Seul dans Berlin ★☆☆☆

En juin 1940, alors que l’Allemagne nazie fête sa victoire sur la France, Otto et Anna Quangel pleurent la mort de leur fils unique tombé au champ d’honneur. Ils décident d’entrer en résistance en écrivant et en distribuant des cartes postales contre Hitler.

Un peu comme « Suite française » d’Irène Nemirowsky, le roman de Hans Fallada, écrit en 1946, dont Primo Levi disait qu’il était « l’un des plus beaux livres sur la résistance allemande antinazie », a connu un succès tardif et retentissant. Après une première traduction française en 1967 chez Plon, passée inaperçue, Denoël publie à nouveau « Jeder stirbt für sich allein » en 2002. Je l’ai lu entre Mascate et Shompole (mais là je frime). Le succès est cette fois ci au rendez-vous. Le livre est monté au théâtre, aux Amandiers et au Lucernaire où j’ai trainé mes ados maussades (je continue à frimer, un peu moins, mais encore trop). Il est traduit en anglais en 2009.

L’adaptation cinématographique était un produit dérivé inévitable. Elle est bizarrement l’œuvre de Vincent Perez, acteur populaire passé derrière la caméra, dont l’intérêt pour la Seconde guerre mondiale était jusqu’à présent peu médiatisé. Son film fut paraît-il difficile à réaliser. Et dès la première image on comprend pourquoi.

Tout sonne faux. Pour une raison simple. Les acteurs parlent anglais. Les Britanniques Emma Thompson et Brendan Gleeson – ce qui pourrait à la limite se comprendre – et même l’Allemand Daniel Brühl – ce qui est un comble. Ce choix linguistique calamiteux – dont on imagine qu’il a été dicté par le souci de toucher un public anglo-saxon rétif aux sous-titres – condamne inéluctablement ce film à n’être qu’une reconstitution empesée et désincarnée.

La bande-annonce

L’Histoire de l’amour ☆☆☆☆

Leo aime Alma. Alma aime Leo. Mais la Seconde guerre mondiale les sépare. Un roman « L’Histoire de l’amour » qu’une Américaine de Brooklyn traduit de l’espagnol soixante ans plus tard parviendra-t-il à les rapprocher ?

Nicole Krauss avait écrit au milieu des années 2000 un roman à tiroirs dont la lecture m’avait emporté. Je me faisais une joie de son adaptation à l’écran même si les critiques assassines du Masque et la Plume avaient refroidi mon enthousiasme.

Hélas ces critiques n’avaient pas tort. Elles reprochaient au scénario du film, qui procède par bonds répétés entre les lieux (la Pologne, le Chili, New York) et les époques  (1941, 1950, 1995, 2006), d’être difficile à suivre. Elles clouaient au pilori Derek Jacobi, qui interprète Leo vieux, pour son cabotinage. Elles blâmaient le réalisateur Radu Mihaileanu pour son lyrisme dégoulinant – qui déjà tangentait dangereusement la ligne rouge du tire-larmisme dans « Va, vis et deviens » et « Le Concert ».

Seules étaient épargnées l’interprétation de Gemma Arterton et sa rayonnante beauté. Hélas, aussi sensible que je puisse être au physique appétissant de l’héroïne de « Tamara Drewe » et « Gemma Bovery », force m’est de constater que, inondée de larmes ou grimée en vieillarde, elle n’est guère à son avantage dans cette Histoire de l’amour.

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Mission: Impossible – Rogue Nation ☆☆☆☆

Il y a vingt ans, j’adorais les James Bond, les Mission Impossible, les Jason Bourne…
Mission Impossible 5 – que les producteurs n’osent plus désigner par son numéro de série – m’a fait bailler d’ennui.
Est-ce moi qui ai vieilli ? Suis-je arrivé à un âge où ce genre de films ne m’excite plus ? parce que j’en ai trop vus ? ou parce que je n’ai plus la bonne capacité à m’enthousiasmer / acuité visuelle / masse capillaire / production de testostérone ?

