Family Therapy ★☆☆☆

Aleksander et Olivia habitent une villa ultra-moderne au cœur de la forêt slovène. Leur fille Agata y vit avec eux pour des motifs qui se révèleront progressivement. Aleksander a eu avant son mariage un fils, Julien (Aliocha Schneider), qui a grandi en France et qui revient s’installer temporairement chez son père.

Family Therapy nous vient de Slovénie. Vérification faite, ce n’est pas le premier, mais le second film slovène que j’aie jamais vu. J’avais bien aimé Conséquences en 2019 sur une jeunesse délinquante, en mal d’affection et de repères.

Family Therapy est un film radical qui rappelle, par la sécheresse de son dispositif, les premiers films de Yorgos Lanthimos (Canine, Alps…). Il met en scène une famille vivant quasiment en autarcie, progressivement étouffée par ses névroses : Aleksander rêve de s’envoler dans l’espace, Olivia cache sa frustration sexuelle, Agata aspire à renouer avec l’adolescence insouciante que la maladie lui a volée… Ce fragile équilibre familial est peu à peu perturbé par des facteurs extérieurs : une famille de touristes qui lui demande de l’héberger après un accident automobile, ce fils prodigue, beau comme le héros de Théorème

L’atmosphère bizarre de Family Therapy est dans un premier temps intrigante. Mais Sonja Prosenc n’a pas su tirer profit du dispositif stimulant qu’elle a mis en place. La seconde partie de son film, avec sa réception mondaine qui rappelle les films de Ruben Östlund, ne tient pas les promesses de la première.

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Lumière pâle sur les collines ★★☆☆

Etsuko, la cinquantaine, vit dans les années 80 dans la campagne anglaise et vient d’y mettre en vente sa maison. Sa fille Niki vient passer quelques jours chez elle. C’est l’occasion pour les deux femmes de revenir sur le passé de Etsuko qui a grandi à Nagasaki, y a connu l’explosion de la bombe atomique, s’y est mariée et est tombée enceinte au début des années cinquante d’un premier enfant. À Nagasaki, Etsuko s’est liée d’amitié avec une femme, Sachiko, qui a élevé seule son enfant et s’est apprêtée à quitter le Japon pour les Etats-Unis.

Lumière pâle sur les collines est le premier roman de Kazuo Ishiguro, un immense écrivain britannique d’origine japonaise, passé à la postérité pour Les Vestiges du jour (porté à l’écran par James Ivory au début des années 90) et couronné par le Prix Nobel de littérature en 2017. Le roman, pourtant fort bref, est d’une grande complexité. Il multiplie les allers-retours entre le temps présent – la campagne anglaise du début des années 80 – et le Japon de l’immédiat après-guerre qui peine encore à se relever de l’apocalypse nucléaire. Il joue aussi avec les apparences, laissant planer un doute sur la réalité des personnages qui ne sont peut-être que les doubles fantasmés les uns des autres.

Kei Ishikawa avait déjà réalisé en 2022 A Man, un film déconcertant qui lui aussi mettait en scène des personnages aux identités floues. Il se frotte ici à l’adaptation jugée impossible d’un roman d’une grande élégance qui explore de nombreuses pistes : le deuil par le Japon de sa grandeur impériale, sa douloureuse reconstruction, les aspirations à un nouveau départ d’une femme mal mariée, la culpabilité de cette même femme au crépuscule de sa vie…..

Lumière pâle sur les collines est un film métisse, comme l’auteur du roman qui l’a inspiré. C’est un film à cheval entre le Japon et l’Angleterre. Sa facture peut surprendre. Sa beauté – et celle de ses acteurs – peut sembler très artificielle. Autre écueil : l’incompréhension face à un scénario qui ne livre pas spontanément ses clés.

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Bonjour la langue (impromptu) ☆☆☆☆

Charles (Paul Vecchiali), un nonagénaire, voit débarquer à l’improviste chez lui à Draguignan, son fils Jean-Luc (Pascal Cervo) dont il n’avait plus de nouvelles depuis six ans. Les deux hommes dialoguent à bâtons rompus.

Paul Vecchiali est un grand cinéaste français qui a commencé sa carrière au début des années soixante et aura réalisé une trentaine de longs métrages. Il est décédé en janvier 2023, quelques jours à peine après avoir achevé le montage de son dernier film. Aussi le respect dû à sa mémoire devrait-il nous inspirer un peu de mansuétude.

