Gondola ★☆☆☆

Dans des montagnes reculées de Géorgie, un téléphérique hors d’âge traverse la vallée pour relier deux villages isolés. Lorsque son conducteur trépasse, une jeune femme est embauchée pour le remplacer par le superviseur autoritaire et libidineux. Elle fait la rencontre de l’autre cabinière qu’elle croisera désormais en plein ciel à chaque rotation. Entre les deux femmes qui partagent la même créativité et le même humour, l’attirance est immédiate.

Veit Helmer est un réalisateur allemand qui tourne partout dans le monde des comédies burlesques quasiment sans paroles. Absurdistan (2008) se déroulait en Azerbaïdjan, Baikonur (2011) au Kazakhstan. Il a décidé cette fois ci de poser sa caméra en Géorgie et d’y faire tourner des inconnus.

Le cinéma burlesque peut se revendiquer d’une longue histoire. Sans remonter aux glorieux ancêtres (Charlie Chaplin, Buster Keaton…), Jacques Tati, ou plus près de nous Wes Anderson, son presque homonyme suédois Roy Andersson ou Aki Kaurismäki s’en revendiquent avec un immense talent.

Dans Gondola, le pari culotté est tenu. Pas une seule parole n’y est prononcée. À défaut de dialogues, le sens doit passer par d’autres canaux moins utilisés : l’expression des visages, le cadrage, le montage…. Cette audace stylistique est séduisante. Surtout quand elle se met au service d’une ode à la vie et à l’amour.

Mais hélas, Gondola se réduit très vite à une succession de saynètes. Chaque rencontre des deux cabines, au-dessus du vide, est l’occasion pour les deux conductrices de faire assaut d’inventivité, par exemple de se lancer dans un numéro de claquettes, de transformer leur cabine en vaisseau pirate ou d’improviser quelques accords de musique. Prise séparément, chacune de ces saynètes est un petit bonbon ; mais montées à la file, elles deviennent vite répétitives et ennuyeuses. Le film na beau ne durer qu’une heure vingt-deux à peine, on a l’impression qu’il se traîne interminablement.

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Comme le feu ★★☆☆

Blake (Arieh Worthalter), un riche réalisateur, invite son vieil ami Albert (Paul Ahmarani) à passer quelques jours dans un chalet qu’il possède au cœur de la forêt québécoise. Albert fut longtemps le scénariste des films de Blake avant que les deux hommes prennent des chemins différents. Albert est accompagné de sa fille, Aliocha et de son fils, Max, et du meilleur ami de celui-ci, Jeff, qui se consume d’amour pour Aliocha.

Un dîner entre amis qui dégénère, les contentieux passés pas encore tout à fait soldés et les secrets enfouis remontant sournoisement à la surface, les convives qui par convenance feignaient de s’apprécier s’affrontant de moins en moins courtoisement. La formule a été utilisée jusqu’à la corde au théâtre comme au cinéma. Elle l’a été pas plus tard que le mois dernier avec Dîner à l’anglaise ou le mois d’avant avec Et plus si affinités.

Philippe Lesage, le réalisateur québécois de Genèse, la recycle dans son deuxième film. À la structure-type du dîner entre amis, il apporte trois variations. La première est que l’action se déroule non pas en un seul repas, mais l’espace de trois journées ponctuées par plusieurs repas, filmés en longs plans-séquences, et entrecoupés par plusieurs activités de plein air : une journée à la pêche, une autre à la chasse, une descente en canoë… La deuxième est que ce huis-clos étouffant entre « amis » se déroule dans un environnement aussi majestueux qu’angoissant : l’immense forêt canadienne, coupée du monde, ses lacs et ses rivières, qu’on imagine volontiers couverte de neige l’hiver venu. La troisième est que ce film dure deux heures quarante.

Rien ne justifie cette durée hors normes. Le tout premier plan le montre. On y voit, sur une route déserte , la Mercedes que conduit Albert et les trois ados vers le point de rendez-vous où les attend l’hydravion de Blake, seul moyen d’accès à sa cabane. Le plan aurait pu durer dix secondes à peine. Il s’étire inutilement sur plus d’une minute sans que l’utilité d’une telle longueur saute aux yeux.

