Stripped ★★★☆

Alice (Laliv Sivan), la petite trentaine, est une artiste touche-à-tout. Elle enseigne les arts plastiques. Elle vient de publier son premier livre. Elle est en train de réaliser un documentaire. Mais, un beau jour, elle se réveille nauséeuse, sans souvenir de la soirée précédente. Traumatisée par le sentiment indistinct d’avoir été droguée et violée pendant son sommeil, elle se replie sur elle-même.
Dans l’appartement situé en face du sien vit Ziv (Bar Gottfried) un jeune lycéen passionné de musique et tétanisé à l’idée de devoir aller effectuer son service militaire.

Stripped est le troisième volet d’une trilogie dont les deux premiers, Chained et Beloved, sont sortis en juillet dernier. Rien n’explique ces dates de sortie décalées sinon peut-être le lien plus ténu que ce volet-ci entretient avec les deux premiers qui racontaient la relation toxique entre Rashi et Avigail filmée du point de vue de Rashi d’abord (Chained) puis d’Avigail ensuite (Beloved). D’ailleurs ces trois films peuvent se voir indépendamment les uns des autres.

On y retrouve les mêmes ingrédients que dans les deux premiers films. En particulier le réalisateur a le don d’hystériser les dialogues, les transformant en d’épuisantes disputes, sans qu’on sache si c’est une marque de son cinéma ou un trait caractéristique de la sociabilité israélienne.

Stripped est construit autour d’un principe à la fois simple et complexe. Il tisse deux histoires parallèles, celles d’Alice et de Ziv, dont on pressent qu’elles finiront par se croiser sans en deviner encore par avance les modalités de la rencontre. Le film dure deux heures, une durée analogue à celles de Chained et de Beloved. Est-il trop long pour autant – comme j’ai coutume trop souvent de m’en plaindre ? Non. Car la tension est maintenue tout son long ; car aucune scène n’est superflue pour raconter ces deux histoires qui n’en font qu’une.

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Les Joueuses ★★☆☆

Stéphanie Gaillard a suivi pendant une année les joueuses de l’Olympique lyonnais, le club le plus titré du football français, qui vont tenter en 2018-2019 de remporter comme les deux saisons précédentes le triplé Coupe de France, championnat de France et Ligue des champions.

On diffuse aujourd’hui des documentaires sur tout – à la différence d’une époque antérieure au succès de Michael Moore, où rares étaient les documentaires qui se frayaient un chemin en salles : la vie des insectes, la migration des oies sauvages, les pingouins de l’Antarctique…. Aussi, n’est-il pas surprenant que le football attire la curiosité des documentaristes et de leurs spectateurs. On avait eu Les Yeux dans les bleus en guise d’album souvenir de la folle victoire de 1998, Zidane, un portrait du XXIème siècle en lever de rideau du Mondial 2006 et Diego Maradona en 2019.

Le sujet des Joueuses laisse augurer une étude sur le football féminin et une critique, fût-elle indirecte, des inégalités qui le séparent encore du football masculin : manque de considération, de visibilité, différentiel de salaires… Or, il n’en est quasiment jamais question. Stéphanie Gaillard ne se lance pas dans un film à thèse, ni ne mène une croisade. Très modestement, elle se contente de poser sa caméra dans les vestiaires et de nous y montrer la vie quotidienne, presque banale, de ces jeunes femmes qui y passent avant ou après leurs entraînements. C’était la même démarche qu’avait suivie Beau Joueur avec les rugbymen de l’Aviron bayonnais.

Elles nous deviennent bientôt familières et brillent par leur diversité et par leur personnalité. Il y a d’abord Ada Hegerberg, la belle Norvégienne, Ballon d’Or 2018, l’immense (1m87) Wendie Renard, la capitaine, Sarah Bouhaddi, la gardienne de but et Selma Bacha, la toute jeune latérale gauche qui passe son bac cette année-là et qui grandit à l’ombre de ses aînées.

La vie du groupe est rythmée par les entraînements, les déplacements, les matchs. Même si la concentration est de rigueur et la décompression autorisée après les victoires, on touche à ce qu’a de routinier la vie de ces sportives de haut niveau qui exercent un métier finalement pas si différent d’un autre. On y est surtout sensible à la camaraderie bienveillante qui semble régner dans leur sororité et on s’interroge sur ses causes : trouve-t-on la même complicité dans les vestiaires des garçons ? ou est-ce là une spécificité féminine ?

Les Joueuses est autant un documentaire sur le football féminin que sur un collectif uni par l’exercice d’un même métier. Il n’est nécessaire ni peut-être pertinent d’être passionné.e de ballon rond pour le regarder.

