Le Bureau des légendes – saison 5 ★★★☆

Me voilà bien embêté : comment commencer, en en résumant le contenu comme je le fais traditionnellement , ma critique de la saison 5 du Bureau des légendes sans en dévoiler les ressorts ? Les initiés comprendront mon dilemme.

Tout le monde a entendu parler du Bureau des légendes, cette série produite par Canal plus et réalisée par Eric Rochant. Ceux qui en ont vu les quatre premières saisons, en 2015, en 2016, en 2017 et en 2018, savent déjà tout des aventures de Malotru (Mathieu Kassovitz), de Phénomène (Marina Loiseau), de Marie-Jeanne (Florence Loiret-Caille), orphelins depuis la saison 3 de Jean-Pierre Darroussin et rejoints à la saison 4 par Mathieu Amalric et à la 5 par Louis Garrel. Les autres n’ignorent pas que la série raconte les aventures d’espions français « sous légende » obligés à vivre dans le mensonge pour mener à bien les missions d’infiltration qui leur sont confiées.

Les saisons précédentes nous avaient déjà fait voyager en Iran, en Syrie, en Russie – où Guillaume Debailly alias Paul Lefebvre alias Malotru s’est retrouvé à l’ultime épisode de la saison 4 en bien périlleuse posture. La saison 5 est tout aussi cosmopolite qui nous fait visiter l’Égypte, le Yemen et le Cambodge. Le problème est que ces sauts de puce sont décousus. Là où les précédentes saisons étaient authentiquement géopolitiques, la dernière a le défaut d’être touristique.

On sent les responsables de la série hésiter depuis qu’Eric Rochant a annoncé son départ : la cinquième saison sera-t-elle la dernière ? faut-il en boucler les arcs narratifs dans un ultime épilogue ? ou en ouvrir de nouveaux pour préparer, si le succès l’appelle, les saisons suivantes ? Du coup, la cinquième saison, le cul entre deux chaises, fait un peu les deux à la fois, sacrifiant quelques personnages secondaires (dont on taira les noms sauf à se faire accuser de spoiler), ouvrant à d’autres un avenir prometteur… Un regret : la quasi-absence de Sara Giraudeau qui a cédé le devant de la scène à Florence Loiret-Caille.

Eric Rochant, donc, a quitté le navire. Il a laissé la direction des deux derniers épisodes à Jacques Audiard, sans doute l’un des tout meilleurs réalisateurs français contemporains sinon LE meilleur (Sur mes lèvres, De battre mon cœur s’est arrêté, Un prophète, Dheepan…). La France entière – ou du moins celle qui a la chance d’être abonnée à Canal – retenait son souffle lundi soir avant de les découvrir en exclusivité. Quelle ne fut sa déception ! Il suffit de lire les commentaires assassins sur les réseaux « pas si sociaux » pour s’en convaincre. Il faut dire que Rochant lui avait un peu savonné la planche en bouclant l’intrigue à la fin de l’épisode 8. Il ne restait plus à Audiard qu’à signer un long coda élégiaque, où les frontières entre la réalité et le rêve se dissipent dans l’esprit des principaux protagonistes durablement traumatisés par les 48 épisodes précédents. C’est beau comme un Requiem, sauf qu’on aimait le Bureau pour ses accents symphoniques.

PS : Une erreur subtile s’est glissée dans cette critique. L’avez-vous dépistée ?

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Kalifat ★★★☆

Pervin vit à Raqqah en Syrie avec son bébé et son mari qui a rejoint les rangs de l’État islamique. Désillusionnée, elle veut rentrer en Suède.
Pendant ce temps, à Stockholm, Sulle, une jeune lycéenne en pleine crise d’adolescence, se laisse endoctriner et prépare son départ pour Raqqa.
Le lien entre les deux jeunes femmes ? Ibbe, un terroriste sous couverture qui prépare sur le sol suédois un attentat, et Fatima, une policière coriace en conflit avec sa hiérarchie.

