F1® le film ★★☆☆

Sonny Hayes (Brad Pitt) fut dans sa jeunesse un espoir de la F1, en route vers un titre mondial, avant qu’un accident ne vienne briser sa carrière. Mais il est revenu à l’anonymat, vit dans son van et ne participe plus guère qu’à quelques courses quand Ruben (Javier Bardem), son équipier du temps jadis, vient le convaincre de rempiler pour aider l’écurie qu’il dirige, classée bonne dernière, et mettre le pied à l’étrier de son jeune rookie (Damson Idris).

F1 aura été le blockbuster de l’été 2025, dépassant les six cents millions de dollars de recettes dans le monde et les trois millions de spectateurs en France.

Cet engouement était-il justifié ? À mon avis, oui et non.

F1 nous en donne pour notre argent. Le tycoon hollywoodien Jerry Bruckheimer a obtenu une wild card pour filmer directement de l’intérieur les grands prix de Silverstone et d’Abu Dhabi. Il s’est adjoint un faiseur consciencieux, Joseph Kosinski (Tron: Heritage, Oblivion, Top Gun: Maverick…), un musicien de légende, Hans Zimmer (en fermant les yeux, on se croit parfois dans Gladiator !) et un casting cosmopolite pour mettre en valeur « l’homme le plus sexy du monde ».

J’ai nommé Brad Pitt, 61 ans au compteur, mais pas un poil de graisse, des tatouages de bad boy et un sourire à faire fondre la ménagère de l’Iowa et de la Creuse. Il cabotine délicieusement pendant les 2h35 du film

Les principales limites de F1 tiennent à son cahier des charges corseté. On en sait dès le début chacune des étapes – même si je n’avais pas prévu le vainqueur du dernier Grand Prix. On sait par avance que Brad Pitt soldera les comptes de son passé et pavera pour son coéquipier le chemin de l’avenir… sans oublier de conquérir le cœur de la directrice technique de l’écurie (on notera pour s’en féliciter qu’elle a quand même la quarantaine). Ses partenaires sont réduits à de pâles caricatures : le coéquipier encore un peu tendre, le vieil ami fidèle, le traître de comédie ourdissant les plus veules trahisons, la directrice technique susmentionnée qui a pour le héros tellement séduisant les yeux de Chimène…

F1 est un film hyper-testostéroné, portant aux nues les valeurs virilistes, qui échouerait lamentablement au test de Bechdel. Sans doute ce catalogue de défauts devrait-il conduire logiquement à sa plate condamnation. Pour autant, il serait malhonnête de nier le plaisir qu’on a pris à le regarder. le scénario bien rythmé tient la durée avec une alternance de scènes de circuits fast and furious et de scènes plus intimistes ; ses images immersives à 300 km/h au ras du macadam sont à couper le souffle ; les caméos des meilleurs conducteurs du circuit sont autant de clins d’œil – à condition, ce qui n’est pas toujours mon cas, de savoir reconnaître Verstatten, Hamilton ou Leclerc. Bref un film old school où on ne s’ennuie pas.

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Sister Midnight ★★☆☆

Uma vient de se marier. Elle s’installe à Mumbai chez Gopal, son mari, dans son minuscule logement. Les deux époux se connaissent à peine et sont aussi empruntés l’un que l’autre. Le silence et les absences de Gopal, qui quitte le foyer à l’aube pour aller travailler et y revient ivre mort au milieu de la nuit, laissent Uma désemparée.

Le festival de Cannes 2024 a décidément fait la part belle au cinéma indien conjugué au féminin. Après All we imagine as Light, Grand prix du jury, après Santosh, succès surprise du box-office de l’été dernier, après The Shameless, prix d’interprétation féminine de la section Un certain regard, Sister Midnight vient compléter ce portrait kaléidoscopique de la femme indienne moderne.

Comme Renuka, l’héroïne de The Shameless, comme Santosh, la jeune policière du film éponyme, comme les trois personnages féminins de All we imagine as Light, Uma subit un système patriarcal qui ne lui laisse guère de liberté. Sa place est au foyer, destinée à attendre le retour de son mari après lui avoir préparé un bon repas et avoir pris soin de son intérieur. Mais Uma est incapable de cuisiner et a peu de goût pour le balai.