Mais hélas, sorti de ce contexte funéraire, Bonjour la langue ne vaut pas tripette. J’avais déjà eu la dent (très) dure avec son antépénultième film sorti en 2020, Un soupçon d’amour.

Bonjour la langue, dont le titre prend le contre-pied de celui du dernier film de Godard, Adieu au langage, semble être l’ultime désir de cinéma d’un réalisateur que son producteur n’a pas voulu contrarier. Il a été tourné dans le jardin du vieil homme au Plan-de-la-Tour dans le Var. Il n’a pas dû coûter grand-chose : une journée de tournage à peine, deux acteurs (et un troisième qui fait une courte apparition), trois décors, une caméra fixe.

Pascal Cervo donne la réplique au maître. Il fut l’un de ses acteurs fétiches, à l’affiche de plusieurs de ses films. Les deux hommes sont donc liés par une profonde amitié. Mais cela suffit-il à faire un film ? Leur dialogue n’était pas écrit. Il est largement improvisé. Ils se coupent la parole, parlent, parlent, au point de nous donner le tournis. Une révélation ouvre la dernière scène. Le film a la politesse de se terminer au bout d’une heure vingt. C’est sa seule qualité..

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Hors-service ★☆☆☆

Cinq (ou six) anciens fonctionnaires qui viennent de quitter leur emploi se retrouvent dans un hôpital désaffecté : un policier, une enseignante, une anesthésiste, une magistrate, un postier. Ils y partagent leur amertume sur le travail qu’ils ont dû abandonner faute de moyens suffisants pour le mener à bien, souvent brisés physiquement et psychiquement.

Hors-service instruit le procès de la casse du service public. Les griefs sont bien connus : les grands services publics (l’école, la Justice, la police, l’hôpital…) sont désormais régis par une logique managériale au détriment tant des usagers qui bénéficient d’un service public dégradé que des fonctionnaires soumis à une logique de rentabilité. Ceux-ci sont désormais placés dans une situation intenable : satisfaire aux critères de performance qui leur sont imposés par leur hiérarchie au risque de sacrifier leurs administrés.

Ce procès hélas n’a rien de nouveau. Il est régulièrement instruit depuis une quarantaine d’années au nom du dépenser moins, du dépenser mieux.

Le documentaire de Jean Boiron-Lajouis vise juste à s’attaquer à ce sujet-là. Mais il vise mal avec un parti pris de mise en scène déconcertant. Il a en effet choisi de rassembler ses protagonistes dans un non-lieu, dans un hôpital désaffecté qu’ils réhabilitent lentement dans le but utopique d’en faire un lieu d’accueil pour d’anciens agents publics en rupture de ban.

Tel est le fil rouge médiocrement crédible de Hors-service qui se réduit vite à de longs dialogues. Pour en rompre la monotonie, le scénariste a proposé à chacun des protagonistes de reconstituer dans une pièce son ancien bureau et d’y rejouer les gestes de sa vie quotidienne. Mais cet artifice particulièrement scolaire ne suffit pas à sortir le film de la lente spirale dans laquelle il s’enfonce : le remâchement d’une déception professionnelle. Sans doute, cet échange aura-t-il permis aux protagonistes de retrouver entre eux un peu de l’estime de soi qu’ils avaient injustement perdue. Mais, faute d’ouvrir des perspectives, ce procès à charge, qui ne laisse pas la parole à l’autre partie, se résume à une ennuyeuse psychanalyse de groupe dont le spectateur se sent exclu.

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Sous tension ★★☆☆

Costas, la trentaine, vit toujours chez sa vieille mère. Il a trouvé un poste d’agent de sécurité à l’hôpital. Il a une fiancée, plus jeune que lui, qui termine ses études à l’université, et un frère, qui élève seule une petite fille que Costas adore.

Sous tension nous vient de Grèce. Son titre original est Wishbone, qu’on aurait pu traduire « furcula » ou « os de la chance ». C’eût été aussi hasardeux que le titre finalement retenu, qui n’a aucun sens.

Sans sirtaki ni ciel bleu, Sous tension se déroule dans les décors anomiques d’une grande ville (Athènes ?) en hiver. On pense aux cinémas roumain ou iranien, à leurs héros, des « Mr Nobody » écrasés par un destin qui les broie.

Costas est pris dans un engrenage dont il ne trouve pas l’issue. Pour payer les dettes contractées par son frère et éviter que la maison hypothéquée de sa mère soit saisie, il doit accepter un marché sordide : témoigner à charge contre un médecin hospitalier dans le procès intenté par un avocat véreux suite au décès d’un patient.

