Louis XVI (Guillaume Canet), discrédité par sa tentative avortée de fuite à l’étranger l’année précédente, chassé des Tuileries trois jours plus tôt, bientôt déchu de tous ses titres, est emprisonné au Temple le 13 août 1792. Il y restera jusqu’à son exécution cinq mois plus tard. Ont été seuls autorisés à demeurer auprès de lui sa femme, Marie-Antoinette (Mélanie Laurent), qui désespère de la docilité de son époux, sa sœur cadette Madame Elisabeth (Aurore Broutin), confite en dévotion, ses deux enfants, Louis et Marie-Thérèse, et son fidèle valet Cléry (Fabrizio Rongione)
L’Italien Gianluca Jodice évoque une page bien connue de l’histoire de France, celle de l’emprisonnement de Louis XVI, de son procès et de son exécution. On sait quelles critiques s’est attirées le Britannique Ridley Scott pour oser s’être emparé de la figure de Napoléon et on voit ici ou là, même si ce film-ci a moins d’écho que ce film-là, fleurir le même genre de reproches xénophobes à l’encontre du Déluge.
Ces critiques sont bien injustes. Depuis quand reproche-t-on à un réalisateur sa nationalité ? D’autant que Gianluca Jodice se sort fort bien d’un sujet piégeux. On en connaît par avance l’issue. Le scénario doit par conséquent utiliser d’autres ficelles que celle d’un suspense inexistant. Ici il repose sur une tension : non tant celle qui oppose les prisonniers à leurs geôliers qu’une double tension au sein même de ces deux groupes.
D’un côté les geôliers avec, d’une part, incarné par le gardien de la famille royale, la vulgarité et la furie vengeresse de la populace qui entend se venger sur Louis XVI et sa famille de la misère crasse dans laquelle elle a vécu depuis des générations ; et d’autre part, incarnée par le jeune procureur, pourtant imbu de l’idéologie révolutionnaire, la pitié qu’inspire le commerce quotidien avec des prisonniers réduits au plus strict dénuement.
De l’autre côté la famille royale. On a dit beaucoup de mal de Guillaume Canet et de son maquillage empesé. Je trouve tout au contraire qu’il s’est parfaitement glissé dans le personnage. Il incarne à la perfection un benêt perdu dans un costume trop grand pour lui, tentant tant bien que mal d’opposer sa piété et son optimisme à la perspective quasi-certaine de sa mort prochaine. Face à lui, Marie-Antoinette est autrement plus lucide. Mélanie Laurent la fait vibrer d’une énergie désespérée. On est loin des frivolités sucrées filmées par Sofia Coppola. Il faut reconnaître que les sombres cachots du Temple ne se prêtent guère à la luxure. La reine se lamente de la myopie de son mari qui, en retour, ne sait que lui opposer la sincérité de l’amour qu’il lui porte. Un regret : le silence de Madame Elisabeth qui, on le sait, a eu un rôle funeste dans les décisions politiques de son frère.
Gianluca Jodice a fait le pari de la stylisation et du minimalisme. Aucune scène de foule dans cette histoire qui s’y serait pourtant prêtée. On ne verra ni le procès du Roi, ni son exécution. Le film se déroule tout entier au Temple, dont les alentours bucoliques font oublier qu’il se situe aujourd’hui en plein Paris. On ne voit quasiment pas un rayon de soleil dans cet automne sépulcral baigné d’une lumière blafarde. On a beau en connaître la conclusion, ce huis-clos étouffant n’en demeure pas moins passionnant.