À cœur battant ★☆☆☆

Julie et Yuval se sont rencontrés à Paris, au pied de la tour Eiffel, un soir de 14-juillet. Entre eux c’est le coup de foudre. Le couple s’installe ensemble, Julie tombe enceinte. Mais Yuval doit repartir en Israël pour y obtenir un visa permanent lui permettant de revenir en France. Le couple est condamné à une séparation qui met à mal leur amour.

Le titre anglais de ce film israélien a une signification toute différente de son titre français. The End of Love annonce la couleur là où À cœur battant est bien plus optimiste. Il s’agira, nous dit ce titre anglais, de raconter la fin d’une histoire d’amour. Ozon l’avait fait dans 5×2 en commençant par la rupture et en remontant le cours du temps.

Keren Ben Rafael utilise elle aussi un procédé très audacieux. Elle filme la relation entre Julie et Yuval uniquement à travers les écrans qui leur permettent de communiquer. Le procédé se dévoile lors de la première scène, la plus truculente, qui laisse planer le doute sur la situation des deux protagonistes avant de révéler les kilomètres qui les séparent.

Le procédé est culotté, tant en termes d’écriture que de cadrage. Keren Ben Rafael s’y tient tout du long, jusqu’aux deux scènes finales dont on comprend qu’il s’agit de deux flashbacks. Le problème est que, passée la curiosité qu’il suscite, le procédé devient répétitif et finit par lasser. Pour faire avancer le récit, le scénario en appelle à la jalousie des deux amants, qui s’inquiètent alternativement des rencontres que leur conjoint pourrait faire en leur absence. Mais ces rebondissements assez mesquins ne suffisent pas à eux seuls à donner de l’intérêt à une histoire dont on devine par avance la conclusion.

Un mot sur l’interprétation. Arieh Worthalter, qui a trente-cinq ans, mais qui en fait facilement dix de plus, a certes de beaux yeux bleus ; mais je le trouve trop vieux pour ce rôle de jeune père inconstant. Quant à Judith Chemla, je ne sais qu’en penser. Sans doute a-t-elle la pâleur diaphane des figures préraphaélites ; mais c’est une beauté à laquelle je reste décidément insensible.

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L’Enfant rêvé ★★★☆

François (Jalil lespert) rêve d’avoir un enfant, un fils de préférence, pour lui transmettre la scierie familiale qu’il a héritée de son père (Jean-Marie Winling). Mais les PMA que Noémie (Mélanie Doutey), son épouse, et lui ont tentées échouent et la procédure d’adoption qu’ils débutent s’annonce longue et semée d’obstacles.
Le rêve de François semble se concrétiser quand Patricia (Louise Bourgoin) déboule dans sa vie. Il noue avec cette femme mariée, mère de deux enfants, une relation adultère passionnée. Patricia tombe enceinte. François ira-t-il au bout de son désir de paternité au risque de détruire la vie qu’il a construite avec Noémie ?

Raphaël Jacoulot n’est pas un réalisateur très connu. Avec L’Enfant rêvé, ce réalisateur formé à la Fémis sort pourtant son quatrième long métrage. J’avais eu un coup de cœur pour son précédent film, Coup de chaud, sorti au milieu de l’été 2015. Je lui avais même décerné quatre étoiles, un Graal que je ne distribue qu’avec parcimonie.

On retrouve dans L’Enfant rêvé les recettes de ses précédents films, qui m’avaient touché. Raphaël Jacoulot est un cinéaste de la province. Ses films sont solidement ancrés dans un territoire, dans un biotope, qui en détermine le cours et en influence les personnages. Dans Coup de chaud, l’action se déroulait dans un petit village du Lot-et-Garonne, chauffé à blanc par la canicule. Dans Avant l’aube, nous allions nous perdre dans un grand hôtel des Hautes-Pyrénées en plein hiver. Dans L’Enfant rêvé, nous sommes dans les forêts de conifères du Doubs, à la frontière suisse, dans une région connue pour enregistrer les températures les plus froides de France.