Sous tension hésite entre drame social, sur fond de crise économique grecque, d’appauvrissement généralisé et de déclassement des classes moyennes, et film noir. Sans doute le propos aurait-il pu être resserré et le film tenir en moins de deux heures. Mais en dépit de ses longueurs, Sous tension n’est pas sans intérêt.

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Stups ★★★☆

Au tribunal judiciaire de Marseille comparaissent des hommes et des femmes accusés de participer au trafic de stupéfiants comme vendeurs, comme transporteurs, comme guetteurs ou comme « nourrices » (les personnes qui conservent à leur domicile les stupéfiants). Avec leurs avocats, ils essaient tant bien que mal d’infléchir le président du tribunal, qui ne se laisse pas faire, en niant les faits contre toute évidence ou en invoquant leur vie de galère, leur volonté de se réinsérer ou leur regret d’un acte isolé accompli sous la pression d’un gain élevé et facile.

Cinq ans après nous avoir fait pénétrer au cœur de la prison des Baumettes (Des hommes), Alice Odiot et Jean-Robert Viallet restent dans la cité phocéenne et y tournent un documentaire similaire, aux comparutions immédiates et chez le juge des enfants. On y voit la Justice à l’œuvre, pas celle qui fait la Une des journaux avec ses grands procès médiatiques, sur lesquels tous les internautes, surtout ceux les moins versés en droit pénal, ont un avis définitif, mais celle, quotidienne, qui juge des petits délinquants misérables impliqués de près ou de loin dans le trafic de stupéfiants.

Il y a deux façons de recevoir ce film, selon qu’on soit de gauche ou de droite. La première est d’y voir une Justice de classe, exercée par des Blancs, appartenant aux CSP les plus aisées (les bijoux dorés de la procureure rutilent), maniant une langue absconse que les accusés ne comprennent pas (ah ! les « nonobstant » de la procureure !), maniant parfois à l’égard des accusés une ironie méprisante et versant souvent dans un paternalisme déplacé. La seconde au contraire salue le travail patient des juges qui ne se laissent pas amadouer par les dénégations embrouillées des accusés et les forcent à se confronter à leurs actes et à en assumer les conséquences. Ils se féliciteront qu’à rebours de l’image qui a cours, la Justice ne soit pas si laxiste et emprisonne ceux qui lui sont déférés.

L’immense qualité de Stups est de garder le juste milieu entre ces deux lectures trop tranchées. Elle nous montre la Justice telle qu’elle est, telle qu’elle se fait, confrontée à l’humanité des inculpés qui comparaissent devant elle, mais aussi chargée de rappeler la Loi et la faire respecter. Elle interroge les différentes fonctions de la peine. Sa fonction répressive, protective et dissuasive en premier lieu : la peine sanctionne la commission d’un délit, protège la société de sa réitération et est censée dissuader l’inculpé de la récidive. Sa fonction éducative ensuite : l’accusé est censé sortir de prison dans de meilleures dispositions qu’il n’y est entré, prêt à se réinsérer dans une société qui l’avait temporairement banni.

C’est évidemment sur ce dernier point que le bât blesse. À quoi sert, nous interroge Stups, de mettre en prison des pauvres bougres auxquels la société ne propose aucun espoir et qui fatalement, dès qu’ils seront sortis de prison, comme le montrent d’ailleurs leurs casiers judiciaires bien remplis, n’auront d’autres solutions que de replonger dans la même spirale criminelle ? C’est sur cette interrogation que se clôt le documentaire, sur la condamnation à la prison ferme d’une femme toxicomane, enceinte, violentée par des dealers, acculée à servir de « nourrice » et sur le regard interrogateur de son avocat.

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Marche ou crève ★☆☆☆

Dans une Amérique dystopique ravagée par la guerre civile, les autorités organisent une épreuve cruelle. Elles rassemblent une cinquantaine de jeunes hommes tirés au sort et promettent à celui qui marchera le plus longtemps sans jamais ralentir le rythme une fortune colossale et la réalisation d’un vœu.

The Long Walk est le tout premier roman de Stephen King, publié en 1979 sous pseudonyme. C’est une métaphore à peine voilée de la guerre du Vietnam. Stephen King condamne l’enrôlement forcé de jeunes bleus envoyés à une mort certaine par un pouvoir militariste incarné par la figure monstrueuse du Major (interprété par un Mark Hamill méconnaissable) et oppose à cette barbarie la force de la fraternité humaine.