Ethan Hunt est aux prises avec une inquiétante organisation internationale qui s’emploie à déstabiliser le monde. Son nom ? le sceptre était déjà pris ; du coup les producteurs ont opté pour « le Syndicat ».
Le méchant : un ancien du MI6 (Never Trust the Brits!) passé du côté obscur de la force.
La James Bond Girl : une Suédoise inconnue mais solidement customisée qui déambule en talons de 14 cm sur les toits de l’Opéra de Vienne.
Le héros : l’immarcescible Tom Cruise, 52 ans au compteur, fait des acrobaties de jeune homme. Sauf qu’on s’en fout ! Il décolle sur les ailes d’un A400 M ? il manque mourir en apnée ? Il fait une course poursuite en moto ? Zéro suspense. Parce qu’on connaît déjà la fin.

J’invite à déjeuner celui/celle qui me dira que : 1/ que je ne suis pas vieux 2/ ce film est bien une daube dépourvue d’intérêt.

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Youth ☆☆☆☆

L’opinion qu’on a d’un film peut varier selon le moment auquel on l’exprime. Certains sont des chemins de croix qui, à la réflexion, se révèlent des chefs d’œuvre. D’autres qui font passer un bon moment tombent dans un puits d’oubli la semaine suivante. Youth de Paolo Sorrentino relève d’une troisième catégorie : la supercherie.

En sortant de la salle, je criais au chef d’œuvre. Le jeu des acteurs, la splendeur des décors, la morale tendre et cruelle de l’histoire m’avaient enthousiasmé. Mais à la réflexion la baudruche se dégonfle.

Certes Youth est constellé de quelques plans joliment troussés – pour la plupart hélas déjà éventés dans la BO. Mais Michael Caine et Harvey Keitel, en vieilles gloires revenues de tout, cabotinent. Et que dire du sujet même du film ? Ode au renoncement ? À la vie ? À la mort ? La cohérence des personnages est rompue par les deux décisions incompréhensibles qu’ils prennent l’un et l’autre à la fin du film.

Ceux qui ont aimé La Grande Bellezza y trouveront-ils néanmoins leur compte ? Même pas. La Grande Bellezza était un hymne aux merveilles artistiques de l’Italie ; Youth est tout au plus une brochure publicitaire pour l’hôtellerie suisse !

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Juste la fin du monde ☆☆☆☆

Xavier Dolan me gonfle. Voilà bientôt une dizaine d’années que le petit génie canadien fait monter le buzz. Cannes lui a fait la courte échelle, sélectionnant la quasi-totalité de ses films et les couvrant de prix – seule la Palme d’Or lui a échappé – qui sont autant d’occasions de discours de remerciements hauts en couleurs. Sans doute faut-il reconnaître à Laurence Anyways (2012) un certain coffre ; mais j’ai déjà dit ici tout le mal que je pensais de l’insipide Tom à la ferme (2013) et du surcoté Mommy (2014).

Ce n’est pas Juste la fin du monde qui me réconciliera avec Xavier Dolan. Pourtant, j’avais aimé sa bande-annonce, diffusée en boucle durant tout le mois de septembre et son beau crescendo. Las ! le film en est l’homothétie inutilement étirée sur quatre-vingt-quinze minutes. Soit un fils prodigue (Gaspard Ulliel) – dont on connaît le lourd secret dès la première scène du film – qui revient dans sa famille et y retrouve sa mère (Nathalie Baye), sa sœur cadette (Léa Seydoux), son frère aîné (Vincent Cassel) et l’épouse de celui-ci (Marion Cotillard).

Pendant une heure trente cette petite famille va hystériquement se couper la parole. Ça parle beaucoup. mais on comprend vite que le sujet est précisément celui de l’incommunicabilité. Chaque personnage est enfermé dans son stéréotype.
Gaspard Ulliel = la bonté sulpicienne
Nathalie Baye = la mère ripolinée
Vincent Cassel = le prolo brutal
Léa Seydoux = la jeunesse révoltée
Marion Cotillard = la soumission compatissante

Comme dans La Chanson de l’éléphant dont il interprétait le rôle principal, Xavier Dolan filme une pièce de théâtre. Pour « faire cinéma », il filme ses personnages en très gros plans – qui laissent parfois planer le doute d’un plan de tournage découpé de façon à accommoder l’agenda sans doute très chargé de chacune de ces cinq stars. Comme à son habitude, il égaie cette mise en scène oppressante de quelques envolées lyriques (un flash back au flou hamiltonien) et d’une musique racoleuse (Camille, Moby et – il fallait oser – O-zone). Au bout de trente minutes, on a compris et on étouffe.

