Le Léopard des neiges ★☆☆☆

Une équipe de télévision locale vient filmer un fait divers dans une ferme retirée des hauts plateaux tibétains. Un léopard des neiges a pénétré nuitamment dans un enclos et y a tué neuf béliers castrés. Le fermier, furieux, refuse de le relâcher, en violation de la législation sur les espèces protégées, et réclame de l’administration d’être indemnisé pour la perte de ses bêtes.

Les amateurs de grands espaces et d’exotisme avaient vu les précédents films de Pema Tseden (1969-2023) : Tharlo (2015), Jinpa (2018), Balloon (2019). J’avais reproché aux deux premiers films de Pema Tseden leur maniérisme et leur esthétisme un peu vain. Je leur avais mis une étoile seulement. J’avais été plus indulgent avec Balloon qui s’inscrivait dans une veine plus naturaliste et lui avais mis deux étoiles.

Le Léopard des neiges s’inscrit dans la même veine du conte naturaliste sur fond de sublimes paysages désertiques. Il raconte simplement une histoire simple. Il a le mérite, sans sombrer dans le mysticisme qui souvent nimbe l’image qu’on se fait ou qu’on donne du Tibet, de décrire les relations au jour le jour qui s’y tissent. Les éleveurs tibétains, les journalistes de la capitale, les policiers Han y coexistent en bonne intelligence, maniant plus ou moins aisément le mandarin comme le tibétain et essayant tant bien que mal de construire un « vivre-ensemble ».

La principale qualité de ce film est aussi son principal défaut. Sa simplicité en épuise vite le motif. Un motif universel qui aurait pu, au plan près, mettre en scène un fier éleveur pyrénéen, révolté contre les exactions commises par les ours ou son cousin bas-alpin face à des loups. Chacun a ses raisons : l’éleveur qui entend légitimement défendre son troupeau et vivre du commerce de sa viande, comme l’écologiste qui s’enthousiasme pour la beauté et l’élégance racée de ces espèces protégées.

La bande-annonce

Knit’s Island ★★★☆

DayZ est un jeu vidéo RPG en ligne vendu à plusieurs millions d’exemplaires à travers le monde depuis sa sortie en 2018. Les joueurs évoluent dans une république post-soviétique dont la population a été transformée en zombies menaçants. Ils doivent s’organiser pour survivre, soit en coopérant, soit en s’entretuant.
Trois anciens étudiants des Beaux-Arts de Montpellier, Ekiem Barbier, Guilhem Causse et Quentin L’helgoualc’h, qui avaient ensemble consacré un précédent documentaire au phénomène GTA V, ont filmé leur immersion dans l’univers de DayZ.

Knit’s Island est incroyablement novateur. Il s’agit d’un documentaire entièrement filmé en image de synthèse. Même si vous n’avez jamais joué à un jeu vidéo en ligne – ce qui est (hélas ou tant mieux) mon cas – vous avez déjà vu ces images, de plus en plus réalistes, qui gardent toutefois encore une artificialité dérangeante, notamment dans la retranscription du corps humain, de ses mouvements et des expressions de son visage.

Les trois réalisateurs disent avoir passé près d’un millier d’heures en ligne pendant quatre ans. Ils ont tourné près de deux cents heures de rushes dont ils ont extrait les quatre-vingt-dix minutes du film.

Knit’s Island aurait pu raconter une histoire. C’aurait pu être un film d’horreur survivaliste sur une bande de journalistes venus tourner un documentaire au cœur de ce jeu video et devenant la proie de zombies décérébrés et/ou d’humains cruels. Mais, fidèle de bout en bout à son cahier des charges, Knit’s Island est un documentaire, semblable en tous points à celui que trois documentaristes seraient allés tourner sur une île exotique en interrogeant ses habitants. On y croise plusieurs joueurs, ceux qui y laissent exprimer leurs penchants les plus sadiques, ceux au contraire qui y réinventent un vivre-ensemble plus solidaire. Parfois, dans ces témoignages, affleure un peu de leur personnalité : on y apprend qui ils sont, où ils vivent, quel est leur environnement familial….

Knit’s Island pose plusieurs questions diablement stimulantes sur la virtualité. La plus évidente est celle des frontières entre le réel et la virtualité : s’agit-il de deux mondes imperméables l’un à l’autre ? ou, pour la poser autrement : les experiences vécues dans les mondes virtuels impactent-elles la vie réelle ? par exemple, va-t-on essayer de rencontrer irl (in real life) les joueurs qu’on a croisés dans DayZ ? Knit’s Island pose aussi des questions intimes : que recherche-t-on dans le jeu en ligne ? une évasion ? un défouloir ? une sociabilité que la « vraie vie » ne nous procure pas ? Les plus délicates sont éthiques et juridiques : les notions de Bien et de Mal s’appliquent-elles dans DayZ de la même façon que dans la « vraie vie » ? est-on « responsable » des actes qu’on y commet ?

