Casanova ☆☆☆☆

J’ai tout détesté dans « Le Casanova de Fellini » : le libertinage triste, le scénario répétitif, les monstres chers à Fellini, le titre narcissique….
Est-ce parce que le film, qui porte à la caricature l’esthétique kitsch des années 70, est passé de mode ? Ou suis-je à ma grande honte hermétique au génie du Maestro ?

La bande-annonce

Kong: Skull Island ★☆☆☆

King Kong : le retour.
Le grand gorille amoureux ne cesse de hanter notre panthéon cinématographique. L’image de Kong au sommet de l’Empire State Building, combattant d’une main  les avions qui l’assaillent et protégeant de l’autre sa belle, est entrée en 1933  dans l’imagerie populaire. Au point de vouloir la reproduire dans de nombreux succédanés : en 1976 avec Jessica Lange, en 2005 avec Naomi Watts.

Bizarrement, ce nouvel opus ne revisite pas cette scène iconique. Il se cantonne à la première moitié de l’histoire qui se déroule, on le sait, dans l’île mystérieuse dont Kong a fait son royaume.

Le film en gagne-t-il en unité – là où le scénario de l’original, coupé entre l’île sauvage et les gratte-ciels de Manhattan souffrait en son milieu d’une césure presque incurable ? Peut-être Boileau y trouvera-t-il son compte (c’est quand même fort de citer Boileau dans une critique de Kong, non ? personne ne me faisant de compliment, il faut bien que je m’en fasse de temps en temps) ; mais pas le spectateur.

Car Kong – comme Ghost in the shell – procède d’un curieux assemblage. Un peu comme une mauvaise piquette produit du mélange de divers cépages de l’Union européenne. Sans doute le principal emprunt vient-il de la longue généalogie des King Kong déjà évoquée. Le contraire serait pour le moins troublant. Mais que vous rappellent ces hélicoptères volant dans le soleil couchant et cette jungle bombardée au napalm sinon Apocalypse Now ? Et ces monstres menaçants, issus d’un passé enfoui, qui prennent un malin plaisir à chasser et à dévorer une troupe d’innocentes victimes sinon Jurassic Park ? Et ces créatures chimériques (buffle à six cornes, araignée ou sauterelle géante) sinon les anime japonais de Hayao Miyazaki ?

Bien sûr. Tout dans Kong n’est pas à jeter. A commencer par les combats épiques de l’immense gorille avec toutes sortes de bestioles toutes plus dégoûtantes les unes que les autres : une pieuvre à mille bras, un gros lézard carnivore … Les cent quatre vingt dix millions de dollars de budget n’ont pas été dépensés en vain.
A saluer également la prestation de Brie Larson qui interprète une photographe de guerre. Sans doute sa présence ne se justifie-t-elle que par le souci d’ajouter une femme à une escouade par trop masculine et par celui d’attendrir le cœur de Kong – dans une scène trop attendue pour être réussie. Mais il sera beaucoup pardonné à Brie Larson, Oscar 2016 de la meilleure actrice pour Room,  à sa belle vitalité, à son sourire éclatant et à ses seins parfaits dans son T-shirt mouillé.

Il est temps, cher lecteur, que j’aille voir un film letton muet en noir et blanc et que j’y oublie les seins de Brie Larson et mon penchant coupable à rédiger mes critiques à la première personne du singulier.

La bande-annonce

Yourself and Yours ☆☆☆☆

Comme tous les films du réalisateur coréen Hong Sangsoo, le scénario de celui-ci pourrait tenir sur un timbre poste. Un homme et une femme. Une rupture. D’impossibles retrouvailles.

Depuis une dizaine d’années, Hong Sangsoo s’est fait un nom dans les festivals du cinéma. Comme les livres de Christian Bobin jadis, vite écrits et interchangeables, ses films sont immédiatement reconnaissables. Des histoires d’amour malheureuses dans la Corée d’aujourd’hui. Un homme – souvent cinéaste ou peintre – une femme – plus jeune que lui, souvent une étudiante. Une rencontre. Des discussions autour d’un verre. Une séparation dans les vapeurs de l’alcool. Une gueule de bois nostalgique au petit matin.

Certains grands créateurs ont sans cesse revisité les mêmes schémas : Bach ou Vivaldi en musique, Ozu ou Rohmer au cinéma. Le bât blesse lorsque ces schémas tournent à vide. Et c’est le cas pour Hong Sangsoo. Pour pratiquer l’art de la fugue, encore faut-il savoir fuguer.

