Le Roman de Jim ★★★☆

Aymeric (Karim Leklou) est un gentil garçon. Après un passage en prison, pour un cambriolage auquel de mauvaises fréquentations l’avaient associé, il tombe amoureux de Florence (Laetitia Dosch) et élève Jim, l’enfant qu’elle a eu avec Christophe, comme si c’était le sien. Les années passent, heureuses, dans une ferme retirée du Haut-Jura. Mais l’usure du couple et le retour de Christophe provoquent la rupture. Florence, Christophe et Jim partent au Canada laissant Aymeric seul et détruit. Il se reconstruira auprès d’Olivia (Sara Giraudeau).

Au cœur d’un été bien pauvre en sorties cinématographiques, Le Roman de Jim constitue une surprise bienvenue. Une surprise de la part des frères Larrieu qui ne nous avaient pas habitués à autant de classicisme et dont le cinéma un peu foutraque ne m’avait pas toujours embarqué (j’ai détesté Tralala que d’autres ont pourtant adoré). Une surprise d’un film à la construction originale, qui s’étend sur un quart de siècle sans presque sortir du Jura (on reconnaît Saint-Claude et les bords du lac de Vouglans).

J’ai eu la chance de voir Le Roman de Jim en avant-première, en présence de Karim Leklou, un acteur que j’adore depuis ses tout premiers films. Coup de chaud était un petit film français sans grande ambition qui, de mon point de vue, frôlait la perfection et que j’ai classé en 2015 dans mon Top5. Je l’ai beaucoup aimé dans la série Hippocrate, dans BAC Nord ou, plus récemment encore, dans Temps mort. Cet acteur atypique a une manière unique de mouvoir ses kilos excédentaires. Il a dans le regard, selon les cas, une douceur qui fait fondre ou un éclat de folie qui terrifie.

Il est remarquablement entouré par trois actrices qui ont en commun une étonnante particularité : une voix immédiatement reconnaissable. Laëtitia Dosch, Sara Giraudeau et Noée Abita, hélas sous-employée dans un rôle trop secondaire, ont des voix de petit canard qui, selon les cas, réjouissent ou horripilent. Elles sont aussi toutes les trois, chacune à leur façon, extraordinairement douées.

Le titre du film est trompeur. Son héros est moins Jim qu’Aymeric. La question qui y est posée n’est pas neuve. C’est celle de la filiation et de ses deux dimensions biologique et affective. Tout récemment, deux films espagnols nettement moins réussis que Le Roman de Jim la traitaient : Dos Madres et León. Ici, elle est posée du point de vue du père adoptif sans droit sur l’enfant qu’il a éduqué et chéri.
Mais Le Roman de Jim n’est pas un film à thèse. Son vrai sujet, c’est le destin d’un homme, le roman d’Aymeric, qui est loin d’être un héros, mais qui a une qualité rare : une profonde gentillesse. Un tel sujet pourrait prêter à la caricature. Mais grâce à la justesse de l’écriture, grâce à la qualité de l’interprétation de Karim Leklou et des actrices qui l’entourent, Le Roman de Jim ne tombe jamais dans la mièvrerie.

Le Roman de Jim est l’adaptation d’un livre à succès, sorti il y a trois ans à peine, de Pierric Bailly, que je suis impatient de lire. Des amis au goût très sûr m’en ont déjà dit beaucoup de bien. Il me tarde de le lire et de retrouver à sa lecture l’immense plaisir que j’ai pris à ce film.

La bande-annonce

Tigresse ★★☆☆

Vera est vétérinaire dans une petite ville des Carpates. Elle vient de perdre son fils à la naissance et ferraille avec le clergé orthodoxe pour lui donner une sépulture chrétienne. Elle découvre que son mari la trompe avec une jeune lycéenne. Enfin, son zoo a récupéré une tigresse dont Vera, troublée par les drames qui viennent de s’abattre sur elle, laisse par inadvertance ouverte la porte de sa cage.

Le titre et l’affiche de Tigresse sont trompeurs. On imagine volontiers un film animalier de Pixar ou de Jean-Jacques Annaud façon Deux Frères, prêtant à sa féline héroïne un comportement anthropomorphe, qui attirerait les ados amateurs de peluches. Tout au contraire, Tigresse nous vient de Roumanie, un pays dont le cinéma âpre se situe aux antipodes des afféteries sucrées hollywoodiennes. Ce cinéma raconte souvent, avec un grand talent, des histoires sordides d’avortement dans des résidences étudiantes, de viol dans des couvents retirés ou de corruption.