La radicalisation est un thème à la mode – même si la défaite de Daech fait lentement perdre à ce sujet sa brûlante actualité. Il a constitué la matière d’un grand nombre de films ces dernières années dont j’ai systématiquement fait la critique : La Désintégration, Made in France, Les Cowboys, Le ciel attendra, Mon cher enfant, Exfiltrés, Le Jeune Ahmed, L’Adieu à la nuit

J’écrivais dans l’une d’elles l’an dernier :
« Il y a deux façons de filmer la radicalisation. La première, « à l’américaine » prend le parti assumé de l’action, reconstituant (dans les sables marocains) les tentatives d’infiltration de courageux Occidentaux pour démanteler des filières jihadistes. (…) La seconde, « à la française » est plus psychologique : elle s’intéresse moins aux jihadistes syriens qu’aux effets que leur message produit en France (…). Si l’on était pédant, on dirait que cette dichotomie reproduit le débat qui oppose Gilles Kepel et Olivier Roy sur les racines de la radicalisation. Le premier – dont on retrouve les prémisses dans le cinéma « américain » – considère que l’enjeu est politique voire civilisationnel. Le second au contraire considère que la radicalisation est avant tout un processus individuel, une forme de « nihilisme générationnel ». »

Le pari réussi de Kalifat, une série suédoise en huit épisodes de cinquante-deux minutes, est de s’inscrire précisément à l’intersection de ces deux tendances. Elle décrit comment la radicalisation s’opère et nous fait ressentir l’impuissance d’un père face à un enfant qui lui échappe. Avec plus d’efficacité encore, elle entretient un suspense complexe et rebondissant.

On touche du doigt avec Kalifat la supériorité structurelle de la série sur le film. Car, en plus de six heures, qu’on peut découper à loisir, confinement oblige, l’intrigue se complique, les personnages s’épaississent (et je ne parle pas ici des spectateurs, vautrés sur leur sofa, qui prennent des kilos). Même si le scénario n’est pas toujours très crédible, il est sacrément bien huilé et nous aspire vers une conclusion implacable. À la fin du dernier épisode, l’action se clôt. C’est suffisamment rare pour être salué, certains scénaristes ayant la fâcheuse tendance, dans l’espoir de signer une saison suivante, de laisser l’intrigue en suspens. Pour autant, je lis ici ou là qu’une saison 2 de Kalifat serait à l’étude, succès de la première saison oblige.

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The Edge of Democracy ★★☆☆

Présenté au festival de Sundance en janvier 2019, diffusé sur Netflix depuis juin 2019, nominé aux derniers Oscars (où American Factory lui fut préféré), Democracia em Vertigem (littéralement « la démocratie prise de vertige ») est un documentaire sur la vie politique brésilienne contemporaine. Sa réalisatrice, la jeune Petra Costa, n’hésite pas à s’y mettre en scène, elle et sa famille, composée pour partie de riches entrepreneurs liés au patronat conservateur et pour une autre de jeunes révolutionnaires anti-système.

Democracia em Vertigem évoque l’arrivée au pouvoir en 2003 de Lula, l’espoir qu’elle a suscité et les réalisations que le leader syndical devenu Chef d’Etat a accomplies. Il évoque également la succession de Lula huit ans plus tard, au terme des deux mandats successifs et non renouvelables que la Constitution brésilienne lui autorisait, par Dilma Rousseff, une économiste venue à la politique par le militantisme étudiant, qui connut la prison et la torture pendant la dictature militaire.

Le mandat de Dilma Rousseff fut interrompu en 2016 par une procédure d’impeachment menée par l’aile conservatrice de sa majorité parlementaire. On lui reprochait d’avoir maquillé les comptes de la Nation. Il s’agissait moins de remettre en cause son intégrité personnelle que sa politique. La procédure, très violente, a conduit à sa destitution et à son remplacement par le vice-président conservateur Michel Temer.

Pour remporter les élections présidentielles de 2018, Lula a fait un come back qui s’annonce victorieux. Mais sa campagne a été compromise par une procédure judiciaire à charge, menée par un juge acquis à l’opposition. Condamné à douze ans de prison, incarcéré, interdit de se présenter à l’élection présidentielle, Lula laisse la voix libre à Jair Bolsonaro qui l’emporte en octobre 2018 avec 55 % contre le candidat du PT.

Pour qui, comme moi, la connaît mal, Democracia em Vertigem a le mérite de faire découvrir la démocratie brésilienne de l’intérieur. On est surpris par sa violence. Les débats sont violents : ce qu’on voit de la procédure d’impeachment à la Chambre des députés, toute de bruit et de fureur, ravale nos questions au Gouvernement du mercredi après-midi à l’Assemblée nationale au rang d’aimable causerie. La vie politique est violente, qui broie les destins.