La bande-annonce

Sole ★☆☆☆

Petit voyou sans futur, Ermanno vole des scooters et dépense dans des machines à sous l’argent qu’il retire de leur trafic. Son oncle le charge d’une mission bien particulière : accueillir Lena, une jeune Polonaise enceinte de huit mois, déclarer être le père de son enfant à naître, pour en faciliter l’adoption ultérieure, et partager jusqu’à la naissance l’appartement de la jeune femme.

Sole n’est pas, comme on pourrait le penser, un film à thème sur la gestation pour autrui, de ceux qui, jadis, auraient précédé un débat sentencieux aux Dossiers de l’écran sur la deuxième chaîne de l’ORTF. Le réalisateur Carlo Sironi ne documente pas dans les détails les procédés plus ou moins légaux qui conduisent des jeunes femmes de l’Est de l’Europe à accepter, moyennant finance, de porter l’enfant de riches Occidentaux empêchés de mener une grossesse à terme.

Il préfère s’intéresser au duo boiteux formé par Lena et son geôlier. Son évolution ne fait guère de doute et la bande-annonce ne s’en cache pas : les deux jeunes gens vont se rapprocher de plus en plus. Après la naissance d’une petite fille baptisée Sole, ils vont être confrontés à la question vers laquelle tout le film est tendu : vont-ils donner comme convenu Sole à ses parents d’adoption ou s’enfuir avec elle au mépris de la parole donnée ?

Loin du traitement naturaliste qu’un tel sujet aurait pu appeler, Carlo Sironi opte pour son premier film pour une forme ascétique, des plans serrés, des lumières aquatiques, quasiment pas de musique d’accompagnement. Le rythme du film en est ralenti, sa gravité accentuée, d’autant que consigne semble avoir été donnée à ses deux acteurs (lui, amateur, elle professionnelle) de garder tout du long une moue inexpressive.

Ce parti pris minimaliste force le respect. Mais il ne touche pas forcément le coeur.

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Africa Mia ★★★☆

Dans les années soixante, alors que se levaient les soleils des indépendances africaines et que la Cuba castriste espérait devenir l’un des phares du mouvement des non-alignés, une dizaine de musiciens maliens sont allés, tous frais payés, se former à La Havane. La joyeuse équipe a formé un groupe, Les Maravillas de Mali, joué dans les concerts et enregistré un 33 tours auréolé d’une gloire éphémère.
Un producteur de musique français, Richard Minier, en entend parler à la fin des années quatre-vingt-dix et décide de reformer le groupe.

Ainsi présenté, Africa Mia rappelle Buena Vista Social Club, le groupe cubain pré-castriste dont la reformation fut filmée par Wim Wenders à la fin des années quatre-vingt-dix. Que le projet de Richard Minier ait pris forme à la même époque laisse planer le soupçon d’avoir voulu en reproduire la recette. Une recette éculée qui joue sur les deux tableaux de la nostalgie et de la mode des musiques rétro.

Pourtant, contrairement à ce qu’on pouvait redouter, Africa Mia n’est pas une fade resucée de cette formule. Il réussit le double pari de nous intéresser et de nous émouvoir. Son succès tient à trois facteurs.

Le premier bien sûr est la joie que l’on partage à ces retrouvailles chantantes et à ces rythmiques chaloupées joyeusement désuètes.

Le deuxième tient à la persévérance de Richard Minier qui n’eut pas assez de quinze années pour mener à bien son projet. C’est une véritable enquête policière qu’il mena pour retrouver les Maravillas. Son documentaire, d’une heure et dix-huit minutes à peine, est trop modeste pour nous en raconter tous les rebondissements ; mais eu égard au laps de temps qui s’est écoulé entre sa première rencontre à Bamako avec Dramane Coulibaly et le retour de Boncana Maïga à La Havane, on imagine sans peine l’obstination qu’il lui a fallu pour renverser les obstacles sur sa route.

Le troisième enfin est la tristesse qui nous étreint face à une entreprise placée sous le double signe de la nostalgie et de la mort. La nostalgie des souvenirs d’un passé révolu qui, même si on cherche à l’exhumer, ne reviendra jamais. La mort qui fauche un après l’autre tous les Maravillas, au point qu’on se demande s’il en restera encore un dernier pour remonter sur scène.