On peine pour ses acteurs qu’il abandonne avec deux lignes d’indication à des improvisations parfois touchantes, souvent embarrassantes, toujours répétitives. Leurs dialogues sont filmés en plans fixes interminables. Pour leur donner un peu de rythme, le cadreur procède à de brusques zooms que ne s’autoriserait pas un lycéen de première option cinéma.

J’avais eu la dent moins dure avec son dernier film en date Un jour avec, un jour sans découpé en deux parties à la fois semblables et différentes. Mais ici, le trouble créé autour de l’identité de Minjung (cette femme n’est-elle ni tout à fait la même ni tout à fait une autre ?) fait vite long feu. Et le dénouement, dont je lis dans Le Monde qu’il serait « bouleversant » ne m’a pas touché.

La bande-annonce

Les Confessions ☆☆☆☆

Les ministres de l’Économie du G8 se réunissent en Allemagne pour y adopter un plan secret. Trois personnalités extérieures ont été également conviées : une auteure à succès, un une rock star… et un prêtre.

« Les Confessions » est un film cosmopolite qui, par le fait même de son sujet, réunit un casting hétéroclite d’acteurs de toutes les origines qui singent les traits de caractère censés être associés à leur pays : quelques Italiens (Tonio Servillio dans le rôle d’un prêtre bien bavard pour être tenu par le voeu de silence, Pierfrancesco Favino dans celui du ministre italien de l’Économie ), quelques Français (Daniel Auteuil dans le rôle du directeur du FMI, Stéphane Freiss dans celui du ministre français), quelques Allemands (Moritz Bleibtreu dans le rôle du chef de la sécurité, Richard Sammel dans celui du ministre allemand), une Canadienne (Marie-Josée Croze trop émotive pour interpréter une ministre crédible)…

Le ton pourrait être burlesque comme la comédie italienne et le cinéma de Roberto Andò nous y ont habitués. Le réalisateur avait signé début 2014 « Viva la Libertà », une comédie racontant le remplacement d’un homme politique, frappé de burn out, par son frère jumeau.

Il ne l’est pas. « Les Confessions » est une tragédie qui pèse des tonnes. Un film policier qui n’en est pas un. Car il y a bien un mort et une énigme. Mais Roberto Andò s’en désintéresse bien vite.

Son seul souci est de dénoncer l’égoïsme et la duplicité des puissants qui, coupés du reste du monde, prennent des décisions sans légitimité démocratique. Il oublie en chemin l’histoire qu’il raconte, laissant les questions que pose l’intrigue sans réponse.

Pour le dire brutalement : je n’y ai pas compris grand-chose…. mais ne suis pas certain qu’il y avait grand-chose à comprendre.

La bande-annonce

Le Parc ☆☆☆☆

Naomie et Maxime se retrouvent dans un parc. D’où se connaissent-ils ? Sont-ils des amis de longue date ? Viennent-ils de se rencontrer via Internet ? Nous n’en saurons rien. Ils déambulent à travers le parc ensoleillé. Maxime parle de sa mère hypnothérapeute, de son père, ancien joueur professionnel de football, des « Cinq leçons sur la psychanalyse » de Freud. Elle évoque ses parents, professeurs d’EPS dans son lycée, et fait le poirier. Les mains se frôlent ; les corps se rapprochent ; les bouches s’embrassent. Maxime quitte Naomie. Puis la nuit tombe.

La critique s’est enthousiasmée pour ce film aux allures de moyen métrage (une heure douze seulement). Libération salue « sa poésie crépusculaire ». Les Cahiers du cinéma parlent de « personnages émouvants dans leur extrême évidence, leur dénuement presque archétypal ». À en croire Le Monde, « Le Parc condense avec trois fois rien toutes les puissances du cinéma ».

Je suis quant à moi resté sourd et aveugle au charme de ce film minimaliste. Je m’y suis ennuyé ferme malgré sa brièveté. J’ai trouvé ridicule le couple désassorti formé d’un grand dadais sans charme et d’une jeune fille mal dans sa peau, aussi gênés que nous de devoir s’embrasser devant la caméra. J’ai trouvé leur histoire d’amour et la façon misérable dont elle se concluait dépourvue de la moindre poésie. Et l’échappée onirique dans un parc enténébré a achevé de me laisser sur le bord du chemin.