Malgré sa longueur (plus de deux heures), Democracia em Vertigem échoue pourtant à nous donner plus de clés. Le public visé est sans doute plus brésilien qu’étranger et est censé connaître déjà les ressorts d’une histoire que nous, de ce côté-ci de l’Atlantique, moins informés, découvrons.

Surtout, Democracia em Vertigem nourrit une frustration : ne pas s’être concentré sur la personnalité de Jair Bolsonaro et son incroyable élection. « Trump tropical », le personnage détonne et sidère. Son culot, son charisme, les idées provocatrices qu’il professe, font de lui un personnage de comédie. On le voit de-ci de-là s’agiter en coulisse pour la destitution de Dilma Rousseff. Son heure n’est pas encore arrivée ; mais elle sonnera bientôt. Et on regrette qu’il n’occupe pas le centre de l’écran.

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Au service de la France ★★☆☆

Le jeune André Merlaux (Hugo Becker) vient d’être recruté à la DGSE. Le service, dirigé d’une main de fer par le colonel Mercaillon (Wilfred Benaïche), un grand résistant, doit faire face à bien des défis : la décolonisation de l’Afrique noire, les « événements en Algérie, la Guerre froide…

Comme Le Bureau des  légendes, Au service de la France se déroule dans les couloirs de la DGSE. Mais la comparaison s’arrête là. Si la série de Canal embrasse, avec le succès que l’on sait, le parti du réalisme, celle produite par Arte, avec un budget autrement plus limité, prend celui de la parodie. À la façon de OSS 117, Au service … se moque de la France du général de Gaulle, de son patriotisme désuet, de son machisme hors d’âge…

La série est élégante et drôle. L’atmosphère des années soixante, ses costumes, ses expressions et jusqu’à son phrasé sont méticuleusement reconstitués – même si le manque de budget se ressent dans les scènes d’extérieur.

Les personnages sont truculents, qui, comme Hubert Bonisseur de La Bath dans OSS 117, font preuve d’une incompétence désopilante à la mesure de leur arrogance et de leur machisme. C’est le cas notamment des trois pieds nickelés chefs de département. Mention spéciale à Jean-Edouard Bodziak dans le rôle d’un kremlinologue passablement schizophrène

L’humour fait souvent mouche. On rit au « Messieurs » lancé systématiquement par un directeur sexiste à une assemblée composée de cadres masculins et de secrétaires féminines, à l’évocation de Vichy qu’il ne faudrait pas jeter avec l’eau de Vichy (1.7.) ou à celle des électeurs fantômes du cinquième arrondissement (2.1.) – d’autant plus volontiers qu’on y vote.

Mais l’enchaînement des calembours ne suffit pas à construire un récit. L’ennui s’installe et le naufrage est évité de justesse à la fin de la première saison par l’esquisse d’une intrigue qui donne soudainement plus d’envergure aux personnages. Le falot Merlaux se révèle plus courageux qu’on le pensait et l’héroïque Mercaillon moins irréprochable qu’il n’y paraît. On se laisse du coup convaincre de regarder les douze épisodes de la saison suivante. Leur rythme enlevé (vingt-six minutes seulement) rend leur visionnage plus rapide et plus agréable. Mais quand se termine cette seconde saison, on comprend la décision des producteurs de renoncer à en réaliser une troisième.

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Tempête à Washington (1962) ★★☆☆

Le Président des États-Unis, sentant sa fin prochaine, inquiet de la politique que suivra après sa mort son vice-président, décide de remplacer son Secrétaire d’État par Robert Leffingwell (Henry Fonda). Mais son choix doit être approuvé par le Sénat. Sa nomination se heurte à l’opposition vindicative du vieux sénateur Seabright Cooley (Charles Laughton) qui reproche à Leffingwell ses sympathies pro-communistes.

Réalisé en 1962, adapté d’un prix Pulitzer, tourné dans les locaux même du Sénat avec une pléiade de stars qui pour certaines avaient été visées dix ans plus tôt par le maccarthysme, Tempête à Washington est un monument un peu indigeste dédié à la démocratie américaine, une sorte de manuel de droit constitutionnel illustré. Son titre original, Advise and Consent, renvoie d’ailleurs directement au pouvoir du Sénat d’approuver les nominations présidentielles, telles celles du ministre des affaires étrangères dont il est ici question.