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Excursion ★☆☆☆

Pour se rendre intéressante, Iman laisse croire à ses camarades de classe qu’elle a couché avec Damir, le garçon dont elle est secrètement amoureuse, et même qu’elle en est tombée enceinte. La nouvelle se répand et fait scandale.

Excursion est le premier film d’une jeune réalisatrice bosnienne. Il se déroule de nos jours à Sarajevo. Il s’inspire en partie d’une histoire vraie : une excursion scolaire au retour de laquelle pas moins de sept collégiennes étaient tombées simultanément enceintes. Ici, les faits ne se déroulent pas durant l’excursion scolaire que la classe d’Iman est sur le point d’effectuer, en Italie peut-être, mais avant elle. C’est le scandale suscité par la grossesse d’Iman qui remet en cause cette excursion qui jamais ne se fera. Si bien qu’au final le titre du film semble décalé par rapport à son objet sinon hors sujet.

La blonde Iman, la coupe à la garçonne, élevée par deux parents divorcés, est prise au piège de son mensonge et de ses conséquences. On aurait mauvaise grâce à ne pas saluer la prestation d’Asja Zara Lagumdžija ; mais les états d’âme et les situations qu’elle traverse sont trop éculés pour susciter l’intérêt. Ce film sur l’adolescence et ses tourments ne propose rien de neuf qu’on n’ait déjà vu par ailleurs.

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L’Échappée ★★☆☆

Une jeune femme noire et solitaire erre au milieu des touristes d’une île grecque. Elle refuse tout contact, vit de quignons de pain et dort à la belle étoile. Lentement, son identité se dévoile. Jacqueline est libérienne et fuit un passé traumatisant. Une guide américaine, Callie, va progressivement conquérir sa confiance.

Je craignais le pire de L’Échappée. Je redoutais une histoire lente, ennuyeuse, sans enjeu. Mes préjugés étaient déplacés. J’ai au contraire beaucoup apprécié ce film cosmopolite tourné en Grèce par Anthony Chen, un réalisateur singapourien (Ilo Ilo, Un hiver à Yanji), avec des acteurs britanniques, adapté du roman d’un écrivain américain que je vais m’empresser de lire.

Certes, on a tôt fait de pressentir le drame enfoui dans le passé de Jacqueline, qui se révèle par une succession de flashbacks assez patauds. Mais cette révélation, utile à la compréhension du personnage, ne vide pas le film de tout enjeu. Un autre se noue dans la relation entre Jacqueline et Callie. On en pressent d’avance le dénouement. Mais, là encore, ce suspense éventé ne nuit pas au film.

Ma critique est décidément paradoxale. J’aimerais dire du bien de cette Échappée que j’ai aimée mais ne fais qu’en énumérer les défauts. La raison en est peut-être que j’y ai retrouvé les paysages d’Egine et du petit restaurant d’Agia Marina où j’avais déjeuné en avril dernier.

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La Veuve joyeuse (1934) ★★★☆

La Marchovie est en émoi : une très riche veuve (Jeannette MacDonald), dont les impôts financent à eux seuls la moitié du budget de ce petit royaume d’Europe centrale, menace de s’expatrier à Paris. Une seule solution : y dépêcher le comte Danilo (Maurice Chevalier), un fringant officier et un Don Juan, pour qu’il la séduise, l’épouse et la convainque de revenir en Marchovie.

En plus d’être l’une des plus célèbres opérettes de tous les temps, La Veuve joyeuse est un film mythique. Ernst Lubitsch y déploie tout son talent. Son film est d’une folle élégance. Élégance des costumes et des décors bien sûr, même si son noir et blanc n’en restitue pas toute la richesse. La Veuve joyeuse fut à l’époque l’un des films les plus chers jamais réalisés. Les scènes de bal y sont éblouissantes. Mais plus encore élégance des situations et des sentiments.

La Veuve joyeuse est un film d’une grande sensualité dénué de tout sentimentalisme. C’est la marque des films de Lubitsch qui parle souvent d’amour mais ne sombre jamais dans la sentimentalité. S’y joue le jeu de l’amour sinon celui du hasard, entre des hommes et des femmes qui s’attirent et se repoussent, qui se repoussent pour mieux s’attirer, comme dans les comédies de Hawks ou de Capra. Pour autant, La Veuve joyeuse n’est pas un film vulgaire, tout au contraire. C’est un film drôle, au prétexte presque rocambolesque, on se croirait dans Le Sceptre d’Ottokar.

