Tigresse ★★☆☆

Vera est vétérinaire dans une petite ville des Carpates. Elle vient de perdre son fils à la naissance et ferraille avec le clergé orthodoxe pour lui donner une sépulture chrétienne. Elle découvre que son mari la trompe avec une jeune lycéenne. Enfin, son zoo a récupéré une tigresse dont Vera, troublée par les drames qui viennent de s’abattre sur elle, laisse par inadvertance ouverte la porte de sa cage.

Le titre et l’affiche de Tigresse sont trompeurs. On imagine volontiers un film animalier de Pixar ou de Jean-Jacques Annaud façon Deux Frères, prêtant à sa féline héroïne un comportement anthropomorphe, qui attirerait les ados amateurs de peluches. Tout au contraire, Tigresse nous vient de Roumanie, un pays dont le cinéma âpre se situe aux antipodes des afféteries sucrées hollywoodiennes. Ce cinéma raconte souvent, avec un grand talent, des histoires sordides d’avortement dans des résidences étudiantes, de viol dans des couvents retirés ou de corruption.

Tigresse n’est pas un film sordide ; mais c’est assurément un film grave. Son héroïne est une femme en pleine crise. On aura compris que cette cage laissée ouverte est un acte manqué, un désir inconscient de Vera de libérer le fauve qui dort en elle. Heureusement la métaphore, qui serait vite devenue pesante, n’est pas poussée trop loin. Tigresse, une fois les caractères dessinés, raconte la traque de cette bête, d’abord dans la forêt qui entoure le zoo, puis dans la ville médiévale de Târgu Mureș où elle s’est glissée.

Pareil sujet aurait pu donner lieu à bien des traitements possibles. Le thriller, la comédie voire l’errance poétique ou métaphysique. Le réalisateur Andrei Tănase, dont c’est le premier film, choisit un juste milieu bien sage. Son film, inspiré d’un fait divers, dure une heure et vingt minutes à peine et ne contient guère de rebondissements. Cette modestie en fait le prix mais en limite aussi l’ambition.

La bande-annonce

Trap ★☆☆☆

Pour la féliciter de ses bons résultats scolaires, Cooper (Josh Hartnett), un honnête père de famille de la banlieue de Philadelphie, offre à sa fille deux billets pour le méga-concert de sa star préférée Lady Raven et, le jour venu, l’y accompagne. Il y comprend bientôt que la police, informée de la présence parmi les spectateurs d’un dangereux tueur en série, a déployé un impressionnant dispositif de sécurité pour l’y piéger.

M. Night Shyamalan fut, à ses débuts, le wonder kid du cinéma américain avec Sixième Sens, Incassable, Signes et Le Village. Ce nouveau maître du thriller a popularisé une recette éprouvée : un twist final renversant qui donne à toute l’histoire que le spectateur vient de voir un parfum différent et surprenant. Mais, depuis cet âge d’or, M. Night Shyamalan n’a jamais tout à fait retrouvé la même vista. Il a accumulé les échecs commerciaux et critiques (PhénomènesLe Dernier Maître de l’air, After Earth). Ses trois derniers films (Split, Glass, Old) restaurent son aura sans le réhabiliter tout à fait. Aussi, allait-on avoir avec une particulière impatience ce Trap, audacieusement vendu comme le croisement entre « un concert de Taylor Swift et Le Silence des Agneaux » et programmé au cœur d’un été bien avare en bonnes surprises.

Trap met face à face deux figures légendaires de notre temps : la rock star et le serial killer [on dirait que j’essaie de caser dans cette critique le plus d’anglicismes possibles]. On découvre bien vite – et on l’aura déjà découvert en regardant la bande-annonce – que l’affable Cooper, le si parfait père de famille, le si sympathique pompier toujours prêt à rendre service à son prochain, est en fait le tueur en série que la police recherche. L’action se déroule quasiment en temps réel. Elle a pour cadre le stade de Philadelphie où se déroule le concert de Lady Craven, un rôle interprété par la propre fille de M. Night Shyamalan qui poursuit une carrière de chanteuse solo.

Josh Hartnett, qu’on avait connu au tournant des années 2000, à peine sorti de l’adolescence, dans des personnages de jeunes bellâtres  (Virgin Suicides, Pearl Harbor, la Chute du Faucon noir), endosse avec un plaisir communicatif un rôle schizophrène. Il est en même temps un meurtrier machiavélique qui mobilise toute son intelligence pour se sortir du piège que lui a tendu la police et un père de famille enamouré, ravi de faire plaisir à sa fille et inquiet qu’elle découvre sa face cachée.

Cette ambiguïté est intéressante. Le film est construit sur elle, quelque part entre thriller asphyxiant et comédie familiale gentillette. Mais hélas, le pari n’est pas tenu. La recette ne marche pas. La faute peut-être à une erreur de scénario qui, dans son dernier tiers, quitte le stade où il aurait dû rester pour respecter l’unité de lieu. La faute surtout à un dénouement qui ne nous donne pas la scène qu’on attendait : la confrontation du père et de sa fille, négatif chimiquement pur d’Incassable qui, on s’en souvient, mettait en scène un agent de sécurité de Philadelphie découvrant, sous les yeux admiratifs de son fils, ses dons de super-héros.

La bande-annonce