Contes du hasard et autres fantaisies ★☆☆☆

Une jeune femme confie à une autre qu’elle est en train d’entamer une romance avec un homme qui se console d’un chagrin d’amour.
Une femme mariée tend un guet-apens sexuel à un écrivain à succès.
Deux anciennes camardes de classe se retrouvent.

Oscar du meilleur film étranger, Drive My Car avait reçu l’an passé un succès public et critique élogieux. Je dois avouer, le rouge au front, n’avoir pas communié dans cet enthousiasme général. Profitant de cette popularité, son producteur a choisi de distribuer en France le précédent film de Ryusuke Hamaguchi qui n’en méritait pas tant.
Il est composé de trois nouvelles indépendantes les unes des autres. Elles sont interprétées par des actrices différentes et n’ont aucun lien entre elles sinon une même construction : une longue discussion entre ses deux personnages principaux qui lentement révèle une vérité étonnante.

Force m’est de reconnaître, comme devant Drive My Car, la maîtrise de Hamaguchi, sa délicatesse, sa cruauté aussi parfois dans la narration de ces trois contes qui louchent du côté de Rohmer et de Hong Sang Soo.
Mais force m’est aussi d’avouer que je me suis considérablement ennuyé devant ces dialogues interminables, à commencer par le premier dans ce taxi tokyoïte dont on ne peut s’empêcher au bout de vingt minutes de se demander la somme astronomique de la course qu’il aura facturée, ou de cet autre dialogue soi-disant érotique qui m’a laissé de marbre. Quitte à aggraver mon cas, je ferais à ce mode narratif, qui consiste à poser la caméra face à deux acteurs et à les laisser dialoguer dans un interminable plan séquence, le reproche de constituer une forme de paresse, de nonchalance à l’égard du spectateur, voire même d’arrogance ou de négation de ce qu’est le cinéma : « ce qui va être dit est tellement passionnant que nul n’est besoin de le mettre en scène ».

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Babysitter ☆☆☆☆

Jeune père de famille, Cédric (Patrick Hivon), la quarantaine, est mis à pied par son employeur pour un geste déplacé qu’il a eu à la sortie d’un match de MMA en compagnie de ses camarades sévèrement alcoolisés, immortalisé par les réseaux sociaux. Son frère Jean-Michel (Steve Laplante), éditorialiste bien-pensant d’un journal à grand tirage, lui recommande de s’en excuser publiquement. Cédric s’attelle à la rédaction d’une lettre, qui deviendra bientôt un livre.
Sa femme (Mona Chokri), en pleine dépression post partum  reprend le travail avant le terme de son congé maternité. Cédric, incapable de s’occuper seul de son bébé, recrute alors une babysitter (Nadia Tereszkiewicz).

Monia Chokri, réalisatrice tuniso-québecoise, s’était fait connaître par son premier film, La Femme de mon frère, une comédie célibattante dont elle tenait déjà le premier rôle. J’avais trouvé bien des qualités à ce film ; je lui avais trouvé aussi un défaut : entretenir une constante hystérie, souvent hilarante, mais à la longue épuisante.

C’est exactement ce même défaut que j’adresserai à ce Babysitter, bien mal nommé, car le personnage de la babysitter y tient un rôle somme toute secondaire. Chaque scène y est construite, filmée, cadrée avec un excès de sophistication qui en rend l’enchaînement éreintant.
L’autre problème est que ce formalisme particulièrement élaboré n’est au service de rien ou de pas grand chose. Après la première demi-heure, le scénario fait du surplace. On passe la dernière heure du film à s’ennuyer devant une histoire qui n’avance pas et dont le sujet même – le féminisme post #MeToo – nous interdit de nous réjouir publiquement d’une de ses rares qualités : les appâts gironds de Nadia Tereszkiewicz.

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Pattaya ☆☆☆☆

Trois kaïra de banlieue – un idiot bodybuildé, une fashion victim et un nain pieux – s’inscrivent à un championnat de boxe thaï pour gagner trois billets pour Pattaya, la capitale thaïlandaise de tous les vices. Leur supercherie les entraîne dans une successions de mésaventures.

Après le succès des Kaïra en 2012, Franck Gastambide a voulu remettre le couvert. Les chiffres ne lui donnent pas tort : avec près de deux millions d’entrées, ce Pattaya a été l’un des plus grands succès commerciaux en 2016.