Raphaël Janicot filme un terroir. Il y filme aussi des hommes et des femmes qui travaillent. Dans Avant l’aube, il s’agissait d’un grand hôtel perdu dans la montagne. Dans L’Enfant rêvé, nous entrons dans une scierie dont nous regardons les énormes machines usiner des troncs d’arbres. François est né ici. Il a repris l’entreprise familiale que son père lui a léguée. On retrouve le même duo père-fils que dans l’excellent Au nom de la terre avec Guillaume Canet et Rufus : un père vieillissant, fier du fils auquel il a transmis la passion de son métier, un fils dans la force de l’âge qui , rompant avec la tradition, a massivement investi pour sauver son entreprise au risque de la surendetter.

C’est dans cet environnement très typé, digne des grands films classiques français des années soixante (on pense évidemment aux Grandes Gueules de Robert Enrico avec un Bourvil à contre-emploi dans le rôle dramatique d’un patron de scierie), que se noue un drame de l’adultère.

Dans le triangle amoureux qu’il forme avec sa femme et sa maîtresse, c’est Jalil Lespert qui a le rôle le plus important. C’est autour de lui que s’organise le film, mettant en scène son obsession de paternité. L’acteur est impressionnant. On sent bouillir en lui une rage rentrée, une accumulation de frustrations prêtes à exploser. Mélanie Doutey et Louise Bourgoin ont deux rôles difficiles. La première interprète une épouse sacrifiée, infertile et trompée. Le rôle de la seconde est plus ambigu : elle est à la fois le fruit défendu de la passion adultère et une femme qui a la tête sur les épaules, rappelant son amant à la réalité quand il se perd dans ses délires.

L’Enfant rêvé est un film à la facture très classique, sans flashback ni flash-forward, qui raconte sans se presser un drame familial. On sent confusément que son issue sera dramatique. On ignore qui de François, de Noémie ou de Patricia en sera la victime en redoutant qu’ils n’en soient les victimes tous les trois.

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Josep ★★☆☆

Début 1939. La victoire du franquisme pousse des centaines de milliers d’Espagnols à l’exil. La France, loin de les accueillir à bras ouverts, les parque dans des camps insalubres. Parmi eux, Josep Bartoli, un Catalan communiste. Avec le crayon et le bloc-notes qu’un gendarme lui a donnés en cachette, il chasse l’ennui en croquant la réalité qui l’entoure. Enfui au Mexique, où il deviendra l’amant de Frida Kahlo, puis aux États-Unis, Bartoli devient un grand dessinateur.

Dessinateur de presse au Monde et au Canard enchaîné, Aurel réalise son premier long métrage. Il le consacre à une page méconnue et honteuse de l’histoire française : la Retirada, l’exil en France des Républicains espagnols à l’hiver 1939, parqués au Barcarès, à Gurs, à Rivesaltes. Chaque époque du récit est traitée à travers un style graphique différent : les paysages hivernaux du camp sont dessinés au crayon gris et c’est seulement à son arrivée au Mexique que Bartoli a utilisé la couleur.

L’histoire de Josep Bartoli est l’occasion, à travers les personnages caricaturaux de deux gendarmes, aussi vulgaires que violents, d’évoquer la xénophobie rance qui accueillit en France les Républicains espagnols. Ce mépris de l’étranger par les forces de l’ordre s’exerçait non seulement à l’égard des « Espingouins » mais aussi des tirailleurs sénégalais qui leur étaient adjoints et qui jouent dans cette histoire un rôle savoureux.

Mais ces sentiments racistes n’étaient pas unanimes. Un gendarme, moins haineux que ses collègues, se prend d’amitié pour Bartoli et va l’aider à s’enfuir. C’est ce même gendarme qu’on retrouve quelques décennies plus tard, vieillard grabataire à la veille de la mort, transmettant ses souvenirs à son petit-fils passionné de dessin.

L’histoire de Josep Bartoli suffisait à elle seule à faire la substance d’un film. Aurel veut la raconter en flash-back à travers les confessions d’un grand père à son petit-fils. Cette strate narrative ne présente guère d’intérêt sinon celui, plus démonstratif que réellement convainquant, d’inscrire la Retirada des républicains espagnols et la xénophobie qu’ils ont rencontrée dans une actualité toujours brûlante et d’interroger nos réactions plus ou moins bienveillantes, à l’arrivée de nouvelles cohortes de réfugiés fuyant la guerre et la misère.