La bande-annonce

Assassin’s Creed ☆☆☆☆

Callum Lynch a une lourde hérédité. Son père a assassiné sa mère sous ses yeux. Son lointain ancêtre était, à la fin du XVème siècle, un membre de la secte des Assassins. Autant de motifs qui en font un cobaye de choix pour Sofia Rikkin et son père qui consacrent leur vie à une entreprise folle : isoler le gène du libre arbitre afin d’éradiquer à tout jamais la violence de l’Homme. Grâce à l’Animus, une nouvelle technologie qui permet de revivre les expériences de ses aïeuls, Cal est envoyé dans l’Espagne de l’Inquisition en 1492 où il affronte l’Ordre des Templiers.

Vous n’avez rien compris ? ne l’avouez jamais ! « Assassin’s  Creed » est adapté d’un jeu vidéo mondialement connu dont personne n’ignore la trame. Sauf vous !

Hélas ce handicap nuira largement au plaisir que vous pourriez prendre à ce film. Car vous consacrerez une bonne partie de votre cerveau disponible à essayer de comprendre les méandres d’un scénario particulièrement complexe… et totalement incohérent.

Ou alors il faut prendre le film différemment. Comme un jeu vidéo à plusieurs écrans. Sur un premier écran, en 2016, Cal est le prisonnier des Rikkin. Sur un second écran, en 1492, il combat dans de fascinantes chorégraphies les méchants Templiers.

Et le film, de très complexe, devient très simple. Trop simple même. Car, comme dans tous les jeux vidéos, de deux choses l’une. Soit votre personnage meurt et vous recommencez la partie … ce qui n’est pas très facile à mettre en film. Soit votre personnage l’emporte et il passe au combat suivant.

C’est ce que Michael Fassbender, la mâchoire serrée, va faire pendant deux heures. Livrer des combats difficiles mais victorieux… puis passer au combat suivant. Que croyez-vous qu’il adviendra à la fin du film ? Il livrera un combat victorieux … en attendant « Assasin’s Creed 2 » où il en livrera d’autres.

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La Mort de Louis XIV ☆☆☆☆

Louis XIV se meurt. Louis XIV va mourir. Louis XIV meurt.

Résumer le film d’Albert Serra n’est pas bien difficile. Car on y assiste pendant près de deux heures à l’agonie du roi de France. On ne sort pas de sa chambre. On n’apprend rien de ce qui se joue probablement en coulisses : les peurs des tenants du régime qui craignent pour leur place, les espoirs des autres qui attendent avec espérance que les cartes du pouvoir soient rebattues.

Il y aurait eu un film passionnant à réaliser sur les jeux de pouvoirs qui se nouent pendant l’agonie d’un monarque. Mais tel n’est pas le parti retenu par le réalisateur catalan qui choisit de s’en tenir à son seul sujet : le roi, de tous les plans qui, sans trop s’en plaindre, se laisse lentement glisser vers la mort. On aurait imaginé le monarque plus acrimonieux. Joué avec une étonnante retenue par Jean-Pierre Léaud – qu’on connaît pourtant plus nerveux – il est étonnamment placide.

Autour de lui quelques personnages s’activent. Son médecin dont les erreurs de diagnostic révèlent autant les limites de la médecine de l’époque que le charlatanisme de l’intéressé. Son premier domestique indéfectiblement loyal à son maître. La Maintenon toute de noir vêtue. Le jeune Louis XV, âgé de cinq ans à peine, bientôt propulsé sur le trône.

Pendant une heure et cinquante cinq minutes, on reste confiné dans cette chambre pourpre à l’odeur irrespirable. Pas un répit dans cette longue agonie dont on connaît déjà l’issue. Certaines critiques ont crié au génie ; moi, je crie au secours !

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Rocco ☆☆☆☆

« Rocco » c’est d’abord une grosse b…lessure d’amour propre pour le spectateur masculin. Le nu frontal de la première scène aura eu raison de son orgueil. Rocco est sans conteste un acteur hors catégorie. Et si les documentaristes Thierry Demaizière et Alban Teurlai (auxquels on doit le récent Relève tout à la gloire de Benjamin Millepied) réussissent à ne pas filmer de scènes qui les exposeraient à une interdiction au moins de dix-huit ans, un classement -16 ans les autorise à ne rien cacher du glorieux appendice de l’étalon transalpin.

Mais « Rocco » c’est surtout un double malaise.

D’une part le malaise d’être allé le voir dans une salle obscure au milieu d’un auditoire à 95 % masculin et solitaire. Et le malaise d’en parler ici, tiraillé entre l’honnêteté intellectuelle d’en rendre compte comme je rends compte des autres films que je vais voir au cinéma et la gêne de confesser des choix cinématographiques qui révèlent le cochon qui sommeille en moi (et en chacun d’entre nous ?)

