Sidonie au Japon ★★☆☆

Sidonie Perceval (Isabelle Huppert) a accepté à contrecœur de se rendre au Japon pour la réédition de son premier livre. Son éditeur japonais (Tsuyoshi Ihara) l’y accueille, qui la cornaquera pendant tout son séjour. Sidonie a bien du mal à se faire à la politesse ouatée de ses hôtes. Son trouble grandit encore quand lui apparaît dans sa chambre d’hôtel le fantôme d’Antoine (August Diehl) son mari défunt.

« Martine au pays des cerisiers en fleurs », pardon « Sidonie au Japon », partait mal. Dès les premiers plans, l’irritation pavlovienne que suscitent en moi Isabelle Huppert, sa voix haut perchée, sa démarche de petit oiseau fragile sur le point de se briser, son visage lifté et ses mains tavelées, son incapacité à jouer autre chose qu’elle-même, a bien failli provoquer un « coup de gueule » homérique.

D’autant que je trouvais le film bien languissant. On n’y voyait qu’un Japon de carte postale, incluant les passages obligés dans ses hauts lieux touristiques : Kyoto, Nara, Naoshima…. Le sympathique fantôme d n’avait rien d’horrifique, ni rien d’émouvant, une sorte de Casper japonais à l’accent germanique. Je trouvais bien maladroite la juxtaposition des deux histoires d’amour que Sidonie vivait simultanément : celle de la lente acceptation du deuil de son mari et celle qui était en train de naître lentement avec son éditeur japonais.

Et puis lentement la sauce a pris. Il m’est difficile d’expliquer comment et de mettre des mots sur cette conversion. Lentement – et je ne répète pas cet adverbe pour souligner la longueur du film mais pour signifier que ce changement d’état ne fut pas pour moi la conséquence d’un événement précis – l’émotion m’a gagné. Pourtant le sujet de Sidonie au Japon m’est bien éloigné : j’ai la chance de n’avoir pas (encore) perdu d’être cher dont j’aurais été incapable de faire le deuil. Pour autant, j’imagine la puissance de ce sentiment-là et la douleur de s’en guérir.

Au Japon, Sidonie accepte de « laisser partir » Antoine. Et elle se rapproche de son éditeur. On me dira que cette conclusion est sans surprise – et je reproche, plus souvent qu’à leur tour, aux films leur fin prévisible. L’était-elle tant que ça ? Et surtout vous attendiez-vous à ce qu’elle prenne cette forme là, cette série de photos des deux amants qui soulignent la beauté et la fragilité de leurs corps nus ?

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Quelques jours pas plus ★★☆☆

Arthur (Benjamin Biolay), journaliste chez Libération, se voit confier par son directeur (Hippolyte Girardot) le soin de couvrir l’évacuation d’un camp de réfugiés sur le périphérique parisien. Il y rencontre Mathilde (Camille Cottin), une ancienne avocate, bénévole dans une ONG et accepte, dans la foulée, pour lui (com)plaire, d’accueillir, « quelques jours pas plus » un immigré afghan à son domicile.

Depuis quelques années, le cinéma français, sous convert d’engagement citoyen, se plaît à raconter le parcours éprouvant des immigrés qui frappent à nos portes et leur rencontre avec des Français ordinaires, brutalement dessillés par la découverte de cette humanité en détresse. Ce cinéma là a deux terres d’élection : Calais (Welcome, Ils sont vivants) et Briançon (Les EngagésLes Survivants, La Tête froide).

Quelques jours pas plus se déroule à Paris. Le détail a son importance. Il s’agit de la très fidèle adaptation par Julie Navarro du roman de son compagnon Marc Salbert, De l’influence du lancer de minibar sur l’engagement humanitaire (la signification du titre passablement déroutant s’éclaire vite si l’on explique que Arthur se voit confier la rédaction de cet article sur l’évacuation des réfugiés de la Porte de la Chapelle après avoir jeté un minibar depuis la chambre d’hôtel où son journal le logeait).

On pourrait dire de Quelques jours pas plus que c’est un hymne à l’hospitalité républicaine dégoulinant de bien-pensance. On n’aurait pas tort. Mais il serait injuste de n’en dire que ça. Certes, son sujet conformiste est de ceux qui provoquent le soutien pavlovien du CNC et des chaînes TV. Certes la comédie sentimentale dont le scénario est lesté, qui verra immanquablement le rapprochement des contraires, le bobo cynique et la pasionaria des prétoires, est téléphonée. Certes enfin l’histoire gentillette se déroule gentiment jusqu’à la conclusion prévisible, ni trop joyeuse ni trop désespérante, vers lequel le film n’avait d’autre choix qu’aboutir (le scénario de La Vie de ma mère , un film pour lequel j’ai eu la dent très (trop ?) dure, se conclut exactement dans les mêmes termes).