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Stripped ★★★☆

Alice (Laliv Sivan), la petite trentaine, est une artiste touche-à-tout. Elle enseigne les arts plastiques. Elle vient de publier son premier livre. Elle est en train de réaliser un documentaire. Mais, un beau jour, elle se réveille nauséeuse, sans souvenir de la soirée précédente. Traumatisée par le sentiment indistinct d’avoir été droguée et violée pendant son sommeil, elle se replie sur elle-même.
Dans l’appartement situé en face du sien vit Ziv (Bar Gottfried) un jeune lycéen passionné de musique et tétanisé à l’idée de devoir aller effectuer son service militaire.

Stripped est le troisième volet d’une trilogie dont les deux premiers, Chained et Beloved, sont sortis en juillet dernier. Rien n’explique ces dates de sortie décalées sinon peut-être le lien plus ténu que ce volet-ci entretient avec les deux premiers qui racontaient la relation toxique entre Rashi et Avigail filmée du point de vue de Rashi d’abord (Chained) puis d’Avigail ensuite (Beloved). D’ailleurs ces trois films peuvent se voir indépendamment les uns des autres.

On y retrouve les mêmes ingrédients que dans les deux premiers films. En particulier le réalisateur a le don d’hystériser les dialogues, les transformant en d’épuisantes disputes, sans qu’on sache si c’est une marque de son cinéma ou un trait caractéristique de la sociabilité israélienne.

Stripped est construit autour d’un principe à la fois simple et complexe. Il tisse deux histoires parallèles, celles d’Alice et de Ziv, dont on pressent qu’elles finiront par se croiser sans en deviner encore par avance les modalités de la rencontre. Le film dure deux heures, une durée analogue à celles de Chained et de Beloved. Est-il trop long pour autant – comme j’ai coutume trop souvent de m’en plaindre ? Non. Car la tension est maintenue tout son long ; car aucune scène n’est superflue pour raconter ces deux histoires qui n’en font qu’une.

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Les Joueuses ★★☆☆

Stéphanie Gaillard a suivi pendant une année les joueuses de l’Olympique lyonnais, le club le plus titré du football français, qui vont tenter en 2018-2019 de remporter comme les deux saisons précédentes le triplé Coupe de France, championnat de France et Ligue des champions.

On diffuse aujourd’hui des documentaires sur tout – à la différence d’une époque antérieure au succès de Michael Moore, où rares étaient les documentaires qui se frayaient un chemin en salles : la vie des insectes, la migration des oies sauvages, les pingouins de l’Antarctique…. Aussi, n’est-il pas surprenant que le football attire la curiosité des documentaristes et de leurs spectateurs. On avait eu Les Yeux dans les bleus en guise d’album souvenir de la folle victoire de 1998, Zidane, un portrait du XXIème siècle en lever de rideau du Mondial 2006 et Diego Maradona en 2019.

Le sujet des Joueuses laisse augurer une étude sur le football féminin et une critique, fût-elle indirecte, des inégalités qui le séparent encore du football masculin : manque de considération, de visibilité, différentiel de salaires… Or, il n’en est quasiment jamais question. Stéphanie Gaillard ne se lance pas dans un film à thèse, ni ne mène une croisade. Très modestement, elle se contente de poser sa caméra dans les vestiaires et de nous y montrer la vie quotidienne, presque banale, de ces jeunes femmes qui y passent avant ou après leurs entraînements. C’était la même démarche qu’avait suivie Beau Joueur avec les rugbymen de l’Aviron bayonnais.

Elles nous deviennent bientôt familières et brillent par leur diversité et par leur personnalité. Il y a d’abord Ada Hegerberg, la belle Norvégienne, Ballon d’Or 2018, l’immense (1m87) Wendie Renard, la capitaine, Sarah Bouhaddi, la gardienne de but et Selma Bacha, la toute jeune latérale gauche qui passe son bac cette année-là et qui grandit à l’ombre de ses aînées.