Tigresse n’est pas un film sordide ; mais c’est assurément un film grave. Son héroïne est une femme en pleine crise. On aura compris que cette cage laissée ouverte est un acte manqué, un désir inconscient de Vera de libérer le fauve qui dort en elle. Heureusement la métaphore, qui serait vite devenue pesante, n’est pas poussée trop loin. Tigresse, une fois les caractères dessinés, raconte la traque de cette bête, d’abord dans la forêt qui entoure le zoo, puis dans la ville médiévale de Târgu Mureș où elle s’est glissée.

Pareil sujet aurait pu donner lieu à bien des traitements possibles. Le thriller, la comédie voire l’errance poétique ou métaphysique. Le réalisateur Andrei Tănase, dont c’est le premier film, choisit un juste milieu bien sage. Son film, inspiré d’un fait divers, dure une heure et vingt minutes à peine et ne contient guère de rebondissements. Cette modestie en fait le prix mais en limite aussi l’ambition.

La bande-annonce

Trap ★☆☆☆

Pour la féliciter de ses bons résultats scolaires, Cooper (Josh Hartnett), un honnête père de famille de la banlieue de Philadelphie, offre à sa fille deux billets pour le méga-concert de sa star préférée Lady Raven et, le jour venu, l’y accompagne. Il y comprend bientôt que la police, informée de la présence parmi les spectateurs d’un dangereux tueur en série, a déployé un impressionnant dispositif de sécurité pour l’y piéger.

M. Night Shyamalan fut, à ses débuts, le wonder kid du cinéma américain avec Sixième Sens, Incassable, Signes et Le Village. Ce nouveau maître du thriller a popularisé une recette éprouvée : un twist final renversant qui donne à toute l’histoire que le spectateur vient de voir un parfum différent et surprenant. Mais, depuis cet âge d’or, M. Night Shyamalan n’a jamais tout à fait retrouvé la même vista. Il a accumulé les échecs commerciaux et critiques (PhénomènesLe Dernier Maître de l’air, After Earth). Ses trois derniers films (Split, Glass, Old) restaurent son aura sans le réhabiliter tout à fait. Aussi, allait-on avoir avec une particulière impatience ce Trap, audacieusement vendu comme le croisement entre « un concert de Taylor Swift et Le Silence des Agneaux » et programmé au cœur d’un été bien avare en bonnes surprises.

Trap met face à face deux figures légendaires de notre temps : la rock star et le serial killer [on dirait que j’essaie de caser dans cette critique le plus d’anglicismes possibles]. On découvre bien vite – et on l’aura déjà découvert en regardant la bande-annonce – que l’affable Cooper, le si parfait père de famille, le si sympathique pompier toujours prêt à rendre service à son prochain, est en fait le tueur en série que la police recherche. L’action se déroule quasiment en temps réel. Elle a pour cadre le stade de Philadelphie où se déroule le concert de Lady Craven, un rôle interprété par la propre fille de M. Night Shyamalan qui poursuit une carrière de chanteuse solo.

Josh Hartnett, qu’on avait connu au tournant des années 2000, à peine sorti de l’adolescence, dans des personnages de jeunes bellâtres  (Virgin Suicides, Pearl Harbor, la Chute du Faucon noir), endosse avec un plaisir communicatif un rôle schizophrène. Il est en même temps un meurtrier machiavélique qui mobilise toute son intelligence pour se sortir du piège que lui a tendu la police et un père de famille enamouré, ravi de faire plaisir à sa fille et inquiet qu’elle découvre sa face cachée.

Cette ambiguïté est intéressante. Le film est construit sur elle, quelque part entre thriller asphyxiant et comédie familiale gentillette. Mais hélas, le pari n’est pas tenu. La recette ne marche pas. La faute peut-être à une erreur de scénario qui, dans son dernier tiers, quitte le stade où il aurait dû rester pour respecter l’unité de lieu. La faute surtout à un dénouement qui ne nous donne pas la scène qu’on attendait : la confrontation du père et de sa fille, négatif chimiquement pur d’Incassable qui, on s’en souvient, mettait en scène un agent de sécurité de Philadelphie découvrant, sous les yeux admiratifs de son fils, ses dons de super-héros.

La bande-annonce