Il est l’oeuvre d’Otto Preminger, un juif austro-hongoris réfugié aux États-Unis en 1935 qui signa quelques uns des films les plus marquants de l’âge d’or d’Hollywood : Laura (1945) avec Gene Tierney qu’on retrouve dans un petit rôle dans Tempête à Washington, Rivière sans retour (1955) avec Marilyn Monroe et Robert Mitchum, L’Homme au bras d’or (1955) avec Frank Sinatra, Autopsie d’un meurtre (1959) avec James Stewart, Exodus (1960) avec Paul Newman… Dans Tempête à Washington, il confie son tout dernier rôle à Charles Laughton, immense acteur et réalisateur d’un film unique, La Nuit du chasseur, qui éclipse largement Henry Fonda qu’on voit à peine et qui occupe pourtant la tête d’affiche.

Trop fidèle au livre dont il était inspiré, épais de huit-cents pages, Tempête à Washington dure plus de deux heures. S’il multiplie les rebondissements, parfois à la limite de la crédibilité (cellule communiste clandestine, liaison homosexuelle cachée…), il ne le fait pas au rythme auquel les films et les séries contemporaines nous ont désormais habitués. On pourra trouver le temps un peu long. N’en reste pas moins le témoignage magistral d’une certaine époque du cinéma hollywoodien et de la démocratie américaine in progress.

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Occupied ★★☆☆

Dans un futur proche, en Norvège. Après que le Premier ministre écologiste a annoncé sa décision de substituer le thorium aux énergies fossiles, la Russie intervient pour forcer la Norvège à reprendre sa production de pétrole. Chaque Norvégien est placé face à un dilemme : coopérer avec le nouvel occupant ou résister ?

Romans, films, séries TV : les pays nordiques sont à la mode. Qui n’a pas aimé les films de Lars von Trier, les polars de Jo Nesbø (co-scénariste de Occupied), de Stieg Larsson ou de Arnaldur Indriðason, la série Borgen avec sa charismatique politicienne danoise ? Occupied, la plus chère série norvégienne réalisée à ce jour, exportée dans le monde entier (et désormais disponible sur Netflix) s’inscrit dans cette veine.

Occupied est une série géopolitique qui se nourrit d’une peur : le retour de la menace russe. Elle imagine, avec beaucoup de réalisme, non pas une invasion armée rythmée par le bruit des chars et des bottes, mais la mainmise sur un petit pays de son puissant voisin. D’ailleurs la menace russe a, dans la série, un visage complexe et séduisant : celui de l’ambassadrice Sidorova.

Pour lutter contre cette menace, la Norvège ne peut compter que sur ses propres forces. L’Union européenne, à laquelle Hippolyte Girardot, dans le rôle d’un commissaire européen inféodé à la toute-puissante Allemagne, prête ses traits, est la complice silencieuse des menées russes. Les États-Unis, obsédés par leur crainte d’être entraînés dans un conflit global avec la Russie, ne sont guère plus solidaires et se révèleront à la fin de la première saison des alliés bien peu fiables. Quant à l’Otan et sa clause de solidarité, c’est à peine si elle est évoquée.

Face à l’occupation russe, chaque Norvégien réagit à sa manière : le Premier ministre, son garde du corps, sa cheffe de cabinet, la directrice de la sécurité nationale, un journaliste et son épouse…. Tout l’intérêt de cette série, qui se prolonge sur trois saisons et un total de vingt-quatre épisodes, est d’éviter de figer chaque personnage dans une posture. Il n’y a pas d’un côté des collabos et de l’autre des résistants, mais des êtres humains indéterminés et changeants. Le Premier ministre Jesper Berg, remarquablement interprété par Henrik Mestad, est sans doute le plus attachant. Soucieux au premier chef de protéger son peuple, on le voit lâchement multiplier les reculades durant la première saison avant d’embrasser une posture plus lucide et plus guerrière au risque, à la fin de la deuxième, de verser dans des excès inverses.

La troisième saison vient de sortir. Ce n’est pas la meilleure. L’action est tellement rebondissante qu’elle en devient difficilement compréhensible. Aucune saison supplémentaire n’est prévue.

