Sharad chante depuis l’enfance. Il y a été poussé par un père passionné de musique qui, faute de réussir à en faire sa profession, a voulu à toute force transmettre à son fils la vocation qu’il n’avait pas. Sharad a été formé par un gourou qu’il sert avec dévotion et qui exige de lui, non sans dureté, l’excellence. Pour vivre, Sharad retranscrit de vieux enregistrements sur des supports électroniques et les propose à la vente. Bientôt, l’âge venant, il devient professeur de chant dans un collège. Mais le succès tarde toujours à venir.
Signé par un jeune réalisateur indien dont le précédent film, Court, s’était déjà fait favorablement remarquer, Le Disciple, produit par Netflix, prix du meilleur scénario à la Mostra de Venise 2020, est une œuvre à la fois profondément indienne et universelle.
Le Disciple est une œuvre profondément indienne qui a pour héros, ou plutôt pour anti-héros, un jeune artiste dont on suit la vie de l’enfance jusqu’à la maturité. Sharad est un chanteur de khyal, une musique classique indienne jouée dans le nord du pays. Le chanteur improvise, accompagné d’un tambour, d’un harmonium et de deux sitars. On en entend de longs morceaux hypnotiques qui enthousiasmeront les fans de musique indienne et risquent d’endormir les autres.
Mais Le Disciple ne se réduit pas à un simple documentaire musical exotique. C’est aussi une oeuvre qui touche à l’universel en racontant la vie d’un artiste qui peine à percer.
À Hollywood ce type de personnage aurait donné lieu alternativement à deux types de traitement caricaturaux : soit le héros à force de persévérance serait parvenu à surmonter les obstacles placés sur sa route (l’injustice du système et/ou la corruption d’un manager malhonnête et/ou la déchirure d’une rupture amoureuse) et serait devenu une star mondialement reconnue, soit au contraire il n’y serait pas parvenu et aurait sombré dans la folie.
Le Disciple choisit un parti beaucoup plus réaliste et beaucoup moins mélodramatique.
[attention spoiler] Sharad ne deviendra ni une star mondiale du khyal, ni un artiste raté et névrosé. Les années passant, il prendra conscience des limites de son talent et de celui de ceux censés le guider. Comme Spinoza qui professait que « la liberté est l’intellection de la nécessité », Sharad réalisera que la voie dans laquelle il s’était engagé était une impasse et en choisira une autre. C’est une leçon de vie amère ; mais ce n’en est pas moins une leçon de vie sage. [D’ailleurs, je crois que je vais arrêter d’écrire chaque matin des critiques de cinéma et me mettre sérieusement au kitesurf]