Pourtant ce succès public ne manque pas d’interroger. D’autant que la critique calamiteuse qui avait accompagné sa sortie aurait pu ou dû dissuader quelques spectateurs de prendre le chemin des salles. Elles m’avaient dissuadé à l’époque de le faire ; mais, un énième confinement, l’offre bien faiblarde de Amazon Prime Video et le désir paresseux de passer un bon moment m’ont conduit, avec quelques années de retard à le regarder sur mon ordinateur.

Je m’en suis vite mordu les doigts. Certes, le premier quart d’heure renoue avec la banlieue des Kaïra. On, y retrouve l’humour irrespectueux de Franck Gastambide qui fait souvent mouche. Mais bien vite, le film prend la tangente, direction la Thaïlande et ses clichés. Il ne devient le prétexte qu’à des blagues vulgaires sinon scatologiques dont les nains et les transsexuels font les frais. On ne rit pas. Pire, on est vite mal à l’aise face à une telle surenchère de mauvais goût et on se demande si ce genre d’humour stigmatisant serait encore, en 2022, accepté et acceptable.

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The Cloud in Her Room ☆☆☆☆

Une jeune femme de vingt-deux ans, Muzi, revient passer les fêtes du Nouvel an lunaire à Hangzhou sa ville natale. Elle s’installe dans l’ancien appartement désaffecté de ses parents qui se sont séparés. Son père, batteur dans un orchestre de jazz, a pris une nouvelle femme. Sa mère, de plus en plus alcoolique, enchaîne les amants. Muzi retrouve à Hangzhou un ami d’enfance et vit avec lui une aventure. Elle sympathise aussi avec le propriétaire d’un établissement de nuit.

La réalisatrice de The Cloud in Her Room est photographe de formation. C’est la raison qui explique le soin porté à l’image, sous toutes ses déclinaisons. C’est là, de mon point de vue, l’unique intérêt de ce film qui donne, par ailleurs, la désagréable impression de se moquer de ses spectateurs.

On a un peu l’impression que la réalisatrice a filmé, au fil de l’eau (car il pleut beaucoup dans ce film hivernal et froid), quelques scènes et nous les jette façon puzzle à la vue, à charge pour nous d’en restaurer la chronologie et la logique.

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La Méthode Williams ☆☆☆☆

Richard Williams (Will Smith) a méticuleusement planifié la carrière de ses filles, Vénus et Serena, pour en faire deux des  joueuses les plus titrées de l’histoire du tennis.

J’avais raté à sa sortie, le 1er décembre 2021, ce film, d’ailleurs éclipsé par le dernier Almodovar et une énième resucée de SOS Fantômes. L’Oscar du meilleur acteur attribué à Will Smith et le tollé provoqué par sa gifle colérique sur la scène du Dolby Theater de Los Angeles m’ont incité à rattraper mon retard. Que de temps perdu ! La Méthode Williams (dont le titre original, King Richard, est autrement savoureux, mais nettement moins explicite) est un mauvais film parasité par le cabotinage de son héros-producteur.

Venus Williams et Serena, sa cadette de quinze mois, sont des sportives hors du commun dont la carrière méritait sans l’ombre d’un doute un biopic. La façon dont leur père les a coachées, dont il a décidé, contre toute raison, de ne pas leur faire suivre la voie traditionnelle empruntée par toutes leurs prédécesseurs pour les inscrire directement dans le circuit pro sans les faire concourir aux Juniors, est originale. Pour autant, l’hagiographie à laquelle se prête Will Smith – et que co-produisent les deux tenniswomen – est bien trop univoque pour satisfaire la curiosité que ce sujet avait fait naître.

Richard Williams y est présenté comme un homme sans défaut, sinon celui de nourrir une ambition démesurée pour ses filles et de mettre en oeuvre un plan sans jamais y déroger. Rien n’est dit de son passé – avant de rencontrer la mère de Venus et Serena, il eut une première épouse et, avec elle, quatre enfants – ni de son divorce en 2003, ni de son remariage en 2010 avec une jeune femme de trente-sept ans sa cadette. Rien n’est dit non plus de sa « méthode » dont on ne saura pas après deux heures et vingt-cinq minutes de film, comment elle réussit à faire de deux filles apparemment ordinaires des joueuses d’exception.

La Méthode Williams tangente un sujet qui aurait mérité de plus amples développements : la complicité et la rivalité entre les deux sœurs, leur père ayant d’abord fait le choix de n’encourager que l’aînée avant que la cadette, grandie dans son ombre, ne l’égale puis ne la dépasse.