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Icare ★★☆☆

Documentariste et cycliste amateur, Bryan Fogel avait décidé de mener une enquête sur le dopage sportif en utilisant son propre corps comme cobaye. Un peu comme Morgan Spurlock dans Super Size Me, qui mesura les effets de la malbouffe en se nourrissant uniquement de McBurgers. Pour mener à bien son enquête, le cycliste est entré un contact avec Gregory Rodchenkov, un chimiste russe qui dirigeait à l’époque le laboratoire de Moscou référent de l’Agence mondiale antidopage. Avec sa complicité active, Bryan Fogel a suivi un programme anabolisant censé développer ses performances.
Quand la Russie est suspectée par le Comité international olympique de mener un programme à large échelle de dopage, Rodchenkov, craignant de servir de bouc-émissaire, décide de quitter Moscou, de se réfugier aux États-Unis et d’y raconter au New York Times la nature exacte de ses activités. Bryan Fogel l’aide dans sa fuite et filme ses révélations.

Icarus est un documentaire étonnant qui n’a pas volé son Oscar en 2018. Il filme de l’intérieur, en temps réel, l’exfiltration d’un lanceur d’alerte russe et la façon dont il dévoile les secrets en sa possession. On pense à Snowden, ou à manning, sauf que les films ou les documentaires qui leur ont été consacrés (Citizen Four, Snowden, XY Chelsea…) ont été tournés après coup. Icarus en revanche a été tourné sur le vif. Et, quand on n’en connaît pas le dénouement, on suit avec angoisse les rebondissements de son histoire.

Le défaut de ce documentaire repose dans la complexité de son dispositif et, du coup, dans son inhabituelle longueur (plus de deux heures). Au lieu d’aller droit au but, Icarus emprunte un long chemin de traverse en documentant la façon dont Bryan Fogel est entré en contact avec Gregory Rodchenko, non pas pour enquêter sur le dopage dans le sport russe de haut niveau, mais pour répliquer le protocole suivi par Lance Armstrong pour gagner frauduleusement sept Tours de France consécutifs. On y passe trois bons quarts d’heure et on y perd de vue ce qui constitue en fait le cœur d’Icarus : des révélations dévastatrices sur l’un des plus grands scandales de l’histoire du sport.

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Peaky Blinders ★★★☆

À Birmingham, dans les années vingt, un gang de gitans, les Peaky Blinders, pratique le racket et l’extorsion. À sa tête Tommy Shelby, un ancien soldat démobilisé, et ses trois frères.

J’ai découvert sur le tard Peaky Blinders, la série de la BBC lancée en 2013, diffusée en France à partir de 2015 sur Arte et aujourd’hui disponible sur Netflix.
Pourquoi ce retard ? Pour une raison idiote : le titre, dont je n’avais pas compris le sens, m’évoquait plus une bluette romantique qu’un film de gangsters en costume d’époque. Or si je goûte modérément les bluettes romantiques, j’aime beaucoup les films de gangsters, surtout s’ils se déroulent dans l’entre-deux guerres, une période qui décidément attire les scénaristes : Les Incorruptibles, Boardwalk Empire, Downton Abbey, Upstairs Downstairs

Peaky Blinders embrasse un parti pris artistique audacieux. Les pieds ici, les oreilles ailleurs.
La série a les pieds solidement ancrés dans la boue sale et le goudron poisseux du Birmingham industrieux des années vingt. Sa reconstitution est méticuleuse. Les costumes sont soignés, les gangsters ayant eu la réputation d’être d’une élégance toute particulière. L’arrière plan historique est là avec la guerre civile irlandaise, l’ombre tutélaire de Winston Churchill, le krach de Wall Street en 1929 et la montée du fascisme anglais de Oswald Mosley.
Mais le parti pris retenu est celui d’une bande son volontiers anachronique, avec, en figure de proue, le générique rock alternatif de Nick Cave Red Right Hand.

Je suis tombé sous le charme de l’acteur principal, Cilian Murphy, au regard bleu d’acier, à la volonté implacable, au calme jupitérien. Voilà vingt ans qu’on croise cet acteur irlandais sans toujours le reconnaître (28 jours plus tard, The Dark Knight, Inception, Dunkerque…). Il est plus que temps que son nom soit salué. Les acteurs qui l’entourent sont tout aussi remarquables, avec une mention spéciale pour Paul Anderson dans le rôle du frère aîné, un chien fou, sec comme une trique, incapable de contrôler les bouffées de violence qui le submergent.