Pour autant, j’ai trouvé à l’exécution de ce film très quelconque un charme indéniable. La responsabilité en revient à ses deux acteurs, et plus particulièrement à Benjamin Biolay. Il n’a jamais eu la voix aussi grave ; il n’a jamais été aussi beau. Son rôle, à la frontière de la comédie, est d’une auto-dérision pleine d’ironie. Pendant longtemps, Benjamin Biolay était un chanteur qui tournait des films ; il est en train de devenir – ou peut-être l’était-il devenu depuis longtemps mais j’en prends conscience grâce à ce film – un acteur de cinéma qui, à ses heures perdues, pousse la chansonnette.

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Drive-Away Dolls ★☆☆☆

Jamie (Margaret Quilley) et Marian (Geraldine Wisvanathan) forment un duo désassorti. Autant Jamie est extravertie et libérée, autant Marian est timide et collet-monté. Le hasard les réunira pour une virée en Floride au volant d’une voiture de location dont le coffre se révèlera contenir deux paquets compromettants.

Les frères Coen font désormais bande à part. Le cadet, Ethan, a signé le scénario de Drive-Away Dolls avec sa femme, Tricia Cooke. Son action se déroule à la fin des années 90, à l’époque des films les plus célèbres des deux frères. Il leur fait d’ailleurs des clins d’oeil répétés.

C’est bien là la limite de ce film, sympathique par ailleurs : on a la fâcheuse impression de regarder un spin-off de Fargo ou de The Big Lebowski. Ethan Coen donne les deux rôles principaux à un couple de lesbiennes dépareillées dont on sait par avance qu’elles finiront immanquablement par se rapprocher. Le résultat est paradoxalement transgressif et puritain : Drive-Away Dolls met en scène des scènes de sexe explosives (ah ! l’équipe de foot féminine !) mais ne montre pas un bout de sein et se révèle finalement très sage.

Quant à l’histoire, c’est plus un prétexte qu’autre chose. La cavale des deux filles avec leur butin est l’occasion de les confronter à une variété d’interlocuteurs, notamment aux deux pieds-nickelés de mafieux qui sont à leur trousse.

On passe un moment agréable devant Drive-Away Dolls, notamment aux pitreries irrésistibles de Margaret Quilley – que je tiens depuis la série The Leftovers et sa pub pour Kenzo comme l’une des stars de demain. Mais on oubliera vite ce film condamné à être relégué parmi les oeuvres mineures des frères Coen.

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Et plus si affinités ★★☆☆

Xavier (Bruno Campan) et Sophie (Isabelle Carré) forment un couple vieillissant. Avec les années, le désir s’en est allé et, avec lui, la tendresse qui les unissait l’un à l’autre. Ce soir-là, la mauvaise humeur de Xavier, professeur de musique aigri, compositeur raté, est encore accrue par la décision que Sophie a prise : inviter à dîner Alban (Pablo Pauly) et Adèle (Julia Faure) leurs nouveaux voisins dont les retentissants ébats nocturnes les réveillent chaque nuit.

Aimez-vous le théâtre de boulevard ? celui qu’on regardait jadis à la télévision, avec les décors de Roger Harth et les costumes de Donald Cardwell ? celui qui a disparu des petits écrans mais survit toujours à Paris et – si la pièce y a marché – en tournée en province ? celui qui mettait en scène, dans des appartements bourgeois, des couples joyeusement infidèles ? Alors courez voir cette pièce de théâtre filmé qui coche toutes les cases du genre : l’unité de temps, de lieu et d’action (l’histoire se déroule tout entière le temps de ce repas entre voisins), mais surtout le comique de situation et l’alignement pétaradant des bons mots.

Quant aux autres…. à ce stade, vous pourriez penser, cher lecteur, que ma critique s’arrêterait ici. Mais avec votre oeil de lynx, vous avez déjà constaté qu’elle comptait encore deux paragraphes. C’est le signe donc que cette comédie n’est pas à jeter, qu’elle pourra séduire au delà du cercle – réduit et vieillissant – des nostalgiques de Au théâtre de ce soir.
Car, il faudrait être sacrément bégueule pour ne pas avoir ri une seule fois devant ce film-là – même si, comme souvent hélas, les meilleures punchlines sont dans la bande-annonce. Et sacrément insensible pour ne pas avoir été touché par le couple égrotant que forment Xavier et Sophie.

Voici donc, une fois reformulée, ma recommandation : sauf à être absolument allergique au théâtre de vaudeville, courez voir Et plus si affinités !

PS : Une réplique m’a brisé le cœur : « 24 ans »

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