Mais cette durée hors normes a néanmoins un avantage. Elle permet de creuser jusqu’au malaise les relations entre les convives. D’un côté, les adultes, Albert et Blake, bientôt rejoints par un couple d’amis parisiens (Irène Jacob & Laurent Lucas en guest stars françaises) s’abîment dans des querelles rances. De l’autre, les adolescents, brûlants de désir, s’attirent et se repoussent. Jeff se révèle être le personnage clé du film, à l’intersection des deux mondes : sa passion pour le cinéma le rapproche de Blake dont il admire  les films ; ses sens en émoi en font la proie idéale du charme incandescent exercé par la séduisante Aliocha.

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Dos Madres ★☆☆☆

Vera (Lola Duenas) est sténotypiste à Madrid. Vingt ans plus tôt, son fils lui a été arraché à la naissance. Elle a décidé de le retrouver par tous les moyens.
À Saint-Sébastien vivent Cora (Ana Torrent) et son fils adoptif Egoz. À l’enfant, la mère a raconté l’histoire qu’on lui avait servie : sa mère biologique serait morte à sa naissance.

Dos Madres documente un scandale politique : la disparition sous le régime franquiste et jusque dans les années 90 de 300.000 enfants déclarés mort-nés et adoptés selon des procédures opaques. Le sujet est suffisamment tragique pour se prêter à un film-dossier édifiant. Mais telle n’est pas la voie que choisit Victor Iriarte, un réalisateur basque qui signe son premier film.

Dos Madres mélange bizarrement les genres. Les scènes de Vera, à Madrid, louchent du côté du film noir, du faux polar, façon Trenque Lauquen ou La Flor, ces films argentins au climat si particulier. Les scènes de Cora au Pays basque sont plus naturalistes. Je ne suis pas sûr d’avoir tout compris de l’intrigue, filandreuse à souhait. Au risque de la divulgâcher, il m’a semblé que Vera retrouvait Cora et Egoz, que le trio partait ensemble au Portugal et planifiait le hold-up du musée d’art et d’histoire de Porto dont les coffres conserveraient le produit du trafic des enfants disparus. Mais je n’ai pas compris si ce hold-up était finalement mené à bien. Pas plus n’ai je compris le trafic auquel se livre Vera au début du film.

La nonchalance avec lequel le réalisateur maltraite son scénario a peut-être ses raisons. L’essentiel serait ailleurs, dans les retrouvailles de ces « deux mères » – pour reprendre le titre français qui a été substitué au titre original espagnol fort obscur, Sobre todo de noche, qu’on pourrait traduire part « surtout la nuit ». Tout est dit dans l’affiche du film : la réconciliation apaisée de deux femmes qui, chacune à leur façon ont follement aimé le même enfant et possèdent un droit légitime à sa filiation.

Le sujet est grave ; la morale est belle ; mais le traitement est trop alambiqué pour convaincre.

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Rétrospective Marcel Pagnol ★★★☆

À l’occasion des cinquante ans de la mort de Marcel Pagnol (1895-1974) est donnée une rétrospective de ses films en version restaurée. C’est l’occasion de les voir ou de les revoir en salles et de ranimer le souvenir lointain que leur diffusion à la télévision avait fait naître.

Tout gamin, parce que mes parents m’avaient offert La Gloire de mon père et que j’en avais aimé la lecture, je me suis mis à acheter compulsivement et à lire toute l’oeuvre de Pagnol, jusqu’à ses titres les moins connus et les plus dispensables : Les Marchands de gloire, Jazz, Judas, Fabien…. Je l’ai encore, sur une étagère de ma bibliothèque, dans de vieilles éditions de poche jaunies d’une collection Presses Pocket aujourd’hui disparue.

