Le Tigre du Bengale / Le Tombeau hindou ★☆☆☆

Au début du vingtième siècle, l’architecte Harald Berger a été recruté par le maharadjah d’Eschnapur pour y construire un hôpital. En chemin vers sa destination, il croise Seetha, une danseuse sacrée, et sa garde. Il la sauve des griffes d’un tigre. Entre l’architecte européen et la jeune femme, le coup de foudre est immédiat. Mais Seetha est promise au maharadjah contre lequel son frère fomente une révolution de palais.

Le Tigre du Bengale et Le Tombeau hindou, deux films d’une heure quarante chacun qui n’en forment qu’un, marque le retour de Fritz Lang en Allemagne, à la fin des années cinquante, plus de vingt ans après son départ pour Hollywood. On sait l’éblouissante carrière du réalisateur allemand et la succession de chefs-d’œuvre qu’il a réalisés avant et après son exil : Mabuse, Metropolis, M le maudit, La Femme au portrait, L’Invraisemblable Vérité

De retour en Allemagne, Lang décide de reprendre un vieux projet dont il avait co-écrit le scénario au début des années vingt avec sa deuxième épouse Thea von Harbou. Un film en noir et blanc en avait été tiré en 1938.
Mais Fritz Lang, fort de sa renommée, entend déployer les grands moyens. La mode est aux péplums : Cecil B. De Mille vient de boucler Les Dix Commandements, William Wyler tournera Ben-Hur et Stanley Kubrick Spartacus deux ans plus tard.

Froidement accueilli à sa sortie, sinon par les fans inconditionnels du maître, le diptyque a mal vieilli, aussi louables soient les efforts pour en ressusciter les chatoyantes couleurs. Il est vrai que les paysages du Rajahstan – que les producteurs de James Bond allaient eux aussi choisir vingt-cinq ans plus tard comme cadre à Octopussy – sont exotiques à souhait.

On en retiendra à la rigueur la sensualité de son héroïne, Debra Paget, dont la danse dénudée dans le temple sacré constitue une scène d’anthologie Mais l’intrigue, qui charrie son lot de clichés colonialistes et sexistes, est trop naïve pour convaincre. Et cette Inde en carton-pâte reconstituée pour l’essentiel dans les studios de Berlin, ces acteurs allemands la peau noircie au charbon pour leur faire jouer des rôles de maharadjah ou de brahmane (comme les acteurs de Naissance d’une nation cinquante ans plus tôt) suscitent la gêne depuis L’Orientalisme de Edward Saïd et quarante ans d’études postcoloniales.

S’il s’agissait d’une série B commise par un quelconque faiseur hollywoodien, on aurait plus d’indulgence. Mais dans l’œuvre si subtile du maître allemand, ce nanar kitsch fait tâche.

La bande-annonce

Un commentaire sur “Le Tigre du Bengale / Le Tombeau hindou ★☆☆☆

  1. A priori, il est difficile de comprendre ce point de vue quand on a découvert ce diptyque à partir de 1965 en se glissant pour une soirée entière dans les fauteuils moelleux de la Cinémathèque de Chaillot… Nous étions alors des inconditionnels, y voyant une prolongation sur écran d’un univers proche de Blake et Mortimer plutôt qu’un « nanar kitsch ». Mais quand j’y pense (non sans stupéfaction) le double film n’avait pas encore dix ans, alors qu’il en a désormais 60 ! Ceci explique sans doute cela.

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