La série compte à ce jour cinq saisons de six épisodes chacun. Deux restent à tourner qui conduiront les héros au seuil de la Seconde guerre mondiale. J’en salive d’impatience.

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Lucy in the Sky ★☆☆☆

Lucy Cola (Natalie Portman) rêvait depuis l’enfance de voyager dans l’espace. Son rêve est devenu réalité à force de travail et de sacrifices. Après une mission spatiale, elle doit se réacclimater à la banalité du quotidien. Lucy n’a qu’une seule obsession : repartir.

Lucy in the Sky est le film miroir de Proxima. Celui-ci racontait les angoisses d’une spationaute française sur le point de partir en mission, tiraillée par la séparation à venir avec son mari et sa fille, angoissée de ne pas être à la hauteur de la mission exaltante qui l’attend. Celui-là pourrait être la suite de celui-ci. On y retrouve presque la même femme, de retour de mission. L’angoisse est toujours là ; mais elle a changé de nature.

Lucy in the Sky est directement inspirée d’une histoire vraie : après avoir participé en juillet 2006 à une mission à bord de Discovery, l’astronaute américaine Lisa Nowak a, en février 2007, agressé et tenté de kidnapper une femme qui entretenait une liaison avec l’astronaute William Oefelein dont Nowak était éprise.

L’affaire Nowak a jeté le soupcon sur l’équilibre psychologique des astronautes missionnés dans l’espace et sur l’efficacité des tests censés dépister des troubles éventuels. Malheureusement cette dimension n’est guère exploitée. Le film se focalise sur son héroïne que l’on voit lentement basculer dans la folie.

Lucy in the Sky met en scène une winneuse, une première de la classe qui n’a jamais connu l’échec. L’histoire aurait tout aussi bien pu concerner une championne olympique ou une danseuse étoile – comme celle d’ailleurs que Natalie Portman avait interprétée dans Black Swan. Du coup la similarité que j’évoquais à l’instant avec Proxima s’avère moins évidente qu’il n’y paraît. Si le film français nous emmenait dans les étoiles, le film américain, qui nous ramène sur terre, est moins original.

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The Good Wife – Saison 1 ★★☆☆

Épouse aimante du procureur de Chicago, mère de famille attentionnée, Alicia Florrick voit sa vie exploser quand l’adultère de son mari est révélé et quand des accusations de corruption conduisent à son incarcération. L’ancienne avocate qui avait arrêté de travailler pour se consacrer à sa famille se voit obligée à la quarantaine de reprendre du service. Elle est recrutée dans une grande firme de Chicago dont l’un des deux associés est un ancien camarade d’université.

The Good Wife est une série iconique. Lancée en 2009, elle a connu sept saisons, pas moins de cent cinquante-trois épisodes et une diffusion quasi-universelle (aux États-Unis sur CBS et en France sur M6 et Téva). La série et son actrice principale, Julianna Margulies, ont remporté un nombre impressionnant de récompenses. Un spin-off a même été lancé en 2017, The Good Fight, dont on dit qu’il est aussi bon sinon meilleur que The Good Wife lui-même.

Il est vrai que The Good Wife fonctionne terriblement bien. Chaque épisode de quarante-trois minutes tapantes est réglé comme du papier à musique. On y voit un procès se dérouler à tout berzingue et se conclure le plus souvent à l’avantage d’Alicia, servie par sa maîtrise du droit, son intelligence émotionnelle et l’assistance souvent précieuse de Kalinda, une détective privée aux méthodes peu conventionnelles. Parallèlement, et à un rythme beaucoup plus lent, la situation familiale d’Alicia évolue, écartelée entre l’impossible pardon du comportement de son mari et l’attirance qu’elle éprouve pour le beau et preux Will Gardner.

Cette recette bien éprouvée est le principal atout de la série dans laquelle on se glisse, au début de chaque épisode, comme on le ferait dans de confortables charentaises. Mais, le temps passant, cette répétition métronomique devient son principal défaut : une fois qu’on a terminé la première saison, et quelque grand le plaisir qu’on y ait pris, on ne voit guère l’intérêt de regarder les cent-trente épisodes suivants, sans doute tout aussi rebondissants mais probablement similaires.