Je crois avoir vu certains de ses films enfant à la télévision. Je me souviens nettement de la trilogie marseillaise (Marius, Fanny, César) et de sa célèbre partie de cartes, de La Femme du boulanger et de la non moins célèbre tirade de Raimu (« Ah ! la revoilà la Pomponette ! »). N’étant plus très sûr d’avoir vu les six autres films de cette rétrospective (Jofroi, Angèle, Regain, Le Schpountz, La Fille du puisatier, Topaze), j’ai profité de la pause estivale, et de la climatisation en surrégime de la salle 1 du Champo, pour les enquiller – et m’y enrhumer ce qui est un comble en cette saison. Sacré gageure, chaque film durant plus de deux heures, à l’exception de Jofroi, un moyen métrage de cinquante-deux minutes à peine, aux airs de nouvelle.

J’y ai retrouvé, telle une madeleine de Proust, une langue. L’accent méridional auquel Pagnol a donné ses lettres de noblesse. Mais aussi un français incroyablement châtié qui, loin d’être dialectal ou vulgaire, frise la préciosité. Et des punchlines, comme on dit aujourd’hui, qui font mouche (« Tu n’es pas un bon à rien ; tu es un mauvais en tout ! »). Car la langue est le moteur de ce théâtre filmé. C’est par elle que l’action progresse.

Le cinéma de Pagnol, c’est aussi une troupe d’acteurs inoubliables. Raimu et Fernandel viennent en tête. Ils font tellement partie de notre imaginaire collectif qu’on a oublié de les regarder pour ce qu’ils sont : des acteurs à la présence magnétique. La scène où Fernandel récite sur tous les tons « Tout condamné à mort aura la tête tranchée » dans Le Schpountz est mythique. Il suffit qu’ils entrent en scène pour aimanter le regard. Mais ils ne sont pas seuls. Les entourent une bande de comédiens que Pagnol a su fidéliser et avec lesquels on se plaît à imaginer de film en film les joyeuses retrouvailles : Charpin (le Panisse de la Trilogie), Blavette, Poupon, Maupi, Delmont… sans oublier les actrices qu’il a fait jouer – après les avoir mises dans son lit ou avant de les y mettre – Orane Demazis, Josette Day, Jacqueline Pagnol…

L’oeuvre de Pagnol, d’une grande cohérence, a-t-elle pour autant bien vieilli ? Elle prête doublement le flanc à la critique.
D’une part, volontiers maurrassienne sinon pétainiste, elle fait l’éloge de la terre – qui, on le sait, ne ment pas, elle. La ruralité, ses vraies valeurs, le dur labeur nécessaire à son travail nourricier sont constamment opposés à la ville et à ses artifices.
D’autre part, le cinéma de Pagnol est patriarcal. L’homme y est le chef de famille derrière lequel la femme doit se taire et s’effacer – même si ce machisme est parfois tourné en dérision. La « fille perdue », prompte à céder aux manoeuvres séductrices du premier bellâtre venu qui l’engrossera avant de la mettre sur le trottoir, ternissant à jamais son honneur, est une figure récurrente dans l’oeuvre de Pagnol. On la trouve sous différentes variantes dans Fanny, dans Angèle et dans La Femme du puisatier.
Il est étonnant que les wokes ne se soient pas encore emparés de ces arguments et n’aient pas décoché à Marcel Pagnol quelques flèches anachroniques.

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Mon parfait inconnu ★★☆☆

Ebba a dix-huit ans à peine. La jeune femme solitaire et mythomane vient de quitter sa mère et sa sœur pour prendre son autonomie. Premier boulot pour une société d’entretien sur le port d’Oslo, première voiture, premier appartement dans le sous-sol d’une grande demeure d’un quartier huppé, dont les propriétaires lui confient les clés pendant leurs vacances. Quand, une nuit, son chemin croise celui d’un Bulgare, blessé et amnésique, elle le ramène chez elle en lui faisant croire qu’elle est sa petite amie.

Mon parfait inconnu est le premier film d’une réalisatrice finno-suédoise, dont il n’est pas facile de faire la critique. Son intérêt réside en effet dans de ce qu’y passe, dans ce qu’on imagine qu’il va s’y passer… et dans ce qui ne s’y passe finalement pas.

