La Plateforme ★★☆☆

La prison dans laquelle Goreng (Ivan Massagué) a été incarcéré est composée de plusieurs centaines de cellules, accueillant chacune deux prisonniers, disposée verticalement, les unes sur les autres. Chacune est percée, au sol comme au plafond, d’un trou, « la fosse » (El Hoyo, le titre espagnol original) par lequel descend une plateforme chargée de victuailles. Les étages supérieurs se servent les premiers, ne laissant aux étages inférieurs que leurs restes.

Hasard des calendriers, la sortie sur Netflix de ce thriller claustrophobe a coïncidé avec le premier confinement en mars 2020. C’est ce qui explique son succès. C’est ce qui explique qu’un an plus tard, j’y sois allé jeter un œil pour rattraper mon retard.

La Plateforme nous vient d’Espagne. Son dispositif – un homme se réveille dans une prison de cauchemar dont il essaie de s’échapper – rappelle d’autres films similaires bien connus : Saw ou Cube. Mais son sous-texte politique rappelle surtout Snowpiercer et High-Rise : deux métaphores plus ou moins réussies de nos sociétés capitalistes et inégalitaires.

À première vue, la métaphore est simple sinon simpliste et sonne comme une critique dévastatrice de la théorie du ruissellement, l’idée selon laquelle les richesses créées par les plus nantis profiteraient aussi aux plus pauvres. « Détrompez-vous, pauvres gens, nous disent les prisonniers des étages supérieurs qui se baffrent au lieu de laisser leurs parts aux prisonniers des étages inférieurs ; il ne vous restera que des miettes ».

Mais La Plateforme est un peu plus subtil que cette dénonciation manichéenne. Film d’un pessimisme radical, il renvoie dos à dos l’égoïsme du capitalisme, la naïveté de l’humanisme (incarnée par le personnage de Imoguiri qui prône la solidarité par l’exemple) et même la brutalité du communisme. La seule philosophie qui vaille est celle du Don Quichotte, le livre avec lequel Goreng, dont la ressemblance avec le héros de Cervantes est frappante, migre de cellule en cellule : le monde est un théâtre peuplé d’hallucinations dans lequel chacun peut combattre l’injustice.

Sa fin est assez emberlificotée. On trouve sur Internet tout un tas d’interprétations possibles. La plus évidente n’est hélas pas la plus intelligente.

La bande-annonce

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