D’autre part le malaise exactement symétrique du bourgeois horrifié et un peu bégueule. Car « Rocco » est un film profondément dérangeant. De quoi s’agit-il ? D’un pauvre Italien un peu perturbé du (gros) zizi, qui voue à sa défunte mère un respect morbide, qui a rencontré sa femme sur un tournage et qui demande devant la caméra à ses garçons, manifestement mal à l’aise avec le sujet, si la renommée de leur père les dérange. De son cousin qui lui sert tout à la fois de caméraman, de garde du corps et de souffre-douleur.

Et de femmes. De toutes ces femmes. La force de caractère de certaines force l’admiration : telle la star du porno Kelly Stafford qui explique, selon une logique toute hégélienne, que l’esclave soumise qu’elle se plaît à jouer est en fait le maître de son maître. Mais la vulnérabilité des autres émeut ou écœure : elle cette malheureuse débutante tchèque, aux seins pas encore siliconés, à la dentition imparfaite, à l’anglais rudimentaire, qui, pour décrocher un rôle, affirme crânement accepter toutes les pratiques mais qu’on sent terrifiée avant sa première DP.

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Seul dans Berlin ★☆☆☆

En juin 1940, alors que l’Allemagne nazie fête sa victoire sur la France, Otto et Anna Quangel pleurent la mort de leur fils unique tombé au champ d’honneur. Ils décident d’entrer en résistance en écrivant et en distribuant des cartes postales contre Hitler.

Un peu comme « Suite française » d’Irène Nemirowsky, le roman de Hans Fallada, écrit en 1946, dont Primo Levi disait qu’il était « l’un des plus beaux livres sur la résistance allemande antinazie », a connu un succès tardif et retentissant. Après une première traduction française en 1967 chez Plon, passée inaperçue, Denoël publie à nouveau « Jeder stirbt für sich allein » en 2002. Je l’ai lu entre Mascate et Shompole (mais là je frime). Le succès est cette fois ci au rendez-vous. Le livre est monté au théâtre, aux Amandiers et au Lucernaire où j’ai trainé mes ados maussades (je continue à frimer, un peu moins, mais encore trop). Il est traduit en anglais en 2009.

L’adaptation cinématographique était un produit dérivé inévitable. Elle est bizarrement l’œuvre de Vincent Perez, acteur populaire passé derrière la caméra, dont l’intérêt pour la Seconde guerre mondiale était jusqu’à présent peu médiatisé. Son film fut paraît-il difficile à réaliser. Et dès la première image on comprend pourquoi.

Tout sonne faux. Pour une raison simple. Les acteurs parlent anglais. Les Britanniques Emma Thompson et Brendan Gleeson – ce qui pourrait à la limite se comprendre – et même l’Allemand Daniel Brühl – ce qui est un comble. Ce choix linguistique calamiteux – dont on imagine qu’il a été dicté par le souci de toucher un public anglo-saxon rétif aux sous-titres – condamne inéluctablement ce film à n’être qu’une reconstitution empesée et désincarnée.

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L’Histoire de l’amour ☆☆☆☆

Leo aime Alma. Alma aime Leo. Mais la Seconde guerre mondiale les sépare. Un roman « L’Histoire de l’amour » qu’une Américaine de Brooklyn traduit de l’espagnol soixante ans plus tard parviendra-t-il à les rapprocher ?

Nicole Krauss avait écrit au milieu des années 2000 un roman à tiroirs dont la lecture m’avait emporté. Je me faisais une joie de son adaptation à l’écran même si les critiques assassines du Masque et la Plume avaient refroidi mon enthousiasme.

Hélas ces critiques n’avaient pas tort. Elles reprochaient au scénario du film, qui procède par bonds répétés entre les lieux (la Pologne, le Chili, New York) et les époques  (1941, 1950, 1995, 2006), d’être difficile à suivre. Elles clouaient au pilori Derek Jacobi, qui interprète Leo vieux, pour son cabotinage. Elles blâmaient le réalisateur Radu Mihaileanu pour son lyrisme dégoulinant – qui déjà tangentait dangereusement la ligne rouge du tire-larmisme dans « Va, vis et deviens » et « Le Concert ».

Seules étaient épargnées l’interprétation de Gemma Arterton et sa rayonnante beauté. Hélas, aussi sensible que je puisse être au physique appétissant de l’héroïne de « Tamara Drewe » et « Gemma Bovery », force m’est de constater que, inondée de larmes ou grimée en vieillarde, elle n’est guère à son avantage dans cette Histoire de l’amour.

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