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Ma nuit ☆☆☆☆

Marion (Lou Lampros) a dix-huit ans. Sa mère (Emmanuelle Bercot) ne parvient pas à faire le deuil de sa fille aînée, morte cinq ans plus tôt dans des circonstances qui resteront inconnues, dont elle célèbre  ce jour-là l’anniversaire avec quelques amis. Marion fuit l’appartement familial pour déambuler dans Paris. Elle retrouve son amie Justine et va avec elle à une fête. En en sortant, elle rencontre Alex (Tom Mercier) qui lui propose de la raccompagner en scooter.

Antoinette Boulat filme sur le tard son premier film après avoir depuis plus de vingt ans dirigé des castings. Cette première réalisation frappe par son manque d’originalité. On y voit, comme on l’a déjà vu mille fois, une jeune femme, pas tout à fait encore sortie de l’enfance ni entrée dans l’âge adulte, errer l’espace d’une nuit dans les rues de la capitale. Comme de bien entendu, cette errance sera l’occasion de plusieurs rencontres qui la feront évoluer et, qui sait ?, rencontrer l’amour.

Bien loin de l’élégance antonionienne de La Notte, Ma nuit (pourquoi cet adjectif possessif ?) multiplie les poncifs : les longs plans séquence dans un Paris noctambule et désert, le passage en boîte de nuit avec lumière stroboscopique, le plongeon dans la Seine…
La jeune révélation Lou Lampros (déjà aperçue dans De son vivant – où elle jouait la jeune étudiante de théâtre amoureuse de Benoît Magimel – et dans Médecin de nuit) est condamnée à répéter les mêmes moues dépressives. L’indéfinissable accent de Tom Mercier, le héros israélien déraciné à Paris de Synonymes, introduit une touche d’exotisme dont le scénario ne sait pas que faire.

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La Légende du roi crabe ☆☆☆☆

Une joyeuse assemblée de chasseurs italiens raconte une ancienne légende, vieille d’au moins un siècle : elle a pour héros Luciano, un ivrogne, qui défia le prince de Tuscie qui avait interdit aux bergers et à leurs bêtes le passage à travers sa propriété. Obligé de s’exiler en Terre de Feu, Luciano y partit à la recherche d’un trésor avec comme seule boussole…. un crabe.

La Légende du roi crabe est l’œuvre de deux co-réalisateurs américano-italiens, amis d’enfance, venus du documentaire. En 2013, ils tournaient ensemble un court-métrage consacré à une autre légende colportée par les chasseurs de Vejano, ce petit village du Latium où débute La Légende du roi crabe : elle avait pour principale protagoniste une panthère noire que l’un d’entre eux prétendait avoir vue. Il Solengo en 2015 était consacré à un vagabond, vivant tel un ermite dans les bois près de Rome.

La Légende du roi crabe aurait pu être un documentaire. Il a finalement pris la forme d’une reconstitution historique découpée en deux parties nettement distinctes. La première se déroule dans la campagne romaine à une époque indéterminée, presqu’atemporelle, qui pourrait être la fin du XIXème siècle ou le début du XXième. On y découvre Luciano, un fier-à-bras porté sur la bouteille qui n’hésite pas à tenir tête aux autorités. Cette partie raconte la passion qui l’unit à Maria, la fille d’un paysan qui voit d’un mauvais œil cette amourette.

La seconde partie nous fait traverser l’Atlantique. On se retrouve dans les décors arides, glacés et majestueux de la Patagonie où Viggo Mortensen était déjà allé se perdre dans un film, Jauja, qui présente bien des analogies formelles avec celui-ci (j’en avais fait en douze mots la critique la plus courte de ce blog).
La majesté des paysages fueginos a sur moi un effet puissamment narcoleptique. J’ai vaillamment résisté au sommeil jusqu’à la dernière des quatre-vingt-dix-neuf interminables minutes que compte ce film. Mon endurance a été récompensée par un beau duel au soleil, digne des meilleurs westerns., et par un épilogue dont je ne suis pas sûr d’avoir compris le sens (pour être clair, je ne sais pas si finalement Luciano trouve ou pas son trésor…. et, pour être honnête, je m’en étais désintéressé depuis longtemps)

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Goliath ★☆☆☆

Patrick (Gilles Lellouche) est un avocat parisien spécialiste en droit de l’environnement, qui se bat inlassablement pour obtenir la reconnaissance du préjudice subi par la veuve de sa cliente, décédée d’un cancer causé par l’exposition à la tétrazine, un dangereux pesticide. France (Emmanuelle Bercot) est prof d’EPS dans un lycée breton. Quand Zef (Yannick Rénier), son compagnon, rechute du même cancer que celui qui a tué la cliente de Patrick, France décide de s’engager dans l’action violente. Matthias (Pierre Niney) est un lobbyiste très introduit et très grassement rémunéré qui sillonne le monde à partir de Bruxelles pour défendre les causes les plus indéfendables, en compagnie de son collègue Paul (Laurent Stocker).
Matthias et Paul sont dans le camp des Goliath, Patrick, France et Zef dans celui des David.