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Remember me ☆☆☆☆

Journaliste septuagénaire retraité, Claude (Bruce Dern) est veuf. Il vit en Californie près de sa fille, en pleine crise conjugale, et de sa petite-fille. Il n’a jamais oublié Lilian (Caroline Silhol), son amour de jeunesse, une actrice française dont il apprend qu’elle est atteinte de la maladie d’Alzheimer.
Pour la rejoindre dans la luxueuse maison de retraite où elle est installée, il invente avec son vieil ami (Brian Cox) un stratagème pour s’en rapprocher.

Le vieillissement de nos sociétés le laissait augurer : le quatrième âge est désormais un sujet cinématographique à part entière. Bien après Dernier amour de Dino Risi qui avait flairé le filon  dès 1978 et La Maison du lac, on voit s’accumuler les films qui ont pour héros des vieillards alzheimerisés ou sur le point de l’être.

Le sujet peut être traité de bien des façons. Sur un mode dramatique, sans rien cacher de l’inéluctable déréliction qui ne manquera pas de frapper ses protagonistes : c’est l’insoutenable Amour de Haneke, le bouleversant Daddy Nostalgie de Bertrand Tavernier, Loin d’elle de Sarah Polley adapté d’une nouvelle de Alice Munro, Still Alice ou le dernier Lelouch en date, Les Plus Belles années d’une vie. Ou en racontant au contraire, sur un mode plus léger, un ultime sursaut de vie, la dernière virée que ces retraités s’autorisent comme un ultime pied-de-nez à la mort qui rode : Sans plus attendre avec Jack Nicholson et Morgan Freeman, Last Vegas, L’Échappée belle, Indian palace, Les Vieux Fourneaux, Le Vieux qui ne voulait pas fêter son anniversaire ou le tout récent Citoyens du monde. Ces films-là peuvent prendre les formes les plus diverses : le polar (Red, Braquage à l’ancienne, Cortex), la comédie française pas drôle (Mon petit doigt m’a dit, Sales gosses)  et même le dessin animé (La Tête en l’air).

Remember me vient s’ajouter à cette longue liste sans qu’on comprenne bien sa plus value. Il ne s’agit pas vraiment d’un film comique, même si le stratagème, passablement crédible, qu’invente son héros pour rejoindre sa belle essaie sans y réussir de faire rire. Ce n’est pas vraiment un film dramatique non plus tant son inéluctable conclusion – Alzheimer est à ce jour incurable – est mièvrement euphémisée. Bref c’est un film complaisant. Ou, pour le dire autrement, un film raté.

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Sing Me A Song ★★☆☆

Le Bhoutan est un minuscule royaume himalayen coincé entre l’Inde et la Chine. Il est connu pour ses paysages grandioses. Il est aussi connu pour avoir substitué au produit national brut (PNB), pour mesurer la richesse de ses habitants, un concept original : le « bonheur national brut ».

Thomas Balmès était venu y filmer un monastère tibétain à quatre mille mètres d’altitude. Coupé du monde depuis la nuit des temps, l’électricité allait y être installée et le documentariste français voulait y constater l’irruption des nouvelles technologies.

Il y retrouve dix ans plus tard Peyangki, le petit moinillon facétieux de Happiness. Il a aujourd’hui dix-huit ans et ne supporte plus l’éducation rigoureuse du monastère. Sur les réseaux sociaux, il a fait la rencontre de Ugyen, une jeune chanteuse qui se produit dans un bar de nuit de la capitale. Il décide de quitter le monastère pour la rencontrer.

On risque fort d’aller voir Sing Me A Song (pourquoi diable ce titre anglais et sirupeux qu’on croirait emprunté à un mauvais roman Harlequin ?) pour de mauvaises raisons : le dépaysement de l’Himalaya, la splendeur de ses paysages, la sérénité qu’incarnent ses moines tonsurés, etc.

Or Sing Me A Song bat en brèche tous ces clichés. On y découvre avec effroi les effets débilitants des nouvelles technologies. Une image est stupéfiante : un long traveling arrière sur des jeunes moines récitant mécaniquement leurs mantras les yeux rivés sur leurs téléphones portables, dans une transe hypnotique dont on se demande si elle est l’effet de leur récitation ou bien de leur addiction aux écrans.

Si les monastères les plus reculés sont impactés, la capitale bhoutanaise l’est plus encore. Thomas Balmès filme une ville sans âme avec ses néons criards, ses bars glauques, ses chanteuses trop maquillées, dont on imagine, même si rien d’explicite n’est dit, qu’elles en sont réduites à se prostituer. C’est là que Peyangki retrouve Ugyen dont il découvre qu’elle est déjà la mère d’une petite fille de deux ans. L’affiche du film les photographie tous les trois séparés par un espace infranchissable, lui avec son téléphone, elle avec sa fille, leurs regards ne se croisant pas.