Francis Lawrence, le réalisateur de la série Hunger Games – dont le point de départ présente une grande similarité avec celui de Marche ou crève – ressuscite ce livre méconnu du « maître du suspense » (sic) américain cinquante ans plus tard. Il résonne différemment dans l’Amérique trumpienne. Lawrence se lance un défi redoutable : se concentrer sur la marche et sur elle seule, comme s’il filmait un long traveling de plusieurs centaines de kilomètres pendant lequel ses personnages ne feront qu’une seule chose : marcher jusqu’à l’épuisement.

Une fois ce défi lancé, on se demande avec gourmandise comment le scénario va le relever. Hélas, la surprise est vite éventée. Une fois les principaux personnages introduits, le film les verra les uns après les autres être éliminés dans des circonstances que les règles du jeu condamnent à être répétitives : celui qui ralentit est, après trois avertissements, exécuté d’une balle sans sommation. Comme de bien entendu [et je ne divulgâche pas grand chose en l’écrivant] ce sont les deux principaux protagonistes, en tête – ou plutôt en pied – d’affiche qui survivent les derniers, le seul suspens [que je ne divulgâcherai pas] étant de savoir lequel des deux survivra le dernier.

Si l’idée de départ de Marche ou crève est sacrément alléchante, son traitement insipide est décevant. Francis Lawrence semble prendre un plaisir malsain à filmer la violence que le roman de Stephen King dénonçait. Pour autant, on voit mal ce qui a poussé la commission de classification à interdire ce film aux moins de seize ans.

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Nouvelle Vague ★★★☆

À la fin des années cinquante, à Paris, quelques jeunes gens bourrés de talent travaillent aux Cahiers de cinéma et rêvent de réaliser leurs premiers films. Le succès des Quatre Cents Coups à Cannes en 1959 les y incite. Parmi eux, Jean-Luc Godard réussit à obtenir un financement d’un producteur, Georges de Beauregard. Il tournera À bout de souffle avec un jeune espoir français, Jean-Paul Belmondo, et une starlette américaine, Jean Seberg, récemment révélée par Preminger.
Le tournage commence à Paris. Les méthodes hétérodoxes de Godard désarçonnent son équipe technique et ses acteurs et ulcèrent Beauregard.

Richard Linklater est décidément un cinéaste étonnant qui, depuis trente ans, loin des modes mainstream, essaie constamment de se remettre en question et de relever de nouveaux défis. Il est l’auteur de la trilogie Before Sunset/ Before Sunrise/ Before Midnight avec le duo Ethan Hawke/ Julie Delpy. Il a surtout réalisé l’un des tout meilleurs films du siècle, Boyhood, qui suit pendant une dizaine d’années, de l’enfance à l’adolescence un jeune garçon élevé par des parents divorcés.

Il relève avec Nouvelle Vague un double pari sacrément culotté : tourner un vrai/faux making of du film le plus iconique de la Nouvelle Vague et retrouver l’esprit pionner de ces jeunes cinéastes iconoclastes.

Le résultat est saisissant d’authenticité. Tourné en noir et blanc et en 4:3, Nouvelle Vague nous replonge dans le Saint-Germain des Prés de Truffaut, Chabrol, Varda et Melville (interprété par Tom Novembre, un des rares noms du casting qui ne compte quasiment que des inconnus), mieux qu’une séance au Champo – qui a droit à son caméo – ne saurait le faire. Je laisse à plus cinéphile que moi le soin de traquer quelques erreurs ; mais, du peu que je connais de la vie et de l’oeuvre de Godard, et du tournage, fameux, d’À bout de souffle, je n’en ai repéré aucune. J’ai au contraire été sensible au soin jaloux avec lequel Linklater reconstitue ce tournage dans les lieux mêmes où il a eu lieu, les acteurs, leur apparence, leur tenue…

Le mieux étant l’ennemi du bien, c’est cette fidélité scrupuleuse qui aurait pu constituer la principale limite du film. L’obsession de la reconstitution aurait pu étouffer tout le reste. Mais Linklater réussit à éviter cet écueil. Si sa reconstitution est ultra-fidèle, elle laisse vivre la folle originalité de Godard, son culot bravache, sa prétention un peu folle de redéfinir la grammaire du cinéma, de le libérer de toutes les contraintes qui l’enserraient. Godard n’a pas trente ans ; mais, avec Truffaut et Chabrol, avec un appétit gargantuesque, il a tout vu pendant ses années aux Cahiers et prétend avoir tout compris du cinéma.