Jeannette MacDonald n’a peut-être pas le charisme des stars hollywoodiennes. C’était une chanteuse plus qu’une actrice et c’est sa voix qu’on entend dans les solos. Maurice Chevalier était la coqueluche de l’Amérique. Son accent très français y faisait merveille. Son jeu outré a mal vieilli. Pour autant, La Veuve joyeuse n’en reste pas moins un chef d’œuvre lubitschien à la hauteur de sa réputation.

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Possession (1981) ★☆☆☆

De retour chez lui à Berlin d’une longue mission, Mark (Sam Neill) retrouve sa femme (Isabelle Adjani), qui veut le quitter, et son fils. Mark est persuadé qu’Anna entretien une liaison avec Heinrich (Heinz Bennent) ; mais celui-ci lui soutient que leur liaison est aujourd’hui terminée. Avec l’aide d’un détective privé qu’il a embauché, Mark retrouve face au Mur l’appartement où Anna a ses mystérieux rendez-vous et découvre avec stupéfaction les causes de son inéluctable éloignement.

Possession est un film culte. L’interprétation hallucinée et hallucinante d’Isabelle Adjani lui a valu le prix d’interprétation féminine à Cannes (un prix qui, fait unique dans l’histoire du festival lui fut décerné pour son rôle dans deux films en compétition cette année là : Possession et Quartet de James Ivory) et le César de la meilleure actrice (le premier des cinq qu’elle a obtenus dans cette catégorie).

À première vue, Possession est un film d’horreur qui, comme son titre l’indique, raconte l’envoûtement d’une femme. Mais, à y regarder de plus près, c’est aussi, c’est peut-être surtout l’historie de la désintégration violente d’un couple. C’est peut-être aussi, nous disent des exégètes mieux inspirés que moi, une allégorie sur le double, voire une critique du communisme et du totalitarisme.

À quarante ans de distance, Possession est un film qui a mal vieilli. L’hystérie, la violence qui l’habitent sont épuisantes. Il est à craindre que le traitement que Zulawski a infligé à son actrice lui vaudrait aujourd’hui un procès pour harcèlement. Adjani raconte d’ailleurs sans fard le traumatisme qu’elle a subi sur le plateau. On la croit volontiers.

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Il était une fois l’Amérique : Hospital (1970) ★★★★

À l’occasion de la rétrospective intégrale programmée au Centre Pompidou de l’ensemble de ses films, Meteor Films, son distributeur en France, ressortent en salles trois de ses documentaires réalisés en noir et blanc au tout début de sa carrière, au tournant des années soixante et soixante-dix. Frederick Wiseman y entame son immense radioscopie des institutions américaines : après un hôpital psychiatrique (Titicut Folies) et un lycée (High School), Frederick Wiseman pose sa caméra dans une brigade de police du Missouri (Law and Order), un grand hôpital new-yorkais (Hospital), un tribunal pour mineurs du Tennessee (Juvenile Court).

Les règles de la grammaire qui régira toute son oeuvre sont déjà posées : des documentaires-vérité, tournés avec une équipe minimale (un cadreur et Wiseman lui-même qui se charge de la prise de son), des heures de rushes, aucun carton explicatif, aucune voix off pour contextualiser et expliquer des images qui parlent d’elles-mêmes grâce à un énorme travail de découpage et de montage.

Hier soir, une conférence-débat était organisée au MK2 Beaubourg devant une salle comble, appâtée par la présence du réalisateur. Hélas, Frederick Wiseman, affaibli par le grand âge (il aura quatre-vingt-quinze ans le 1er janvier) a dû se décommander. Le débat, animé par Hervé Brusini, n’en a pas moins été passionnant. Y participaient Charlotte Garçon des Cahiers du cinéma, la sociologue Nadège Vézinat dont sort aujourd’hui en librairie Le Service public empêché et le documentariste Jean-Xavier Lestrade (Un coupable idéal, Laëtitia) qui a adressé aux films de Wiseman le plus juste des compliments : « ils nous rendent plus intelligents ».

Je pensais avoir vu les meilleurs documentaires de Wiseman et plaçais tout en haut Welfare sur les déshérités qui affluent dans un centre d’assistance sociale à New York. Mais Hospital m’a plus enthousiasmé encore au point que c’est lui que je conseillerais à qui n’aurait jamais vu de documentaire de Wiseman.

