
En plein été, Suzanne (Juliette Armanet) débarque sans crier gare chez sa sœur Jeanne (Camille Cottin) et repart le lendemain matin en lui abandonnant ses deux enfants, Gaspard, dix ans, et Margaux, six ans. Jeanne s’inquiète de la disparition de sa sœur et essaie sans succès d’en alerter la gendarmerie qui refuse de l’aider. Elle renâcle à assurer la garde de son neveu et de sa nièce et recherche auprès de Nicole (Monia Chokri) dont elle vient de se séparer un peu d’assistance.
Ces temps ci, on voit fleurir les films qui interrogent la maternité. Qu’est-ce qu’être mère nous demandent-ils ? Qu’est-ce qu’être mère quand on ne l’est pas dans le couple recomposé des Enfants des autres ou dans le couple lesbien de Des preuves d’amour ? Qu’est-ce qu’être mère quand on ne le veut pas nous interroge le fascinant docufiction de Romane Bohringer que je chroniquerai demain et qui aurait mérité ex aequo le prix de meilleur film de la semaine ? Qu’est-ce qu’être mère quand on ne le peut pas nous demande le dernier film des frères Dardenne Jeunes Mères ? Qu’est-ce qui différencie une bonne mère d’une mère toxique nous demandent les figures écrasantes de Reine mère ou de Ma mère, Dieu et Sylvie Vartan ? Il y aurait un article voire un livre à écrire sur le traitement de la figure maternelle au cinéma.
Le jeune réalisateur Nathan Ambrosioni a le mérite de traiter ce sujet rebattu sous un angle inattendu. Jeanne la quarantaine vient de divorcer. Elle était en couple avec Nicole et leur séparation a précisément pour cause un désir contrarié d’enfant : Nicole en voulait et Jeanne n’en voulait pas. Et, coup du sort, c’est précisément à Jeanne qu’en incombe brutalement la responsabilité de deux d’un coup. Elle ne sait pas faire ; elle ne veut pas faire. Une telle situation aurait pu susciter des développements cocasses. Mais Les enfants vont bien est dénué de tout humour – à une époque où la société se sent obligée d’en saupoudrer partout.
C’est sur le mode dramatique que le sujet est traité. Du point de vue de Jeanne, doublement désemparée par la disparition inexpliquée sinon inexplicable de sa sœur et par la lourde responsabilité qui lui échoit. Et du point de vue des enfants – dont le jeu exempt de tout cabotinage leur a valu une mention spéciale du jury au festival d’Angoulême – culpabilisés par l’abandon de leur mère et rétifs à l’autorité de leur tante.
Le film évoque le sujet dans sa globalité sans jamais charger la barque. Il en évoque les dimensions juridiques et ses apories grâce à Frankie Wallach (devenue célèbre grâce aux publicités d’EDF) : l’impossibilité de lancer une enquête pour la disparition non suspecte d’un majeur, la nécessité pour autant d’une reconnaissance de justice lui retirant l’autorité parentale afin notamment de permettre l’inscription des enfants à l’école.
Camille Cottin y est magistrale. L’actrice a gagné en maturité, en épaisseur. On est loin de Madame Connasse et de ses provocations border line. Sa légitimité en actrice dramatique ne fait plus aucun doute. Je lui aurais bien promis le César 2026 de la meilleure actrice ; mais j’apprends qu’elle présidera la cérémonie et je ne suis pas sûr que cette fonction la disqualifie de recevoir une statuette.