La vie du groupe est rythmée par les entraînements, les déplacements, les matchs. Même si la concentration est de rigueur et la décompression autorisée après les victoires, on touche à ce qu’a de routinier la vie de ces sportives de haut niveau qui exercent un métier finalement pas si différent d’un autre. On y est surtout sensible à la camaraderie bienveillante qui semble régner dans leur sororité et on s’interroge sur ses causes : trouve-t-on la même complicité dans les vestiaires des garçons ? ou est-ce là une spécificité féminine ?

Les Joueuses est autant un documentaire sur le football féminin que sur un collectif uni par l’exercice d’un même métier. Il n’est nécessaire ni peut-être pertinent d’être passionné.e de ballon rond pour le regarder.

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Sole ★☆☆☆

Petit voyou sans futur, Ermanno vole des scooters et dépense dans des machines à sous l’argent qu’il retire de leur trafic. Son oncle le charge d’une mission bien particulière : accueillir Lena, une jeune Polonaise enceinte de huit mois, déclarer être le père de son enfant à naître, pour en faciliter l’adoption ultérieure, et partager jusqu’à la naissance l’appartement de la jeune femme.

Sole n’est pas, comme on pourrait le penser, un film à thème sur la gestation pour autrui, de ceux qui, jadis, auraient précédé un débat sentencieux aux Dossiers de l’écran sur la deuxième chaîne de l’ORTF. Le réalisateur Carlo Sironi ne documente pas dans les détails les procédés plus ou moins légaux qui conduisent des jeunes femmes de l’Est de l’Europe à accepter, moyennant finance, de porter l’enfant de riches Occidentaux empêchés de mener une grossesse à terme.

Il préfère s’intéresser au duo boiteux formé par Lena et son geôlier. Son évolution ne fait guère de doute et la bande-annonce ne s’en cache pas : les deux jeunes gens vont se rapprocher de plus en plus. Après la naissance d’une petite fille baptisée Sole, ils vont être confrontés à la question vers laquelle tout le film est tendu : vont-ils donner comme convenu Sole à ses parents d’adoption ou s’enfuir avec elle au mépris de la parole donnée ?

Loin du traitement naturaliste qu’un tel sujet aurait pu appeler, Carlo Sironi opte pour son premier film pour une forme ascétique, des plans serrés, des lumières aquatiques, quasiment pas de musique d’accompagnement. Le rythme du film en est ralenti, sa gravité accentuée, d’autant que consigne semble avoir été donnée à ses deux acteurs (lui, amateur, elle professionnelle) de garder tout du long une moue inexpressive.

Ce parti pris minimaliste force le respect. Mais il ne touche pas forcément le coeur.

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Africa Mia ★★★☆

Dans les années soixante, alors que se levaient les soleils des indépendances africaines et que la Cuba castriste espérait devenir l’un des phares du mouvement des non-alignés, une dizaine de musiciens maliens sont allés, tous frais payés, se former à La Havane. La joyeuse équipe a formé un groupe, Les Maravillas de Mali, joué dans les concerts et enregistré un 33 tours auréolé d’une gloire éphémère.
Un producteur de musique français, Richard Minier, en entend parler à la fin des années quatre-vingt-dix et décide de reformer le groupe.

Ainsi présenté, Africa Mia rappelle Buena Vista Social Club, le groupe cubain pré-castriste dont la reformation fut filmée par Wim Wenders à la fin des années quatre-vingt-dix. Que le projet de Richard Minier ait pris forme à la même époque laisse planer le soupçon d’avoir voulu en reproduire la recette. Une recette éculée qui joue sur les deux tableaux de la nostalgie et de la mode des musiques rétro.

Pourtant, contrairement à ce qu’on pouvait redouter, Africa Mia n’est pas une fade resucée de cette formule. Il réussit le double pari de nous intéresser et de nous émouvoir. Son succès tient à trois facteurs.

Le premier bien sûr est la joie que l’on partage à ces retrouvailles chantantes et à ces rythmiques chaloupées joyeusement désuètes.

