En 1962, Tony Lip (Viggo Mortensen), un Italien du Bronx, est embauché comme chauffeur par Don Shirley (Mahershala Ali), un pianiste de concert, pour une tournée dans le Sud ségrégationniste.
Green Book est un film que ni le sujet ni la bande annonce ne donne vraiment envie d’aller voir. On escompte un aspirateur à Oscars, un Miss Daisy et son chauffeur (le plus mauvais des Oscars du meilleur film de ces trente dernières années) à l’envers, construit sur les mêmes ressorts.
On se tromperait pourtant en passant à côté de ce petit bijou sublimé par le jeu de ses deux acteurs. Il est difficile de dire qui de Viggo Mortensen et de Mahershala Ali est le meilleur. Le premier, qui a pris vingt kilos pour le rôle et l’accent de De Niro dans Le Parrain, est un « rital » débonnaire, bon mari et bon père de famille, couturé de préjugés. Le second est un esthète en plein mal-être existentiel : son raffinement l’a éloigné de ses frères de couleur tandis que les lois ségrégationnistes de l’Amérique raciste en font encore aux yeux des Blancs un paria, autorisé à jouer pour eux mais pas à partager leurs toilettes. Il étouffe de solitude, prisonnier de sa double minorité, raciale et sexuelle.
Don Shirley est un « Bounty », noir dehors, blanc dedans ; Tony Lip est un demi-nègre dont le statut et le mode de vie (alimentation, goûts musicaux) le rapprochent plus des Noirs que des Blancs. Aux enjeux de la question raciale se croisent ceux de la question sociale.
Ce road movie égrène sans surprise les différents épisodes de la tournée des deux hommes que tout oppose a priori. Elles sont autant d’occasions de les rapprocher. La façon dont par exemple l’homosexualité de Don Shirley est révélée est admirable de délicatesse.
On en devine par avance les rebondissements jusqu’à la scène finale. Pour convenue et prévisible qu’elle soit, elle n’en fera pas moins couler une larme.