenant avec sa mère (impeccable et trop rare Brigitte Roüan) une relation compliquée, enthousiasmée au-delà du raisonnable de ce pèlerinage sur les traces de ses ancêtres. Face à une telle tornade, Arthur Igual fait le pari réussi de la sobriété.

Si Lune de miel fait rire, il réussit aussi à émouvoir. On aperçoit dans la bibliothèque de l’appartement parisien du couple une exemplaire des Disparus de Daniel Mendelsohn, poignante enquête historique sur les traces des ancêtres juifs polonais de l’auteur. On pense aussi à Tout est illuminé, le roman de Jonathan Safran Froer porté à l’écran par Liev Schreiber avec Elijah Wood dans le rôle principal. Sans avoir l’air d’y toucher, Lune de miel évoque en trois plans la disneylandisation de la Shoah dans laquelle a viré l’industrie touristique à Cracovie avec ses tours guidés à Auschwitz et ses concerts de musique klezmer, le devoir de transmission à travers le personnage d’Evelyn Askolovich, qui raconte sa déportation à Bergen Belsen et enfin l’oubli lourd d’antisémitisme et teinté de négationnisme dans lequel tombe irrésistiblement cette mémoire.

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Charlotte a 17 ans ★☆☆☆

Charlotte a dix-sept ans – bien qu’elle en fasse facilement cinq de plus. Elle vient de connaître son premier chagrin d’amour qui vient de lui confesser son homosexualité (sic) après deux ans de relation (re-sic). Charlotte peut compter sur ses deux amies d’enfance pour la consoler : Mégane, qui tempête contre le monde et ses injustices, et Aube, qui essaie de cacher sans y parvenir son inexpérience avec les garçons.
Les trois jeunes filles trouvent un job dans un magasin de jouets. L’ambiance y est très détendue. Les garçons qui y travaillent leur réservent un joyeux accueil. Charlotte y collectionne les conquêtes au point de s’y faire une funeste réputation.

Nous vient du Canada ce petit objet filmique difficile à classer. S’agit-il d’un petit film amateur tourné à la va vite en noir et blanc par une bande de copains façon Clerks ? D’un teen movie racontant les émois amoureux d’une poignée d’adulescents façon Friends ? D’un pamphlet féministe revendiquant le droit des femmes au donjuanisme ou au polyamour façon Lutine ?

Un peu des trois. et c’est bien là que le bât blesse.
Soit on trouvera à ce film hors normes, qui joue sur ces trois tableaux, une fraîcheur originale. Soit on lui reprochera de ne pas savoir à quel sein (!) se vouer, quel parti prendre.
Dans un cas comme dans l’autre, on lui reconnaîtra néanmoins de ce côté-ci de l’Atlantique la saveur inégalable de ses truculents québécismes qu’on aurait eu bien du mal à comprendre sans les sous-titres.

La bande-annonce