Sous nos yeux, il le réinvente. C’est un pur fantasme de cinéphile devenu réalité.

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King of Kings: à la poursuite d’Edward Jones ★☆☆☆

Qui connaît Edward Jones (1898-1963) ? Il n’a même pas les honneurs d’une page Wikipedia à son nom. Pourtant, il fut l’un des hommes les plus riches des Etats-Unis. Descendant d’esclaves, obligé de fuir le Mississipi sous la menace du Ku Klux Klan, il s’installe avec ses deux frères et sa mère à Chicago et y fait fortune dans l’entre-deux-guerres grâce à un jeu d’argent illégal, l’ancêtre de la Loterie nationale. Sa petite-fille Harriet Marin a décidé d’exhumer sa mémoire.

Ce documentaire raconte une vie rocambolesque. Edward Jones s’est follement enrichi, a dû émigrer, en France en 1937, au Mexique quelques années plus tard, a été emprisonné, kidnappé par la mafia… King of Kings nous plonge dans le Chicago de Scarface, de la Prohibition, de la mafia de Sam Giancana avec lequel Jones et ses frères ont mené un combat à mort. Il évoque aussi les discriminations dont étaient victimes les Afro-Américains.

Pour exhumer cette mémoire effacée, sa petite-fille Harriet Marin est revenue de Paris où elle a immigré à Chicago. Elle a interviewé quelques rares survivants de ces temps anciens – parmi lesquels un lointain cousin, le célèbre Quincy Jones – et des historiens. Elle a rassemblé des archives. Le défaut du montage est d’être lesté d’une musique envahissante et inutile.

Symboles d’un melting pot américain à l’envers, les descendants d’Edward Jones ont essaimé à travers le monde. On a parfois l’impression que ce documentaire a d’abord été réalisé pour eux et que nous, simples spectateurs, avons été conviés à une soirée diapo qui ne nous était pas destinée. Mais l’originalité du destin d’Edward Jones nous autorise à nous y inviter.

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Papamobile ☆☆☆☆

Un nouveau pape vient d’être élu. C’est un Français qui entend réformer la Curie. Mais les cardinaux lui annoncent que les caisses sont vides. Pour financer son premier voyage à l’étranger, il faut lever des fonds privés. Une chef de cartel agenaise, productrice de pruneaux, installée au Mexique, se propose pour organiser la venue du pape.

Papamobile est arrivé sur les écrans avec une réputation sulfureuse… ou plutôt il n’y est pas arrivé. Car il n’a bénéficié le 13 août, en plein été, que d’une « sortie technique » dans quelques rares salles de six villes reculées de province : Avignon, Bagnoles-de-l’Orne, Saverne, Douvaine, Évian-les-Bains et Romans-sur-Isère… Une explication s’impose.

Tourné en 2023, le film n’a pas trouvé de distributeur. Son producteur, en conflit ouvert avec le réalisateur, a refusé d’investir les 200.000 euros nécessaires à sa promotion et à sa distribution. Mais pour vendre son film à OCS ou à Amazon Prime, qui en le mettant sur leur catalogue satisfont leurs obligations de production de films français, Papamobile devait au préalable satisfaire les conditions minimales de sortie en salles.

Pour voir Papamobile, je suis allé dans l’unique salle parisienne qui le diffuse, à l’unique séance de la semaine où il est programmé (les Franciliens pourront le voir aussi à Vitry et à Livry-Gargan à des horaires improbables). Je pense que la plupart des spectateurs étaient comme moi animés de la curiosité malsaine de voir le pire nanar de l’année.

Nous avons été servis ! Rien ne va dans cette comédie ratée. Ni le scénario faiblard, ni les gags pas drôles, ni les scènes d’action tournées à la va-vite, ni le jeu calamiteux des acteurs, à commencer par l’héroïne qui doit probablement son recrutement au seul fait qu’elle soit la conjointe du réalisateur. Kad Merad assure le service minimum, laissant parfois transparaître son désarroi à s’être embarqué dans pareille galère.

Si quelques spectateurs s’esclaffent, c’est pour se moquer des passages les plus ratés – et ils sont nombreux. Je prends le pari que Papamobile va devenir culte. On le regardera en disant que c’est le plus mauvais film, la comédie la plus ratée, réalisée depuis l’indépassable Attaque de la moussaka géante.

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