L’originalité de Sister Midnight réside dans l’expression que prend la révolte d’Uma et la façon dont le réalisateur Karan Kindhari – indien né au Koweït et installé au Royaume-Uni – la filme. Il aurait pu choisir, comme dans The Shameless le thriller ou, comme dans All we imagine as Light, le drame intime. Il prend une voie plus originale, dont on ne peut pas dévoiler grand chose sauf à se priver de la surprise que son lent dévoilement procure. Le script du film est à ce titre remarquable qui réussit à ménager ses effets et à éviter – vice commun à nombre de scénarios construits autour d’une révélation étonnante – que le film soit coupé en deux entre un avant et un après.

Il y parvient avec un montage très original qui multiplie les ellipses et laisse suspecter une action qui se déroule hors champ. Il y parvient aussi grâce au jeu burlesque et quasiment muet de ses acteurs. Il n’y a aucune parole échangée pendant les dix premières minutes du film et guère plus le reste du temps. À noter enfin la musique volontairement décalée qui mélange hard rock, blues et soul cambodgienne.

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Sous hypnose ★☆☆☆

André et Vera sont deux jeunes startuppers suédois qui ont développé une application destinée à améliorer la santé féminine dans les pays en développement. Ils doivent en faire la présentation devant un parterre d’investisseurs et s’y préparent en suivant un stage avec d’autres développeurs. Pour s’arrêter de fumer, Véra a suivi une séance d’hypnose. Mais ses résultats se révèlent déconcertants.

On voit émerger au cinéma un néologisme. « Östlundien » désigne un film qui défie les convenances et suscite un rire gêné. La mode en a été lancée par les films de Ruben Östlund, notamment par ses deux Palmes d’or The Square en 2017 et Sans filtre en 2022. Ces deux éminentes récompenses nous disent beaucoup du monde dans lequel nous vivons, des conventions qui l’étouffent comme de la rage destructrice avec laquelle nous essayons de nous en libérer. Ces temps-ci, on voit se multiplier les films östlundiens : ceux de Quentin Dupieux et, au premier chef, son dernier, L’Accident de piano, l’autrichien Peacock (qui s’inscrit dans la veine des non moins östlundiens Ulrich Seidl et Jessica Haussner), voire le dernier film de Roman Polanski The Palace.

Les films östlundiens mettent mal à l’aise. C’est d’ailleurs leur but. J’ai trop souvent évoqué mes réserves à l’égard des feel-good movies, et j’ai suffisamment répété que le cinéma n’avait pas pour vocation de nous faire du bien, pour m’en plaindre. Sous hypnose met mal à l’aise, provoquant un rire gêné devant l’outrance de certaines situations. Comme la pâtisserie, le genre est affaire de dosage. À partir de quand le malaise au cinéma devient-il malaisant ?

Le problème de Sous hypnose est d’avoir dépassé cette limite. Les outrances de Véra sont d’abord amusantes ; elles deviennent bientôt embarrassantes ; elles finissent par être lassantes. Le problème aussi est qu’elles ne riment à rien, sinon à exprimer un malaise dont on a vite fait le tour avec un « système » formaté dont le procès a déjà été mille fois instruit.

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Cloud ★☆☆☆

Ryosuke achète en ligne des produits qu’il débusque à bas prix et, profitant des effets de mode, les revend avec une marge confortable. Les profits qu’il tire de ces transactions le conduisent à démissionner de son emploi, dans une usine, à quitter la chambre minuscule qu’il occupait à Tokyo, et à s’installer avec sa fiancée dans une immense maison à la campagne.

Sortent coup sur coup en France trois films de Kiyoshi Kurosawa : Chime le 28 mai, Cloud le 4 juin et La Voie du serpent le 3 septembre. Les sentiments mitigés que m’avait inspirés Chime m’ont conduit à retarder le visionnage de Cloud. Tout bien considéré, j’aurais dû y renoncer tant ce film m’a déplu.

