Comme dans ses précédents films (Intervention divine, Le Temps qui reste), Elia Suleiman se met en scène, spectateur silencieux et pince-sans-rire des dérives absurdes de notre monde. On le suit cette fois-ci en train d’écrire son prochain film et d’essayer d’en boucler le financement sur trois continents : d’abord à Nazareth, ensuite à Paris, enfin à New York.
On peut bien sûr, aimer la poésie d’Elia Suleiman, la façon à la fois tendre et mordante qu’il a de croquer le monde qui nous entoure, par exemple dans sa peinture de la capitale française, vidée de ses habitants et de ses touristes par la paranoïa sécuritaire qui la gagne. On peut saluer l’élégance avec laquelle il mène sa charge pour la reconnaissance de la Palestine, où ses pas le ramènent à la fin du film, tel Ulysse à la fin d’un long voyage. On peut s’attacher aux pas de ce héros silencieux, qui rappelle immanquablement les stars tristes du cinéma muet, et partager sa colère rentrée contre toutes les absurdités du monde : la désinvolture de ce voisin envahissant qui vient sans autorisation cueillir des citrons dans le jardin de la maison familiale de Nazareth (métaphore à peine voilée de l’occupation israélienne), l’attitude de ce producteur français (interprété par Vincent Maraval himself) qui rejette le projet du réalisateur au motif qu’il n’est pas « assez palestinien », le cauchemar d’une société américaine surarmée où les clients d’une supérette feraient leurs courses l’arme au poing….
Mais on peut aussi trouver le procédé un peu répétitif d’enchaîner les saynètes – dont les plus réussies ont déjà été diffusées en boucle avec la bande annonce – sur le même format. Aucune ne fait franchement rire – sauf à trouver drôle une bénévole du Samu qui porte assistance à un SDF parisien en lui servant un plateau repas avec les mêmes tics qu’une hôtesse de l’air. Certaines sont franchement ratées – Vincent Maraval est certainement un producteur inspiré mais c’est un acteur calamiteux – et tournent vite au cliché – fallait-il organiser un (long) défilé de mannequins rue Montorgeuil pour encenser la beauté des Parisiennes ?
S’il faut reconnaître à Elia Suleiman le talent d’avoir inventé son personnage, burlesque et poétique, le procédé a ses limites. Avec It must be heaven, elles ont été atteintes.