On y découvre, de l’intérieur, le fonctionnement d’un grand service public. On y découvre ses employés dévoués mais débordés et ses usagers qui ne demandent qu’une chose : qu’on leur manifeste un peu d’humanité. Les scènes, captées sur le vif, se succèdent dans un tempo qui ne languit jamais. On y voit un gamin en larmes abandonné à lui-même pour lequel les infirmières cherchent désespérément un lit, un travesti pris en charge par un psychiatre qui essaie sans succès d’en confier le soin à l’assistance sociale qui n’en veut pas, une femme âgée, intubée, qui manque de mourir d’un grave œdème pulmonaire, veillée par un prêtre en soutane…

Hospital ressemble à la vie. On y traverse toute une gamme d’émotions. On est ému aux larmes du corps squelettique d’un malade, dont on pressent la fin prochaine, silencieusement ausculté par un médecin. On rit à gorge déployée devant un jeune beatnik sous emprise vomissant tripes et boyaux en plein bad trip. Le film dure 1h24 et on est frustré qu’il se termine si vite – Wiseman aura entendu notre frustration dont les films suivants seront beaucoup plus longs au point de friser l’overdose.

Jean-Xavier de Lestrade a encore raison en citant les deux réalisateurs qui ont influencé son travail et celui de tous les documentaristes français : Wiseman et Depardon. D’ailleurs Hospital rappelle Urgences de Depardon, tourné à l’Hôtel-Dieu de Paris avec le même dispositif une vingtaine d’années plus tard. Sur les deux rives de l’Atlantique (Wiseman s’est installé en France et y a réalisé plusieurs films, sur la Comédie-Française, l’Opéra de Paris, le Crazy Horse ou le restaurant gastronomique des frères Troisgros à Roanne), Wiseman filme les institutions, ceux qui y travaillent, ceux qui en sont les usagers ou les clients. À rebours de tout manichéisme, sans en faire ni le procès ni la publicité, il en décortique le fonctionnement, en révèle les injonctions contradictoires. Magistral.

La bande-annonce

Silex and the City, le film ★☆☆☆

Inutile de présenter au Paléolithique, 40.000 ans av. J.-C., la famille Dotcom, le père, Blog, professeur de chasse, la mère, Spam, professeure de préhistoire-géo, et leurs deux enfants, la fille Web, en pleine crise d’adolescence, et le fils Url, militant « alter-darwiniste ». Les bandes dessinées créées par Jul en 2009 et publiées chez Dargaud (le dixième opus est sous presse) puis la centaine de mini-épisodes de trois minutes à peine diffusés sur Arte de 2012 à 2017 leur ont valu une grande notoriété. Après les BD, après la série TV, l’évolution logique de ce produit populaire appelait le film sur grand écran.

Pour réaliser un long métrage, Jul, assisté à la réalisation par Jean-Claude Guigue, s’est donné les moyens de ses ambitions. Il a rassemblé un casting impressionnant avec des acteurs confirmés (Guillaume Gallienne, Frédéric Pierrot, Raphaël Quénard, Léa Drucker…) et des guest stars improbables (Frédéric Beigbeder, Amélie Nothomb et…. François Hollande !). le problème est que le film va tellement vite qu’on ne les reconnaît pas tous.

Tel est d’ailleurs le reproche plus global qu’on pourrait adresser à cette adaptation. Elle fonctionne selon la même formule que les épisodes de trois minutes : la satire de notre époque dans un univers paléolithique à coup de jeux de mots potaches (les parents Dotcom enseignent en « zone d’évolution prioritaire ») et d’anachronismes décalés. Mais ce qui fonctionne pendant trois minutes ne fonctionne pas de la même façon pendant une heure vingt. Les jeux de mots s’enchaînent à un tel rythme qu’on en rate une bonne partie et que, quand bien même on les saisirait, ils deviennent vite lassants. D’autant que le prétexte du film – Blog et Web ramènent d’un voyage dans le temps, filmé en caméra réelle, une clé coudée  Ikéa qui révolutionne leur civilisation – n’est pas suffisamment intéressant pour maintenir l’intérêt. Dommage…

La bande-annonce

Langue étrangère ★★☆☆

Fanny (Lilith Grasmug, l’héroïne habitée par la grâce de Foudre) est lycéenne. Elle part en Allemagne à Leipzig chez sa correspondante allemande, Lena. Les deux adolescentes sont aussi dissemblables que possible. La brune Fanny est timide ; la blonde Lena est extravertie et militante.