J’ai trouvé son installation très poussive. On a tôt fait de comprendre les petits trafics auxquels se livre Ryosuke et on n’a pas besoin qu’ils nous soient expliqués  pendant plus d’une demi-heure. Le film prend ensuite un tour différent dans la maison reculée où Ryosuke s’est installé et a recruté un assistant. Des clients mécontents manifestent en ligne leur insatisfaction, exigent d’être remboursés, crient vengeance. Cette menace virtuelle devient vite bien réelle. Ryosuke doit se défendre contre de dangereux assaillants qui attaquent sa maison.

Dans sa seconde partie, Cloud se réduit à une longue course poursuite. Elle s’achève par un interminable jeu de cache-cache dans une usine désaffectée. L’exercice ne présente aucun intérêt sinon celui de s’amuser à deviner qui sera l’ultime survivant de cette tuerie à la Reservoir Dogs.

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Voyage au bord de la guerre ★☆☆☆

Alors que la Russie vient d’attaquer l’Ukraine, Antonin Peretjatko entreprend en mai 2022 un voyage au pays de son grand-père. Il traverse l’Europe avec Anton, un ami ukrainien réfugié en France, à bord d’une voiture chargée d’effets et de vivres. Il filme son odyssée avec une antique caméra Bolex 16mm.

Antonin Peretjatko a fait partie il y a une dizaine d’années, avec Justine Triet, Guillaume Brac  ou Yann Gonzalez, de la nouvelle Nouvelle vague française, signant de petites comédies loufoques filmées avec deux bouts de ficelle avec Vincent Macaigne ou Vimala Pons comme acteurs fétiches. Chacun a creusé son sillon : Justine Triet est devenue la star que l’on sait avec sa Palme d’or pour Anatomie d’une chute, Guillaume Brac a enchaîné des films rohmériens minuscules et délicats, Yann Gonzalez a assumé le cinéma queer d’une réalité fantasmée.

Antonin Peretjatko semble, à cinquante ans passés n’avoir pas encore trouvé sa voie ou, pour le dire positivement, refuse de s’enfermer dans un genre. La Loi de la jungle avec Vincent Macaigne et Vimala Pons louchait vers le burlesque ; La Pièce rapportée avec Anaïs Demoustier et Philippe Katerine était un vaudeville assumé. Ce Voyage est un pas de côté qui n’avait pas nécessairement vocation à trouver un chemin en salles. Il a d’ailleurs mis plusieurs années à y arriver.

Il ne nous apprendra rien sur la guerre en Ukraine qu’on ne sache déjà ou qu’on ait déjà vu sur la brutalité de l’invasion russe, sur l’ampleur des destructions infligées et sur la résilience du peuple ukrainien. Le point de vue de Peretjatko est éminemment personnel et subjectif. Le parti pris n’est pas celui de la dramatisation ou de l’émotion mais au contraire de la légèreté teintée d’humour. Etait-ce le plus approprié pour traiter de cette guerre ?

Le film est précédé d’un court métrage intitulé Cinq minutes en Russie. Peretjatko y montre quelques images de sa traversée de la Russie en Transsibérien. Paradoxalement, on aurait aimé que ces cinq minutes-là durent plus longtemps et que le film mette en miroir ces deux voyages des deux côtés de la ligne de front qui sépare désormais ces peuples frères.

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My Stolen Planet ★★☆☆

Farahnaz Sharifi est née en 1979 en Iran au moment même de la chute du régime du Shah et de l’arrivée au pouvoir d’une théocratie autoritaire. Elle y a grandi, y a fait des études de cinéma et n’en est partie qu’en 2022 pour l’Allemagne dont elle n’est jamais revenue.  Obsédée par les images, elle en a collecté de toutes sortes, des photos, des films Super 8 tournés par des familles qui souvent ont pris le chemin de l’exil. Ces images, confisquées par la police et revendues à la sauvette, révèlent « l’autre planète » des Iraniens, celle qui leur a été dérobée et qu’ils habitaient en cachette, dans l’intimité de leurs foyers, loin du regard panoptique des pasdarans.