Cher lecteur, si vous avez l’intention d’aller voir ce film, ne lisez pas ce qui suit. Cette lecture risquerait de gâcher votre plaisir.

Parce qu’on a déjà vu des films aux scénarios très tordus, on en imagine un plus tordu encore. On imagine que le bel inconnu que Ebba recueille feint l’amnésie pour tromper la jeune fille et abuser de son besoin incompressible d’être aimée. Mais le scénario est moins retors qu’on l’avait cru. Le « parfait inconnu » était bien amnésique ; mais il exerçait dans sa vie passée un commerce sordide et la page blanche qu’Ebba lui propose d’écrire avec elle donne au bel inconnu l’occasion d’un nouveau départ riche d’espoirs.
Mais – et c’est là que le scénario comporte un troisième niveau de lecture déroutant – un doute naît chez le spectateur grâce à un habile effet de mise en scène : cette rencontre, cet été passé à deux ont-ils réellement eu lieu ? ou sont-ils le produit de l’imagination fertile d’Ebba ?

Ce troisième niveau de lecture est certes très malin. Mais il n’en reste pas moins un peu « facile ». Il ressemble à ces scènes incroyables qui se terminent par le réveil en sursaut du protagoniste, dont on comprend qu’il vient de faire un rêve. J’aurais aimé un scénario plus retors, similaire à celui que j’avais pressenti, dans lequel Ebba se serait retrouvée victime d’un homme encore plus manipulateur qu’elle. Mais, j’ai du mal à objectiver ce reproche : ne trouve-t-il pas uniquement son origine pour le motif que j’ai vu la première moitié de ce film avec ce soupçon en tête ?

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Pearl ★★★☆

En 1918, au Texas, Pearl est une jeune fille en fleurs dont le mari parti à la guerre ne donne plus de nouvelles. Pearl étouffe à la ferme entre une mère tyrannique et un père paralysé par une attaque cérébrale. Une audition se tient dans quelques jours où elle compte concourir qui lui permettrait de réaliser son rêve : monter sur scène, quitter cette bourgade et devenir enfin une star.

Pearl est le deuxième volet de la trilogie réalisée par Ti West. Le premier, X, se déroulait en 1979 au Texas dans la ferme de Pearl et d’Howard, un couple de septuagénaires qui se révélaient être de dangereux criminels érotomanes. Pearl est le prequel de X qui raconte comment Pearl, l’hideuse nymphomane du premier volet fut jadis une ravissante jeune fille avant de sombrer dans la folie.

Pour des raisons que je ne comprends pas, Pearl, qui fut directement tourné, en Nouvelle-Zélande, dans la foulée de X, est sorti directement en vidéo en France. C’est à l’occasion de la sortie en salles avant-hier de MaXXXine, le troisième volet de la trilogie, que quelques cinémas à Paris et en province (Marseille, Saint-Etienne, Bayonne…) font le choix pertinent de le programmer.

Autant j’ai été peu convaincu par X et par MaXXXine, autant j’ai été enthousiasmé par Pearl. Le premier film de la trilogie, particulièrement sanglant – il est interdit en France aux moins de seize ans – est un remake paresseux de massacre à la tronçonneuse, qui met en scène une demi-douzaine de jeunes gens partis tourner un film porno en Super-8 dans une ferme isolée du Texas avant d’être sauvagement assassinés les uns après les autres. Le troisième film de la trilogie, moins traumatisant – il n’est qu’interdit aux moins de douze ans – se perd dans une improbable enquête policière à la recherche d’un tueur en série dans les rues poisseuses du Los Angeles des années 80.

Le deuxième est tout entier resserré autour de son héroïne et ne raconte qu’une chose : comment Pearl sombre lentement dans la folie. Son parcours est à la fois logique et monstrueux. Pearl est le produit de son milieu et de son hérédité : c’est une jeune fille charmante, douée, qui nourrit l’espoir légitime de « vivre la vie qu’elle mérite » – la formule reviendra dans MaXXXine – et de quitter la ferme qui l’a vue naître. Le cinématographe, un art nouveau à l’époque, cristallise ses fantasmes et ses rêves de célébrité.