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Nocturama ☆☆☆☆

Sept jeunes gens organisent une série d’attentats simultanés dans Paris. Leurs crimes commis, ils se retrouvent à la nuit tombée dans un grand magasin de la capitale.

Nocturama démarre bien. Pendant sa première demie-heure, Bertrand Bonello filme sans paroles sur fond de musique électro l’arrivée des protagonistes sur les lieux de leurs méfaits : la Bourse de Paris, la Tour Global (sic) de La Défense, le ministère de l’Intérieur (bizarrement situé rive gauche), l’appartement du PDG de HSBC France… Comme dans un film de Melville ou « 24 heures chrono », la nervosité des poseurs de bombes est contagieuse. On s’interroge : quels sont leurs cibles ? quels sont leurs motifs ? parviendront-ils à leurs fins ?

Hélas, Nocturama n’est pas un film d’action. Les bombes explosent en split screens – manifestement le budget effets spéciaux a été réduit à la baisse. Et le film s’encalmine dans un grand magasin (La Samaritaine ?  Le Grand Marché ?) où les jeunes gens ont l’idée particulièrement peu avisée de se regrouper (pourquoi diable ne rentrent-ils pas tranquillement chez eux ?).

Des motivations de ce groupe, on ne saura pas grand’chose si ce n’est à travers quelques flashbacks patauds où on en voit les membres s’initier au maniement du Semtex. Dans ce grand magasin, on les voit céder aux sirènes de la grande consommation et du luxe, contre lesquels pourtant ils viennent d’orchestrer des actions terroristes. Ils forment un groupe hétérogène venant d’horizons variés : le 9-3, Sciences Po (un jeune con encravaté parlant d’égal à égal à un ministre ami de son père) ; mais Bertrand Bonello ne brosse pas un portrait de groupe.

Si Nocturama n’est ni un film d’action, ni un portrait de groupe, alors qu’est-ce ?

De deux choses l’une. Soit Nocturama est une pure œuvre d’art. Mais où est passée l’élégance du réalisateur de L’Apollonide aussi maladroit à éclairer ses jeunes acteurs qu’à les diriger ? Soit Nocturama est une prophétie politique, annonçant l’inéluctable basculement d’une jeunesse nihiliste dans la violence aveugle. Pour radical qu’il soit, ce point de vue se révèle d’une navrante pauvreté faute d’être exploité.

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Rester vertical ☆☆☆☆

Il est facile de critiquer les bons films qu’on a aimés et les mauvais films qu’on a détestés. Mais que dire des bons films qu’on déteste ?  Et des mauvais qu’on aime ?

« Rester vertical » est peut-être un bon film. Mais je l’ai détesté.

Je n’ai pas été touché par cette histoire filandreuse d’un réalisateur (double autobiographique d’Alain Guiraudie ?) errant entre la Lozère – où il croise une bergère et lui fait un enfant – Brest – où son producteur s’inquiète du retard pris sur son prochain film – et le Marais poitevin – où le héros consulte une naturothérapeute dans une curieuse cabane. Je suis resté sourd à la beauté des paysages et des lumières. Je n’ai pas compris la métaphore lourdement pesante du loup qui traverse le film, bête effrayante et attirante à la fois. J’ai été décontenancé par l’artificialité des caractères parce que je manque peut-être d’imagination ou parce qu’il s’agit peut-être aussi de grossières caricatures sans épaisseur.

J’ai été choqué par les gros plans répétitifs de sexe, de pénis plus ou moins tumescents, de vagins plus ou moins ouverts. Mon dégoût a culminé avec la scène de sodomie/gérontophilie/euthanasie qui est soi-disant destinée à « briser un tabou » mais qui a plongé la salle dans un silence embarrassé.

Peut-être Alain Guiraudie a-t-il un talent bien à lui. Il en avait donné la preuve avec L’Inconnu du lac. Mais ce talent m’est totalement étranger.

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Nerve ☆☆☆☆

Adolescente mal dans sa peau, Vee découvre par sa meilleure amie une nouvelle application sur Internet : Nerve propose à des « voyeurs » de lancer des défis à des « joueurs » et de les regarder les relever. Vee se pique au jeu et rencontre Ian (Dave Franco, 31 ans (sic) dans la vraie vie). Mais les règles du jeu se compliquent tandis que Vee suspecte Ian de cacher un lourd secret.