On peut saluer la clairvoyance de ce documentaire désespérant – dont on ne comprend jamais ce qu’il emprunte à la fiction ou à la réalité – sur les effets délétères des nouvelles technologies sur nos existences. On peut aussi lui reprocher de nous renvoyer une image si glaçante de notre monde, menacé par les mêmes dérives, où qu’on se trouve.

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Lux Æterna ★☆☆☆

Béatrice Dalle joue son propre rôle : celui d’une actrice passablement barrée qui passe derrière la caméra pour diriger dans son premier film « L’Œuvre de Dieu », son amie Charlotte Gainsbourg.  L’ambiance sur le plateau n’est pas paisible et le comportement agressif de la réalisatrice n’arrange rien : son producteur ne lui fait plus confiance et veut l’évincer, ses actrices, en roue libre, sont abandonnées à elles mêmes, le personnel technique est au bord de la grève….

Lux Æterna est un objet filmique non identifié. Œuvre de commande de la maison Yves Saint Laurent, dans le cadre de « Self », un projet qui invite différents artistes à réinterpréter les collections et l’esprit de la maison de haute couture, il a été présenté en séance de minuit au Festival de Cannes 2019. Carte blanche était laissée à Gaspar Noé dont la seule contrainte était d’utiliser des costumes et des visages de la marque (on reconnaît les top models Abbey Lee et Mica Argañaraz).

Il a tourné un moyen métrage d’une durée bâtarde : cinquante et une minutes, trop long pour un simple clip publicitaire, trop court pour un vrai film qui nous aurait laissé le temps de nous familiariser avec ses personnages et de nous raconter une histoire.

On y retrouve la patte du réalisateur franco-argentin, notamment son goût pour les atmosphères confinées, pour les longs plans séquences qui suivent les acteurs dans leurs pérégrinations labyrinthiques dans des décors exigus. De ce double point de vue, Lux Æterna rappelle Climax, son dernier film. On y retrouve aussi ses obsessions pour des thèmes border line, ici la sorcellerie à laquelle, on le sent, il aurait aimé consacrer un film plus long.

La partie la plus réussie de ce moyen métrage est le dialogue qui l’ouvre d’une douzaine de minutes entre les deux actrices. Laissant la place à l’improvisation, elles y évoquent quelques souvenirs de tournage désopilants. On les découvre égales à elles-mêmes : Béatrice Dalle, complètement chtarbée, Charlotte Gainsbourg plus pudique. Et on regrette presque que ces échanges improvisés ne durent plus longtemps et cèdent la place aux délires stroboscopiques et bruyants de Gaspar Noé.

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Sur la route de Compostelle ★☆☆☆

Chaque année plusieurs centaines de milliers de randonneurs du monde entier font le pèlerinage de Compostelle. Son succès n’a cessé de croitre, attirant des foules sans cesse plus nombreuses, en quête tout à la fois de grand air, de spiritualité et de dépassement. D’ailleurs, la soixantaine approchant à grands pas, je me dis qu’il serait temps que, moi aussi, je m’y prépare. Ce serait de mon âge…

Le pèlerinage de Compostelle est souvent évoqué dans les arts et la littérature. Il servait déjà de cadre à La Voie lactée du très anticlérical Luis Bunuel. Il constitue l’arrière-plan de Thérapie, un livre méconnu de David Lodge qui compte pourtant dans mes préférés. Jean-Christophe Rufin lui a consacré ses carnets de route dans un livre dont le succès ne se démentira pas de longtemps, chaque pèlerin français se le voyant probablement offrir par ses beaux-enfants lors du Noël précédant ou suivant la randonnée.

Sur la route de Compostelle est un documentaire qui suit six randonneurs australiens et néo-zélandais. La cinquantaine déjà bien entamée, ils ont chacun un bon motif pour avoir traversé la moitié du globe et se coltiner les presque mille kilomètres de sentiers boueux depuis la frontière française jusqu’à l’extrême pointe de la péninsule ibérique. Sue est septuagénaire et souffre d’arthrose dégénérative. Julie vient de perdre coup sur coup son mari après une longue maladie et son fils dans un accident de rafting. Mark fait avec son beau-père le deuil de sa fille Maddy morte à dix-sept ans de mucoviscidose.