Mais cette peinture banale d’une entrée dans l’âge adulte conventionnelle dérape. Il y a chez Pearl quelque chose qui ne tourne pas rond, une déviance criminelle qui l’a conduite à s’en prendre d’abord à des animaux inoffensifs avant de tourner sa rage vers des proies plus grosses.

Mia Goth, qui a participé à l’écriture du scénario avec Ti West, est de tous les plans de cette histoire, ramassée sur quelques jours à peine. On lui donnerait le Bon Dieu sans confession. Elle incarne à merveille une saine jeune fille américaine au sourire Ultra-Brite. Mais sous le vernis des apparences, la folie sourd. On la remarque à quelques détails annonciateurs. Son explosion est impressionnante.

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MaXXXine ★☆☆☆

Six ans après la tuerie, racontée dans X, dont elle a réchappé de justesse au Texas, l’actrice porno Maxine Minx (Mia Goth) décroche enfin un rôle dans une production à gros budget à Hollywood. Il s’agit de la suite d’un film d’horreur dont la réalisatrice (Elizabeth Debicki) a une réputation exécrable. Mais, alors que le tournage se prépare, Los Angeles est agité par des crimes en série, mis en scène comme des rituels sataniques. Les victimes se multiplient autour de Maxine, conduisant le duo de policiers chargés de l’enquête à soupçonner que le jeune femme est liée à l’auteur de ces crimes sanglants.

Deux ans après X et Pearl (directement sorti en vidéo), Ti West clôt la trilogie porno-horrifique construite autour de l’actrice britannique Mia Goth. Il s’agit d’un slasher, un sous-genre du film d’horreur, mettant en scène un tueur psychopathe commettant des crimes atroces. Si X se déroulait dans le huis clos d’une ferme isolée, MaXXXine a pour cadre le Hollywood, crade et poisseux des années 80, avec ses impasses miteuses et ses toilettes nauséabondes.

Mia Goth paie de sa personne dans un personnage de femme puissante, symbole du female empowerment. Elle est très convaincante, comme elle l’était déjà dans X. Mais sa seule performance ne suffit pas à sauver le film qui s’enlise dans une intrigue mollassonne, ponctuée par une série de crimes tous plus sordides les uns que les autres. La résolution de l’enquête et la découverte du criminel tournent au grand n’importe quoi.

On voit mal, hors du cercle étroit des amateurs du genre, quel public cette série B oubliable pourrait séduire.

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Only the River Flows ★★☆☆

Une vieille femme est sauvagement assassinée au bord d’un lac. L’inspecteur Ma Zhe mène l’enquête.

Avec son titre américain, son affiche noctambule, son beau flic ténébreux, Only the River Flows nous promet un polar chinois pur jus. Un genre qui décidément commence à se constituer (Le Lac aux oies sauvages, Un été à Changsha, Les Éternels, Une pluie sans fin, Black Coal…). Certains contiendraient dit-on une critique rampante du régime communiste sinon des évolutions de la société chinoise. Je n’en suis pas absolument convaincu, le fait qu’ils bénéficient de toutes les autorisations de la censure chinoise laissant plutôt penser que leur message est inoffensif.

L’action de Only the River Flows se déroule dans une petite ville chinoise au milieu des années 90. L’énigme policière est riche et rebondissante. Les crimes se succèdent et avec eux défilent plusieurs accusés aux alibis plus ou moins solides : un aliéné, un coiffeur qui cache un lourd secret, un poète qui entretient une relation secrète avec une jeune fille…. Pour mener l’enquête, Ma Zhe est secondé par un jeune acolyte plein de ressources. Son chef, pongiste émérite, exerce sur lui une pression de chaque instant. Pendant ce temps, l’épouse de Ma Zhe traverse une grossesse à risques et hésite à y mettre un terme après les résultats d’une amniocentèse non concluante.