Tout est inscrit dans ce titre polysémique. Langue étrangère renvoie d’abord à une expérience, aussi traumatisante qu’excitante, que beaucoup d’adolescents ont vécue : le séjour linguistique dans un pays étranger, dont on ne possède que quelques rudiments scolaires de la langue, loin de ses parents pour la première fois de sa vie, dans un foyer étranger dont les us et les coutumes sont inconnus, l’occasion de quelques timides transgressions (la première cigarette, la première cuite….).
Langue étrangère renvoie à un autre registre que la bande annonce spoile : l’attirance homosexuelle de Fanny pour sa correspondante et l’occasion de premières et timides expérimentations.

À ce cahier des charges déjà bien rempli se rajoutent encore quelques strates au risque de la surcharge : les grandes questions politiques qui mobilisent la jeunesse (la lutte contre le réchauffement climatique, la mobilisation anti-fasciste….) et la relation ados-parents ici incarnés par deux stars allemande et française, Nina Hoss, à contre-emploi dans un registre auquel cette immense actrice ne nous avait pas habitués, et Chiara Mastroianni dont je trouve qu’en vieillissant, elle se « deneuvise » de plus en plus, pour le meilleur et pour le pire.

J’avais beaucoup aimé les précédents films de Claire Burger, C’est ça l’amour en 2018 et, plus encore, Party Girl en 2013 co-réalisé avec Maria Amachoukeli. Je n’ai pas été déçu par ce Langue étrangère, ardent et bien écrit, dont le scénario, dont on aurait pu craindre qu’il fasse du surplace, réussit à créer de la tension autour d’un mystère qui se dissipe lentement.

La bande-annonce

Septembre sans attendre ★☆☆☆

Après quatorze ans de vie commune, Ale (Itsaso Arana) et Alex (Vito Sanz) ont décidé de rompre. Sans fracas ni bris de vaisselle. Bien au contraire ! Ils ont même décidé de célébrer l’événement en organisant une « fête de séparation » le dernier jour de l’été. Cette annonce plonge leurs amis dans la sidération, qui essaient par tous les moyens de les en dissuader.

Jonás Trueba est le fils de son père, le grand Fernando Trueba, et la nouvelle coqueluche du cinéma espagnol. Souvent comparé à Rohmer, il a deux acteurs fétiches : Itsaso Arana, sa compagne – qui est elle-même passée à la réalisation avec Les filles vont bien – et Vito Sanz. Septembre sans attendre peut d’ailleurs se lire comme le troisième (et dernier ?) volet d’une trilogie qui les met en scène : le premier, Eva en août, un film accueilli par une critique unanime, la mienne exceptée, racontait la naissance du sentiment amoureux ; le deuxième, Venez voir, la banalité quotidienne de la vie d’un couple ; le troisième met en scène sa séparation.

Décidément hermétique au cinéma de Jonás Trueba dont aucun des films n’a trouvé grâce à mes yeux (j’avais trouvé ambitieux et décevant son documentaire de 3h40 sur la jeunesse madrilène Qui à part nous), je reproche à Septembre sans attendre deux défauts.

Le premier est son postulat de base, que je trouve improbable. Qui aurait l’idée malaisante d’organiser une « fête de séparation » ? Quel en serait le déroulement ? Quels discours y seraient prononcés : « je souhaite beaucoup de bonheur à Nathalie et à Eric…. mais pas ensemble » ?! D’ailleurs [attention spoiler] le scénario ne sait pas comment s’en dépêtrer qui ne montre quasiment rien de cette fête alors que tout le film est consacré à ses préparatifs.

Le second est l’enjeu du film. Dès ses premières minutes, alors qu’on ne sait pas les motifs de la séparation d’Ale et d’Alex – et qu’on n’en saura rien – le principe de cette fête est arrêté. Dès lors, le film se réduit à l’annonce, répétitive, de cette échéance aux amis du couple, à son père à elle, à sa mère à lui. Et son seul enjeu devient : Ale et Alex se sépareront-ils comme ils l’ont décidé ou y renonceront-ils, comme tous leurs amis et tous les spectateurs le souhaitent et comme leur complicité manifeste le laisse augurer ?

J’ai lu que Septembre sans attendre serait une « comédie du remariage ». La coupe à la Kathrine Hepburn de Itsaso Arana en serait la preuve, ainsi que la référence au livre de Stanley Cavell À la recherche du bonheur qui en a théorisé la structure. Hélas, il n’a pas l’élégance frivole des meilleurs films de Hawks, de Capra ou de Lubitsch. Vendu, par Télérama et par une excellente amie expatriée en Roumanie comme une « comédie douce-amère », Septembre sans attendre n’est ni drôle, ni doux, ni amer, mais bavard et insipide. Ma belle-soeur et ma nièce avaient bien raison qui ont failli quitter la salle au bout de trente minutes !

La bande-annonce