Rachel (Virginie Efira) rencontre Ali (Roschdy Zem) à un cours de guitare. Elle est enseignante, quadragénaire, sans enfant ; il travaille dans le design automobile, a peut-être une dizaine d’années de plus qu’elle et une petite fille de quatre ans et demi, Leïla, dont il partage la garde avec son ex-femme (Chiara Mastroianni).
Rachel tombe très vite amoureuse d’Ali. Elle éprouve tout autant de sentiments pour Leïla sur laquelle son statut précaire lui interdit pourtant de revendiquer aucun droit. Saura-telle se faire accepter d’elle ?
[Attention : cette critique contient des spoilers]
La bande-annonce des Enfants des autres ne m’avait pas donné envie de le voir. J’imaginais déjà un film à thèse, comme ceux qu’on projetait jadis en première partie de soirée aux Dossiers de l’écran le mardi soir sur Antenne 2 dans les années 70. Il aurait introduit un débat intitulé : « Les belles-mères et les enfants des autres » où auraient été appelés à témoigner une belle-mère qui, après avoir sacrifié de longues années à l’éducation des enfants de son conjoint, en aurait été brutalement séparée après leur rupture, une mère biologique rappelant les droits du sang, un père coincé entre deux légitimités qu’il n’oserait pas départager et un avocat ou un journaliste appelant à l’urgence de réformer le Code civil.
Certes, Les Enfants des autres n’évite pas ce moralisme un peu balourd. Il le fait d’autant moins qu’il se sent obligé d’ajouter au rôle de la belle-mère sacrifiée celui de l’enseignante militante : on y voit Virgnie Efira batailler dans un conseil de classe pour sauver un Dylan (sic) du déclassement en classe spécialisée. Cette scène-là annonce la dernière du film qui ressemble à une pub pour l’Education nationale : « Chère Sylvie, enseignante en collège, tu as quarante-cinq ans, ton mec t’a plantée, tu n’as pas réussi à faire un enfant, mais tu n’as pas tout à fait raté ta vie : Dylan/Kevin s’en est sorti ! ».
Mais – et c’est tout le paradoxe de cette dernière scène – Les Enfants des autres m’a arraché des larmes malgré son moralisme pachydermique.
Il le doit d’abord à ses acteurs. Virginie Efira au premier chef qui réussit miraculeusement (à la différence d’Isabelle Huppert) à envahir les écrans sans se répéter ni me lasser. Elle est parfaitement juste dans ce rôle profondément sympathique de la quadragénaire nullipare en mal d’enfants, loin des personnages hystériques écrits par Christine Angot ou des égocentriques adulescents à la FabCaro qui sont tellement à la mode dans le cinéma français. Virginie Efira est une tête d’affiche ; mais ce n’est pas une star inaccessible comme l’était Deneuve ou Adjani. C’est la copine ou la sœur qu’on aimerait avoir, la girl next door avec qui on aimerait prendre un thé ou faire les boutiques.
Mais il n’y a pas qu’elle. Roschdy Zem est lui aussi parfait. Il trimballe de film en film la même dégaine avec sa veste en jeans trop serrée et ses pieds en canard. Mais il est lui aussi très juste et, ce qui ne gâte rien, Rebecca Zlotowski laisse sensuellement sa caméra traîner sur ses fesses – alors qu’elle filme la nudité de Virginie Efira sur un mode comique pas du tout sensuel (la scène du balcon) qui lui va très bien.
Mention spéciale à Chiara Mastroianni qui en trois scènes seulement revisite la figure de la mère et évite le manichéisme dans lequel on l’aurait spontanément enfermée.
Rebecca Zlotowski (Une fille facile, Planétarium, Grand Central, Belle Epine) est une cinéaste confirmée. Elle sait y faire. Elle dirige avec beaucoup de maîtrise ses acteurs. Elle sait susciter grâce à eux une émotion qui a eu tôt fait de lever mes réticences. Le scénario y est pour beaucoup qui nous entraîne gentiment, quitte à un détour vacancier par la Camargue, du début vers la fin dans un récit dont la paisible linéarité m’a reposé des complexes flashbacks dont chaque film aujourd’hui se sent obligé d’être lesté. Reste une minuscule réticence sur ce scénario : le revirement d’Ali que j’ai trouvé trop abrupt.
La bande-annonce