Je ne serais pas aller voir Nerve sans l’avis dithyrambique du Monde qui le décrivait comme « une tragédie « geek », entre chœurs de « voyeurs » et Parques numériques ». J’escomptais un film d’action rebondissant dans le dark web et reposant sur une vision stimulante du pouvoir des hautes technologies.

Quelle ne fut ma déception ! Car Nerve ne vaut pas tripette. C’est une resucée moderne du jeu « Conséquence ou Vérité ? » auquel nous jouions déjà au siècle passé. L’essor de l’Internet a permis d’augmenter le nombre des joueurs… et de rendre les défis de plus en plus stupides. Les premiers sont les plus mignons : embrasser un inconnu, voler une robe dans une boutique de luxe ; les suivants deviennent franchement débiles : rouler à 100km/h en moto les yeux bandés, traverser un précipice sur une échelle brinquebalante…

Ce scénario poussif, qui peine à soutenir l’attention durant une heure trente cinq, repose sur une philosophie simpliste : Internet est dangereux, l’anonymat qu’il confère à ses utilisateurs est une invitation à exprimer ses instincts les plus vils, rien ne remplace les rapports humains authentiques. Cerise sur le gâteau : Juliette Lewis, la Lolita incendiaire de Kalifornia et de Natural Born Killers joue le rôle de la mère de Vee, qui se ronge les sangs quand sa fille rentre en retard et ne répond pas à son téléphone. Je vieillis…

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Suicide Squad ☆☆☆☆

Brainstorming chez Warner Bros :
Le directeur de la création — Quelqu’un a des idées pour le prochain blockbuster ? Faudrait trouver un truc qui ait autant de succès que Deadpool. Un truc de mauvais garçons, drôle et bourré de clins d’œil.
Le stagiaire de troisième — On pourrait faire un film autour du Joker avec cet acteur génial qui jouait dans
Batman.
Le directeur — Heath Ledger ? Euh… il est mort.
Le stagiaire — Ah… pas grave. On pourrait alors mettre un tas de bad guys. Le public adore les bad guys.
Le directeur — Bof. Et tu verrais qui comme acteurs ?
Le stagiaire — On pourrait mettre Will Smith, c’est l’acteur le plus cool au monde, et  Margot Robbie. Depuis Le Loup de Wall Street, c’est l’actrice la plus sexy au monde.
Le directeur — Margot Robbie, c’est une bonne idée. Tu lui donnerais quel rôle ?
Le stagiaire — Une pétasse en couettes bleu, blanc, rouge avec un short ras les fesses et un T- shirt mouillé.
Le directeur — Oui… bon… Il faudrait quand même un scénario. Non ?
Le stagiaire — Les bad guys sont en prison et se voient promettre une remise de peine pour combattre un super méchant.
Le directeur — Tu sais que c’était déjà le scénario des Douze Salopards ?
Le stagiaire — Ah non. Je connaissais pas. C’est un film du XXe siècle ? On s’en fout ! J’étais pas né ! De toute façon, le scénario on s’en fiche. On mettrait plein d’effets spéciaux et une BO : Les Meilleurs Hits de l’été. Et hop ! C’est plié !
Soupirs affligés…

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Belles Familles ☆☆☆☆

Belles Familles aurait pu être tourné dans les années 80. C’est ce qui en fait le charme. C’est ce qui en constitue la limite.

À quatre-vingts ans passés, Rappeneau n’a rien perdu de sa fougue. Il filme à sauts et à gambades. Délaissant les films en costumes qui ont fait son succès (Les Mariés de l’an II, Cyrano de Bergerac), il peint une famille française qui se dispute autour d’un héritage. Le sujet est grave : le père a abandonné sa femme et ses enfants pour refaire sa vie. Mais le film n’a rien de tragique. Rappeneau louche vers Courteline plutôt que vers Racine.

Et c’est bien là que le bât blesse. Le vaudeville, aussi talentueusement tourné soit-il, reste toujours du vaudeville. Si la scène finale, dans une abbaye gothique une nuit de festival, est un bijou de mise en scène, elle n’en constitue pas moins l’épilogue prévisible et moralisateur d’un drame pas assez grave pour émouvoir, d’une comédie pas assez drôle pour divertir.

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