On ne saurait nier à Goliath une sacrée efficacité. Frédéric Tellier, le réalisateur de L’Affaire SK1 et de Sauver ou Périr (avec Pierre Niney déjà) sait y faire pour entrelacer les fils d’une histoire, camper des personnages, faire monter la tension dramatique.

C’est moins les moyens qu’il utilise avec brio que les fins qu’il poursuit qui expliquent mes réticences devant son dernier film.

Goliath évoque le glyphosate de Monsanto, ce pesticide commercialisé par Monsanto sous l’appelation Roundup, massivement utilisé à travers le monde et suspecté d’être cancérigène. Un carton au début du film passablement confus explique que son contenu s’inspire de faits réels, bien qu’il soit une pure fiction, mais qu’il n’est pas sans lien avec l’actualité. D’ailleurs on met sur le dos du glyphosate les effets secondaires du thalidomide. Dans Goliath, le glyphosate devient la tétrazine et Monsanto est rebaptisé Phytosanis.

Depuis plusieurs dizaines d’années la polémique est vive entre les pro- et les anti-, les David qui dénoncent la dangerosité du glyphosate et militent pour son interdiction, les Goliath qui défendent les géants de l’agroalimentaire qui le commercialisent, vantent ses avantages et minimisent ses risques.
Je serais bien prétentieux d’exprimer une opinion sur la question, sauf à revendiquer un savoir que je ne possède pas ou à me ranger dans les rangs de ceux qui, si nombreux ces temps-ci, qu’il s’agisse de pandémies, de vaccins, de médicaments, ont décidé, contre toute raison de faire prévaloir leurs préjugés et leurs défiances sur le discours « officiel » d’autorités, politiques ou scientifiques, qui disent-ils ont trahi leur confiance.

Mais ce qui m’a dérangé dans Goliath est la caricature manichéenne dans laquelle verse Frédéric Tellier pour servir sa cause.
Les Goliath y sont très méchants. Leur cynisme est sans limite. Leur richesse est insolente. Ils voyagent en première classe, trinquent au champagne du matin au soir, constituent une clique exclusivement masculine (bouh ! les phallocrates !),  composée d’avocats, de lobbyistes, de sénateurs (le « sénateur » est tellement plus haïssable que le député) et de conseillers de cabinets passés par les mêmes écoles et formatés dans le même moule. Si leurs sophismes sont efficaces, ils font néanmoins preuve d’une légèreté déroutante en conservant dans leurs coffres-forts la preuve qui signe leur crime.
Les David y sont au contraire très gentils. Pendant que les Goliath boivent du champagne dans l’atmosphère compassée d’un palace cinq étoiles, les David festoient joyeusement au cidre dans un hangar à bateaux des Côtes d’Armor. Parmi les David, on trouve un couple d’agricultrices (l’homosexualité, c’est tellement plus cool que la bourgeoise hétérosexualité de Matthias et de sa femme enceinte). Les enfants des David font du cirque et apprennent à marcher sur une corde raide, pendant que ceux des Goliath reçoivent des sacs Prada pour leur quatorzième anniversaire et vont en Cadillac blanche au concert d’Ariana Grande….

Goliath ploie sous son dispositif trop caricatural. Il veut à tout prix susciter l’empathie pour ses héros unanimement admirables (on ne dira rien de la dernière apparition de France dont le dossier de presse nous apprend, pour notre plus grand soulagement, qu’elle a été réalisée avec des effets spéciaux) et la détestation de ses anti-héros si cyniques. Il y arrive souvent car Frédéric Tellier maîtrise à la perfection les codes du thriller. Mais, comme BAC Nord il y a quelques mois, Goliath m’a laissé un arrière-goût désagréable. Je dois balayer devant ma porte : j’avais mis trois étoiles à Bac Nord, je n’en mets qu’une à Goliath. Une contradiction de plus ?

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Vous ne désirez que moi ☆☆☆☆

En novembre 1982, la journaliste Michèle Manceaux (Emmanuelle Devos) vient à Neauphle-le-Château, chez Marguerite Duras, pour y interviewer à sa demande Yann Andréa (Swann Arlaud) qui partage depuis deux ans la vie de l’écrivaine.