Son documentaire autobiographique instruit le procès du régime des mollahs et de l’oppression qu’il fait subir aux femmes, étouffées derrière leur tchador. Il évoque les figures courageuses de ce combat : celle oubliée de Homa Darabi, qui s’est immolée par le feu en 1994, après avoir déchiré le foulard qu’elle portait, et celle désormais mondialement connue de Mahsa Amini, dont la mort en septembre 2022, a lancé le mouvement « Femme, Vie, Liberté ».

Oscillant sans cesse entre le particulier et l’universel, entre l’histoire de sa vie privée et la condition féminine en Iran, My Stolen Planet est particulièrement convaincant. Il l’est autrement plus que Lire Lolita à Téhéran qui m’avait tellement déçu. L’accuserait-on d’être tendancieux, on verrait mal ce qu’il y a à dire pour défendre un régime qui bâillonne les femmes, qui appelle au crime, qui distille la haine et qui espérons-le, finira bien un jour par tomber.

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Les mots qu’elles eurent un jour ★★☆☆

En 1962, Yann Le Masson, un documentariste français, compagnon de route du FLN, a filmé une quinzaine d’Algériennes qui venaient d’être libérées de prison après une loi d’amnistie. Elles avaient été arrêtées et condamnées pour leur participation à la lutte pour l’indépendance. Ces images, longtemps égarées, ont été retrouvées, mais leur son a disparu à jamais. Raphaël Pillosio est parti sur les traces des survivantes pour reconstituer ce moment.

Les mots qu’elles eurent un jour est un documentaire sorti dans quelques rares salles parisiennes en juin dernier et vite déprogrammé faute de spectateurs. Il n’en valait pas moins le détour.

C’est un documentaire historique qui prend des airs d’enquête policière. Le genre exégétique est à la mode : qu’on pense au roman à succès d’Anne Berrest La Carte postale ou au film de Zeibou Breitman Le Garçon. Tout part de la découverte d’un document, d’une photo, d’une archive qui excite la curiosité de celui qui le découvre et qui n’a alors de cesse d’en reconstituer la généalogie.

Cinquante ans après les faits, Raphaël Pillosio se heurte à plusieurs obstacles prévisibles : bon nombre de survivantes sont mortes – si j’ose dire ; la mémoire des rares témoins oculaires est vacillante. À force de patience, il parvient néanmoins à identifier la plupart des personnages et à retrouver leurs traces.

Le bilan est amer. L’engagement de ces femmes pour l’indépendance n’a pas été payé de retour. L’égalité à laquelle elles aspiraient leur a été déniée. La plupart ont été sommées par le FLN de rentrer dans le rang et de retourner à l’invisibilité qu’elles n’auraient jamais dû quitter. Celles qui n’ont pas accepté ce sort ont dû prendre le chemin de l’exil.

Dès lors, la démarche de Raphaël Pillosio prend une autre dimension. Il s’agit de redonner la parole à ces femmes deux fois condamnées au silence : par la perte du son de ce documentaire et par la relégation dont elles ont été victimes.

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Stranger Eyes ★☆☆☆

Une petite fille est kidnappée, laissant ses parents fous d’inquiétude. Quelques mois plus tard, ils reçoivent des images volées par une caméra cachée, épiant les moindres gestes de leur vie privée. Leur auteur se révèle être un voisin qui vit seul avec sa mère aveugle.

Nous vient de Singapour un petit film étonnant dont on se demande – et dont je me demande encore – à quel genre il ressortit. S’agit-il d’un film policier, comme son pitch, son affiche et son titre l’annoncent ? Ou est-ce plus que cela ? Il s’inscrit prétentieusement dans la filiation du Fenêtre sur cour de Hitchcock. Pari osé et écrasant. Il ne se hisse pas bien sûr à son niveau. Mais il en a la même structure. Sa trame policière n’est que le prétexte à autre chose, comme dans le célèbre film du « maître du suspense ».

À autre chose ? Oui… mais à quoi ? Stranger Eyes ne cesse de nous déconcerter. Nous est très vite révélé l’auteur des mystérieux DVD déposés en cachette sous la porte du couple éploré, alors qu’on aurait pu légitimement penser que son indentification consisterait tout l’enjeu de l’enquête. Dès lors, le film prend un autre tour : il quitte le couple pour s’intéresser à ce mystérieux voyeur qui travaille dans un supermarché dont il a la charge de la sécurité. Puis, tout aussi soudainement, l’enfant disparu est retrouvé. Le film est-il terminé ? Non. C’est là que commence son dernier tiers, qui explique les motifs du comportement de ce mystérieux voisin.

