Une prostituée a été sauvagement égorgée dans un appartement sordide du quartier populaire de Matonge à Bruxelles. La police criminelle enquête. Alain Mertens, un voisin, client occasionnel, est immédiatement arrêté. Son lourd passé criminel et la faiblesse de son alibi le désignent comme le coupable idéal.
Pendant près de trente ans, l’émission belge Striptease a « déshabillé la France et la Belgique » en en montrant, sans voix off ni interview, les travers tragi-comiques. L’émission s’est arrêtée en 2012.
En 2018, Jean Libon, son co-créateur, et Yves Hinant, l’un des réalisateurs récurrents de l’émission, ont suivi au jour le jour un juge d’instruction aux méthodes hétérodoxes et en ont tiré Ni juge ni soumise un documentaire qui eut un grand succès public et critique et fut couronné du César du meilleur documentaire. Profitant du Covid pour se replonger dans les émissions de Striptease, ils ont exhumé une enquête filmée en 2003 (les GSM sont encore préhistoriques et les ordinateurs mastoc) et en ont remonté les rushes.
C’est ce travail de montage qu’il faut saluer. C’est grâce à lui que cette banale enquête ne cesse de nous surprendre et nous tient en haleine tout du long. Aucun temps mort, aucune baisse de régime dans un film qui pourtant ne déploie pas toute l’armurerie d’un blockbuster hollywoodien et ne sort guère des bureaux de la police criminelle de Bruxelles, sinon pour une perquisition.
Tout se passe dans le bureau du commissaire Lemoine et dans celui de la juge d’instruction. Les premières déclarations d’un prévenu, Alain Martens, font de lui le coupable tout désigné. Mais les enquêteurs creusent une affaire qu’ils auraient pu déjà paresseusement boucler et leurs découvertes viennent ébranler les conclusions auxquelles ils auraient pu trop vite aboutir.
En allant voir Poulet Frites, j’imaginais voir un film comique, un film qui, comme Ni juge ni soumise, aurait utilisé un humour noir et provocateur, se moquant tout à la fois des juges, des policiers et des accusés. Tout me laissait l’escompter, depuis la réputation sulfureuse de Striptease qui a fait de cette ligne-là son credo, au titre du documentaire en passant par son résumé qui indique qu’une frite constituerait une pièce à conviction – ce qui n’est ni tout à fait juste ni tout à fait faux.
Certes, il y a quelques séquences qui, par leur trivialité, suscitent le rire sinon le malaise. Mais Poulet Frites me semble avant tout un documentaire très sérieux qui, à une époque où il est de bon temps de se méfier de tout, à commencer de nos institutions dont on critique tout à la fois le manque de moyens, la gabegie, la politisation et l’incompétence, décrit des services de police qui, sans compter leurs heures sup (l’enquête se déroule durant quelques jours et quelques nuits pendant lesquels on a l’impression que les policiers de la brigade criminelle et la juge ne quittent jamais leur bureau et ne prennent aucun repos), accomplissent en toute impartialité, au service de l’intérêt général et de la justice, un travail admirable.