Le deuxième tient à la persévérance de Richard Minier qui n’eut pas assez de quinze années pour mener à bien son projet. C’est une véritable enquête policière qu’il mena pour retrouver les Maravillas. Son documentaire, d’une heure et dix-huit minutes à peine, est trop modeste pour nous en raconter tous les rebondissements ; mais eu égard au laps de temps qui s’est écoulé entre sa première rencontre à Bamako avec Dramane Coulibaly et le retour de Boncana Maïga à La Havane, on imagine sans peine l’obstination qu’il lui a fallu pour renverser les obstacles sur sa route.

Le troisième enfin est la tristesse qui nous étreint face à une entreprise placée sous le double signe de la nostalgie et de la mort. La nostalgie des souvenirs d’un passé révolu qui, même si on cherche à l’exhumer, ne reviendra jamais. La mort qui fauche un après l’autre tous les Maravillas, au point qu’on se demande s’il en restera encore un dernier pour remonter sur scène.

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Remember me ☆☆☆☆

Journaliste septuagénaire retraité, Claude (Bruce Dern) est veuf. Il vit en Californie près de sa fille, en pleine crise conjugale, et de sa petite-fille. Il n’a jamais oublié Lilian (Caroline Silhol), son amour de jeunesse, une actrice française dont il apprend qu’elle est atteinte de la maladie d’Alzheimer.
Pour la rejoindre dans la luxueuse maison de retraite où elle est installée, il invente avec son vieil ami (Brian Cox) un stratagème pour s’en rapprocher.

Le vieillissement de nos sociétés le laissait augurer : le quatrième âge est désormais un sujet cinématographique à part entière. Bien après Dernier amour de Dino Risi qui avait flairé le filon  dès 1978 et La Maison du lac, on voit s’accumuler les films qui ont pour héros des vieillards alzheimerisés ou sur le point de l’être.

Le sujet peut être traité de bien des façons. Sur un mode dramatique, sans rien cacher de l’inéluctable déréliction qui ne manquera pas de frapper ses protagonistes : c’est l’insoutenable Amour de Haneke, le bouleversant Daddy Nostalgie de Bertrand Tavernier, Loin d’elle de Sarah Polley adapté d’une nouvelle de Alice Munro, Still Alice ou le dernier Lelouch en date, Les Plus Belles années d’une vie. Ou en racontant au contraire, sur un mode plus léger, un ultime sursaut de vie, la dernière virée que ces retraités s’autorisent comme un ultime pied-de-nez à la mort qui rode : Sans plus attendre avec Jack Nicholson et Morgan Freeman, Last Vegas, L’Échappée belle, Indian palace, Les Vieux Fourneaux, Le Vieux qui ne voulait pas fêter son anniversaire ou le tout récent Citoyens du monde. Ces films-là peuvent prendre les formes les plus diverses : le polar (Red, Braquage à l’ancienne, Cortex), la comédie française pas drôle (Mon petit doigt m’a dit, Sales gosses)  et même le dessin animé (La Tête en l’air).

Remember me vient s’ajouter à cette longue liste sans qu’on comprenne bien sa plus value. Il ne s’agit pas vraiment d’un film comique, même si le stratagème, passablement crédible, qu’invente son héros pour rejoindre sa belle essaie sans y réussir de faire rire. Ce n’est pas vraiment un film dramatique non plus tant son inéluctable conclusion – Alzheimer est à ce jour incurable – est mièvrement euphémisée. Bref c’est un film complaisant. Ou, pour le dire autrement, un film raté.

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Sing Me A Song ★★☆☆

Le Bhoutan est un minuscule royaume himalayen coincé entre l’Inde et la Chine. Il est connu pour ses paysages grandioses. Il est aussi connu pour avoir substitué au produit national brut (PNB), pour mesurer la richesse de ses habitants, un concept original : le « bonheur national brut ».

Thomas Balmès était venu y filmer un monastère tibétain à quatre mille mètres d’altitude. Coupé du monde depuis la nuit des temps, l’électricité allait y être installée et le documentariste français voulait y constater l’irruption des nouvelles technologies.