J’en ai sans doute trop dit et on pourra légitimement me reprocher ce divulgâchage. Mais hélas, mis à part cette structure bizarre, qui ne respecte pas les canons du genre, Stranger Eyes n’a pas grand intérêt. En tous cas, la soi-disant mise en abyme de nos sociétés panoptiques où rien n’échappe aux caméras de surveillance est un sujet trop éculé pour justifier à lui seul l’intérêt.

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Jardin d’été (1994) ★★☆☆

Trois garçonnets se lient d’amitié avec un vieux monsieur solitaire.

Shinji Somai est un réalisateur japonais décédé en 2001 à cinquante-trois ans à peine. Un seul de ses films est sorti en France de son vivant, Typhoon Club. Le distributeur Survivance a décidé d’en sortir d’autres : Déménagement fin 2023 et ce Jardin d’été dont la sortie coïncide avec une rétrospective organisée à la Maison de la culture du Japon à Paris consacrée à l’oeuvre de Shinji Somai.

Son cinéma n’a pas pris une ride, même si le grain du 16mm lui donne une patine dont nous avons perdu l’habitude. En particulier le cadrage de Jardin d’été, vieux de plus de trente ans, est d’une étonnante modernité.

Jardin d’été évoque un sujet grave à hauteur d’enfant : la mort. La grand-mère de l’un des trois héros vient de mourir. L’événement les sidère et les fascine. Sa mort les conduit à se rapprocher d’un vieillard excentrique qui, à leur contact, retrouve goût à la vie et leur raconte sa vie et le lourd secret qui l’étouffe

Jardin d’été est un film estival, comme l’était (!) à sa façon L’Eté de Kikujiro qui lança, sur un contre-sens, la carrière de Kitashi Kitano en France à la fin des années 90, laissant penser que cet acteur-réalisateur de petits films noirs et violents était un poète élégiaque. Jardin d’été baigne dans une atmosphère ensoleillée et joyeuse. Tout y est léger, même la mort qui finit toujours, comme on le sait hélas, par nous rattraper.

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Reflet dans un diamant mort ★☆☆☆

Un agent secret à la retraite (Fabio Testi) finit ses jours dans un palace italien au bord de la mer. La disparition de sa voisine de chambre fait resurgir ses vieux démons. Il se remémore ses missions passées et son combat avec la mystérieuse Serpentik.

Hélène Cattet et Bruno Farzani forment un duo à part dans le cinéma français. Français ou peut-être belge car c’est en Belgique que les deux étudiants en école de cinéma se sont rencontrés au début des années 2000, vivent et travaillent aujourd’hui. Leurs films – Reflet… est leur quatrième long – sont des prouesses visuelles à l’esthétique immédiatement reconnaissable. En témoignent les affiches rétro des trois précédents.

Voilà la critique que je faisais de leur film précédent, sorti en 2017, adapté d’un polar de Jean-Patrick Manchette : « Laissez bronzer les cadavres est une accumulation hyper stylisée de plans saisissants de beauté. Pris isolément, chacun est une merveille. Mais montés ensemble, ils ne font guère sens. Si bien qu’après une demi-heure où l’on s’extasie devant tant d’originalité formelle, on s’ennuie ferme et on perd tout intérêt à ce jeu de massacre où s’empilent métronomiquement les cadavres. »

Je pourrais la réécrire à l’identique. Cattet & Farzani font avec les films de James Bond ce qu’ils avaient fait précédemment dans Laissez tomber les cadavres avec les romans noirs : utiliser un genre essoré, le tordre, le briser et le réinventer à leur façon. L’entreprise n’est pas inintéressante. On imagine les débats qu’elle susciterait parmi les étudiants d’une promotion de la Fémis. Mais le résultat pourtant diablement imaginatif laisse sur le bord du chemin le spectateur qui, bien penaud, comme celui de Laissez tomber les cadavres, se sent un peu oublié.

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