Je lis partout des critiques élogieuses du film de Claire Simon sorti déjà depuis près de deux semaines. On encense l’interprétation de Swann Arlaud et on bien raison de le faire tant elle est subtile, réussissant, sans jamais plagier le vrai Yann Andréa, à en faire vivre les failles. On encense aussi celle d’Emmanuelle Devos, ce qui me laisse plus dubitatif : je n’ai pas trouvé que ses interventions, hésitant entre « Là-dessus, tu dois en dire plus » et « Pardon, je te coupe encore la parole », apportent grand’chose aux échanges.

Mais, au-delà du jeu des acteurs, c’est le regard porté sur le couple hors normes formé par Marguerite Duras (qu’on ne verra jamais sinon à travers quelques images d’archives) et Yann Andréa qui m’a gêné. Sans doute ce couple interroge-t-il : qu’y avait-il entre cette écrivaine au sommet de sa gloire et ce jeune homosexuel un peu (beaucoup) paumé de trente-huit ans son cadet ? De l’amour ? de l’attirance ? du sexe ? Les trois à la fois… et quelques chose d’autre ?

En donnant la parole au seul Yann Andréa, le film se condamne à n’examiner qu’un versant de l’histoire. Et ce versant n’est pas agréable à voir. L’amant souffre. Il souffre au point de confesser une tentative de suicide. Suscite-t-il pour autant l’empathie ? Guère. Car, aussi subtilement interprété soit-il par l’excellent Swann Arlaud, Yann Andréa donne l’impression d’être une grande chiffe molle, totalement envoûtée et dominée, ayant renoncé à toute autonomie. Même si ce reproche jamais n’effleure, les esprits mal tournés – dont je suis – pourraient le suspecter de parasitisme.
Quant à Marguerite Duras – dont la prose faussement simple et horriblement prétentieuse me donne des boutons (Cf Suzanna Andler) – elle ne ressort pas grandie de cette histoire, sorcière maléfique, mante religieuse qui étouffe son amant après l’avoir vidé de son suc.

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After Blue (Paradis sale) ☆☆☆☆

Après que la Terre est devenue inhabitable, ses habitants ont migré dans une autre planète, After Blue. Seules les femmes survivent à cet exode et s’organisent en micro-communautés autosuffisantes.
La jeune Roxy (Paula Luna) est une adolescente renfermée qui un jour, sur une plage, sauve Kate Bush (Agata Buzek), une femme condamnée à être enterrée vivante. Roxy et sa mère (Elina Löwensohn) sont tenues pour responsables de l’élargissement de cette criminelle et sommées de la retrouver et de la liquider malgré leur manque d’expérience des armes. C’est le début pour elles d’une longue quête ponctuée de nombreuses rencontres.

Il y a quatre ans sortait Les Garçons sauvages, le premier long métrage de Bertrand Mandico. Je l’avais détesté. J’en faisais à l’époque une critique assassine, tout en reconnaissant l’originalité du cinéma de ce cinéaste transgressif venu du court et du moyen métrage.

Je pourrais presque la recopier au mot près. Avec une circonstance aggravante. Cette fois-ci, Mandico n’a pas le privilège de l’originalité. Il bégaie le même cinéma que celui que Les Garçons sauvages nous avait fait découvrir. La même esthétique kitsch filmée à grands coups de fumigènes où l’on retrouve la même créature monstrueuse que dans Ultra pulpe. Le même métissage de science-fiction, de fantasy, de roman d’aventures cette fois-ci mâtiné de western. Le même féminisme radical et, en même temps, malaisant : rassembler un casting exclusivement féminin et filmer ses actrices à poil (Le Monde, qui fait rarement preuve d’un tel humour, titre sur « La Planète des seins ») est-il la marque d’un féministe engagé ou d’un vieux voyeur libidineux ? Les mêmes provocations gratuites (des seins éjaculent) qui lui valent une interdiction aux moins de douze ans. Les mêmes actrices (Elina Löwensohn, la compagne de Mandico à la ville, Vimala Pons, Nathalie Richard) aux voix postsynchronisées. Les mêmes dialogues bâclés. Un scénario tout aussi indigent dont on comprend vite qu’il n’est qu’un prétexte à une succession de saynètes.

Comme dans Les Garçons sauvages, Mandico nous propose de nous emmener dans un trip hypnotique qui n’appartient qu’à lui. Heureux ceux qui s’y laissent embarquer. Au vu des spectateurs qui ont quitté le film en cours de séance, étouffant un fou rire ou une injure rageuse, il est à craindre que soient plus nombreux ceux qui, comme moi, seront restés sur le bord du chemin.

La bande-annonce