On se dit qu’on est en train de voir un excellent polar et on est impatient d’en découvrir le dénouement quand (attention spoiler) le scénario capote. Au lieu d’aller au bout de sa logique, au lieu d’élucider le mystère qu’il avait construit avec une ingéniosité sadique, le scénario change de pied, passe à autre chose – l’obsession maladive du flic pour son enquête façon La Nuit du 12 – au risque de nous frustrer.

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Dîner à l’anglaise ★☆☆☆

Sarah et Tom habitent une maison à étages à Hampstead, un quartier chic de Londres. Ils sont contraints de la vendre pour résoudre leurs difficultés financières et viennent de trouver un acheteur. Ils y organisent un ultime dîner avec leurs meilleurs amis, Richard et Beth. Une cinquième convive s’est invitée, Jessica, l’auteur à succès d’un roman autobiographique.

Le titre français de The Trouble with Jessica annonce la musique. On sera dans un film à l’humour britannique. L’unité de temps – tout se déroule en l’espace d’une soirée – l’unité de lieu – on ne sortira quasiment pas de la maison de Sarah et Tom – l’unité d’action – le film est tendu par un seul enjeu : Sarah et Tom réussiront-ils à conclure la vente de leur maison ? –  sont respectées. On pressent qu’on sera au théâtre, à mi-chemin de la comédie de boulevard et de l’enquête policière façon Agatha Christie. On se trompe en partie : il n’y aura pas de crime à élucider même si un convive va bientôt trouver la mort. Quant à la comédie, elle est plus grinçante que rigolote.

Dîner à l’anglaise pratique l’humour noir. Il cherche à nous faire (sou)rire en évoquant les affres de la vie de couple et en dénonçant l’hypocrisie de la bonne société londonienne. Aussi réussi soit-il, Dîner à l’anglaise reste prisonnier d’un genre essoré : le théâtre filmé et le bon vieux ressort du cadavre dans le placard.

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To the Moon ★★☆☆

Le président Kennedy promet en 1962 qu’un homme poserait le pied sur la Lune avant la fin de la décennie. Mais la NASA, engluée dans des problèmes à répétition, craint de ne pas respecter cette échéance. Pour retrouver la confiance du public et le soutien du Congrès, un mystérieux conseiller de la Maison-Blanche (Woody Harrelson) embauche Kelly Jones (Scarlett Johansson), une des consultantes en relations publiques les plus rouées de Madison Avenue. Mais son arrivée à Cap Canaveral n’est pas du goût de Cole Davis (Channing Tatum), le directeur de la mission Apollo 11 .

To the Moon fait fond sur un des mythes complotistes les plus fameux : l’alunissage du 21 juillet 1969 n’aurait jamais eu lieu mais aurait été filmé en studio. To the Moon imagine que la Maison-Blanche aurait en effet filmé cette séquence pour la diffuser en cas d’échec de la mission Apollo 11. La pimpante Scarlett Johansson incarne une publicitaire sans scrupules chargée de ce projet top secret. Face à elle, le beau ténébreux Channing Tatum campe lui la Vérité outragée avec un V majuscule. Pour donner plus de relief aux deux personnages, dont les traits semblent figés dans des tonnes de fond de teint, le scénario leur invente un passé tourmenté : à elle, une enfance contrariée placée sous le sceau du mensonge et de la fuite, à lui le remords indélébile de la mort accidentelle de trois de ses collègues dans la mission Apollo 1.

À mi-chemin de L’Etoffe des héros, de Mad Men et de L’Impossible Monsieur Bébé, To the Moon coche toutes les cases : le suspense de la conquête spatiale, l’élégance des toilettes des années 60 (ah ! les pantacourts de Scarlett Johansson !) et la romance des comédies de Hawks ou de Capra. To the Moon est un peu trop sage, un peu trop aseptisé pour sortir du lot et laisser une marque indélébile. Mais on y passe un agréable moment.

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