En 2005, dans Saint-Jacques… La Mecque, Coline Serreau avait utilisé une trame similaire pour faire un tableau de groupe d’une famille contrainte, par les clauses d’un testament, à cheminer ensemble. Le propos était volontiers bien pensant : il s’agissait de montrer que les différences (de croyance, de classe) étaient solubles dans la randonnée pédestre. Le propos de ce documentaire néo-zélandais ne l’est pas moins qui souligne les effets cathartiques de ce pèlerinage censé venir à bout de tous les deuils.

On ne peut qu’être ému aux larmes par la souffrance de Sue, par le chagrin de Julie, par la colère de Mark.  L’émotion qu’ils suscitent est sincère ; mais elle n’en est pas moins teintée d’un voyeurisme qui met mal à l’aise.

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Honeyland ★★☆☆

Hatidze est une vieille paysanne macédonienne qui vit seule avec sa mère impotente. Les deux femmes habitent un hameau en ruines, vidé de ses habitants dans un coin reculé de la Macédoine du nord, sans eau ni électricité. Hatidze y cultive le miel en suivant les méthodes séculaires que ses ancêtres lui ont transmises et va en faire le commerce dans la capitale.
Mais ce bel équilibre est rompu par l’arrivée d’une famille turque et de son troupeau, qui se lance dans l’apiculture mais sans en respecter les règles.

Honeyland parvient sur nos écrans après avoir récolté une moisson de récompenses dans les festivals internationaux et deux nominations aux Oscars. Il peut à bon droit revendiquer un certain exotisme : la figure de l’apicultrice macédonienne est certes assez peu exploitée du cinéma contemporain. Il essaie aussi de se parer d’un sous-texte écologiste dont on sait qu’il a le vent en poupe aujourd’hui dans l’opinion publique et dans le documentaire.

Mais ce sont bien là ses seules qualités.

Car Honeyland n’a pas grand-chose à dire une fois qu’il a filmé, caméra à l’épaule ou avec un drone, la silhouette dégingandée de Hatidze sur les chemins de Macédoine, nimbée dans un contre-jour poétique, et ses gestes patients pour récolter le miel. Pour épicer un peu un scénario menacé d’immobilisme, les deux réalisateurs se sont focalisés sur une querelle de voisinage.

Cette histoire quasiment sans paroles a la simplicité d’une tragédie grecque – Grèce limitrophe dont on sait qu’elle a mené la vie dure aux autorités macédoniennes dans le choix du nom de leur pays. Entre la vertueuse Hatidze, gardienne des pratiques ancestrales d’apiculture, qui voit d’un mauvais œil l’arrivée de ces voisins nombreux et bruyants, mais leur réserve néanmoins bon accueil, et Hussein, sa femme, ses sept (!) enfants, son troupeau beuglant et son avidité au gain qui le pousse à surexploiter la flore mellifère, le conflit est inévitable.

On aurait aimé mieux connaître Hatidze et ce qui se cache derrière son sourire triste, les renoncements dont a été faite sa vie. Mais en voulant raconter une histoire, les réalisateurs renoncent à dresser le portrait de cette héroïne attachante.

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Citoyens du monde ★☆☆☆

Le Professeur et Giorgio sont deux septuagénaires romains qui tirent le diable par la queue avec une retraite de misère. Sans attaches, sans amis, sans guère d’argent, ils rêvent à un ailleurs où l’herbe serait plus verte – et la bière moins chère. Ils sont bientôt rejoints dans leur projet de départ par un troisième larron, Attilio, brocanteur du dimanche. Où partir ? Cuba ? Bali ? les Açores ?

Gianni Di Gregorio est venu sur le tard à la réalisation. Il tourne son premier film en 2009, à près de soixante ans. Le succès du Déjeuner du 15 août (prix du meilleur premier film en 2008 à la Mostra de Venise) le conduit à en réaliser des « suites » où il se met volontiers en scène : Gianni et les femmes en 2011, Bons à rien en 2014. À chaque fois, la recette est la même. Le réalisateur se met dans son propre rôle : celui d’un Romain vieillissant, philosophe et bon vivant, une sorte de Nanni Moretti du troisième âge (même si, vérification faite, je réalise avec effroi que Moretti a dépassé la soixantaine).

Cette recette éprouvée est une nouvelle fois utilisée dans ce quatrième opus. Qui aime Rome (qui n’aime pas Rome ?) prendra plaisir à retrouver, en compagnie de trois sympathiques retraités, sa dolce vita, ses placettes ensoleillées et ses petites rues aux pavés disjoints encombrées de voitures et de scooters.

Mais c’est bien là le seul plaisir, bien innocent, qu’on prendra à ce film qui nous conduit sans surprise vers une conclusion prévisible et bien-pensante.

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