Il y retrouve dix ans plus tard Peyangki, le petit moinillon facétieux de Happiness. Il a aujourd’hui dix-huit ans et ne supporte plus l’éducation rigoureuse du monastère. Sur les réseaux sociaux, il a fait la rencontre de Ugyen, une jeune chanteuse qui se produit dans un bar de nuit de la capitale. Il décide de quitter le monastère pour la rencontrer.

On risque fort d’aller voir Sing Me A Song (pourquoi diable ce titre anglais et sirupeux qu’on croirait emprunté à un mauvais roman Harlequin ?) pour de mauvaises raisons : le dépaysement de l’Himalaya, la splendeur de ses paysages, la sérénité qu’incarnent ses moines tonsurés, etc.

Or Sing Me A Song bat en brèche tous ces clichés. On y découvre avec effroi les effets débilitants des nouvelles technologies. Une image est stupéfiante : un long traveling arrière sur des jeunes moines récitant mécaniquement leurs mantras les yeux rivés sur leurs téléphones portables, dans une transe hypnotique dont on se demande si elle est l’effet de leur récitation ou bien de leur addiction aux écrans.

Si les monastères les plus reculés sont impactés, la capitale bhoutanaise l’est plus encore. Thomas Balmès filme une ville sans âme avec ses néons criards, ses bars glauques, ses chanteuses trop maquillées, dont on imagine, même si rien d’explicite n’est dit, qu’elles en sont réduites à se prostituer. C’est là que Peyangki retrouve Ugyen dont il découvre qu’elle est déjà la mère d’une petite fille de deux ans. L’affiche du film les photographie tous les trois séparés par un espace infranchissable, lui avec son téléphone, elle avec sa fille, leurs regards ne se croisant pas.

On peut saluer la clairvoyance de ce documentaire désespérant – dont on ne comprend jamais ce qu’il emprunte à la fiction ou à la réalité – sur les effets délétères des nouvelles technologies sur nos existences. On peut aussi lui reprocher de nous renvoyer une image si glaçante de notre monde, menacé par les mêmes dérives, où qu’on se trouve.

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Lux Æterna ★☆☆☆

Béatrice Dalle joue son propre rôle : celui d’une actrice passablement barrée qui passe derrière la caméra pour diriger dans son premier film « L’Œuvre de Dieu », son amie Charlotte Gainsbourg.  L’ambiance sur le plateau n’est pas paisible et le comportement agressif de la réalisatrice n’arrange rien : son producteur ne lui fait plus confiance et veut l’évincer, ses actrices, en roue libre, sont abandonnées à elles mêmes, le personnel technique est au bord de la grève….

Lux Æterna est un objet filmique non identifié. Œuvre de commande de la maison Yves Saint Laurent, dans le cadre de « Self », un projet qui invite différents artistes à réinterpréter les collections et l’esprit de la maison de haute couture, il a été présenté en séance de minuit au Festival de Cannes 2019. Carte blanche était laissée à Gaspar Noé dont la seule contrainte était d’utiliser des costumes et des visages de la marque (on reconnaît les top models Abbey Lee et Mica Argañaraz).

Il a tourné un moyen métrage d’une durée bâtarde : cinquante et une minutes, trop long pour un simple clip publicitaire, trop court pour un vrai film qui nous aurait laissé le temps de nous familiariser avec ses personnages et de nous raconter une histoire.

On y retrouve la patte du réalisateur franco-argentin, notamment son goût pour les atmosphères confinées, pour les longs plans séquences qui suivent les acteurs dans leurs pérégrinations labyrinthiques dans des décors exigus. De ce double point de vue, Lux Æterna rappelle Climax, son dernier film. On y retrouve aussi ses obsessions pour des thèmes border line, ici la sorcellerie à laquelle, on le sent, il aurait aimé consacrer un film plus long.

La partie la plus réussie de ce moyen métrage est le dialogue qui l’ouvre d’une douzaine de minutes entre les deux actrices. Laissant la place à l’improvisation, elles y évoquent quelques souvenirs de tournage désopilants. On les découvre égales à elles-mêmes : Béatrice Dalle, complètement chtarbée, Charlotte Gainsbourg plus pudique. Et on regrette presque que ces échanges improvisés ne durent plus longtemps et cèdent la place aux délires stroboscopiques et bruyants de Gaspar Noé.

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