L’Effacement ★★☆☆

Reda est le fils cadet de l’un des pontes du régime algérien, l’influent président de la Société nationale du pétrole et du gaz. Timide et renfermé, Reda a grandi sous l’ombre envahissante de cet homme autoritaire. Son frère aîné Fayçal s’en est affranchi et après une ultime altercation est allé vivre en France. Reda au contraire a accepté de travailler dans la société de son père et de partir faire son service militaire. Mais tout change après la mort brutale du cacique.

Karim Messaoui est un réalisateur algérien. Il s’était fait connaître en 2015 par un moyen-métrage minimaliste Les Jours d’avant qui racontait l’amour impossible de deux jeunes gens dans l’Algérie des années 90. Il avait ensuite tourné en 2017 son premier long-métrage En attendant les hirondelles. Près de huit ans ont passé avant son second long-métrage tourné en Tunisie et en France en raison du regard critique qu’il porte sur la société algérienne et ses blocages.

Car L’Effacement est un film très politique. Le père de Reda fait partie de cette génération de hiérarques soudés par la guerre d’indépendance qui dirigent le pays d’une main de fer. Leurs enfants n’ont d’autre option que d’accepter silencieusement l’autorité de leurs pères comme Reda ou de prendre le chemin de l’exil comme Fayçal. Une fois ces pères disparus, ils sont « effacés ».
Et c’est là que la seconde partie du film commence. Comment réagir à cet insupportable effacement ? Comment devenir un homme ? Par la violence que Reda découvre pendant son service militaire et qui l’attire comme un puits sans fond ? Par l’amour qui s’esquisse avec la directrice d’un hôtel restaurant perdu au fond du désert (on reconnaît l’actrice iranienne Zar Amir Ebrahimi découverte dans Les Nuits de Mashhad) ?

Adapté d’un roman publié en 2016 que je suis curieux de lire pour savoir s’il lui est fidèle, L’Effacement pousse la logique du personnage jusqu’à le déréaliser. La conclusion du film est radicale. Trop peut-être.

La bande-annonce

Rumours, nuit blanche au sommet ☆☆☆☆

Les chefs d’État et de gouvernement du G7 se réunissent en Allemagne sous la présidence de la chancelière fédérale (Cate Blanchett). Ils doivent rédiger une déclaration commune sur la crise. Mais quand la nuit tombe, ils se retrouvent coupés du monde, menacés par des hordes de zombies.

Guy Maddin est un réalisateur canadien connu pour ses œuvres poétiques et esthétisantes, souvent tournées en noir et blanc dans des paysages intemporels : The Saddest Music in the World (2003), Winnipeg mon amour (2007)…
Rumours relève d’une genre bien différent, celui de la farce politique. Il m’a rappelé Gaz de France (2016), une pochade à mon sens totalement ratée où Philippe Katerine interprétait le rôle d’un Président de la République isolé dans son bunker à la recherche d’un second souffle pour relancer sa popularité.

Guy Maddin louche du côté du film d’horreur avec ses nuits noires menaçantes et ses zombies hagards. Mais Rumours ne fait jamais peur.
Rumours est avant tout un film politique. Mais son message est bien mince : les leaders du G7 sont des clowns pathétiques et peureux, humains trop humains (l’Alméricain s’endort, le Français pérore, le Canadien drague….), incapables de se départir d’une langue de bois vide de sens.

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Les Enfants rouges ★★☆☆

Deux cousins vont faire paître leurs bêtes dans une zone militaire interdite. Des jihadistes les arrêtent, exécutent l’aîné Nizar qu’ils suspectent d’être un mouchard à la solde de l’armée et ordonne au cadet Achraf de ramener au village sa tête décapitée. Le gamin, âgé de quatorze ans à peine, en sera durablement traumatisé. Le village, sous le choc, organise une expédition pour récupérer la dépouille du défunt.

Les Enfants rouges s’inspire d’un fait divers macabre qui a eu lieu en Tunisie fin 2015. Il en restitue l’horreur. On partage avec les deux gamins la jouissance transgressive de cette échappée en zone interdite au sommet d’une montagne sauvage jusqu’à une source reculée. Cette parenthèse, on le sait par avance, sera brutalement interrompue par la rencontre des jihadistes et leur crime sauvage. On appréhende ce moment qui, heureusement, se déroulera hors cadre, même si ses images ressurgiront plus tard via la vidéo que les assassins en auront tournée.

Les Enfants rouges n’est pas un documentaire. C’est une œuvre de fiction qui raconte ce drame du point de vue d’Achraf. Le gamin est traversé par des sentiments contradictoires : le bonheur d’abord d’accompagner son cousin dans une zone interdite, la sidération devant son exécution et la tâche morbide que les terroristes lui confient, la peur de rentrer chez lui, de n’être pas cru… Quand les villageois lui demandent de les guider jusqu’au lieu du crime, Achraf hésite et entretient, avec le défunt, un dialogue imaginaire pour recueillir son avis : sa dépouille a-t-elle vocation à rester dans la montagne ou à être ensevelie dans la plaine ?

Le défaut des Enfants rouges selon moi est de se laisser écraser par son sujet certes glaçant mais qui, à lui seul, ne suffit pas à nourrir un film.

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Little Jaffna ★★☆☆

Michael (Lawrence Valin) est d’origine tamoule. Il est arrivé en France à l’âge de quatre ans et y a été élevé par sa grand-mère. Devenu policier, il est chargé par la DGSI d’une mission périlleuse : infiltrer les Killi’z, une bande mafieuse tenue d’une main de fer par son parrain, Aya, qui prélève « l’impôt révolutionnaire » à Little Jaffna, le quartier tamoul de Paris, et en reverse le fruit à l’Eelam Tamoul, mouvement de guérilla qui se bat pour l’indépendance au nord du Sri Lanka.

Little Jaffna est un film original qui cumule deux qualités rares.

Son sujet : il nous plonge dans une communauté méconnue, celle des immigrés tamouls à Paris, forte de plusieurs dizaines de milliers de membres, concentrée dans le quartier de la Chapelle, à la frontière des 10ème et 18ème arrondissements. Je ne crois pas que le cinéma s’y soit déjà intéressé – alors qu’on ne compte plus les films sur les autres communautés émigrées à Paris, maghrébine (Barbès, Little Algérie), vietnamienne (Dans la cuisine des Nguyen), chinoise (Les Fleurs amères) subsaharienne (L’Histoire de Souleymane), portugaise (La Cage dorée), etc. Le héros de Dheepan, Palme d’or 2016, est certes tamoul et porte le traumatisme de son passé violent ; mais le film de Jacques Audiard évoquait un homme seul, coupé de sa communauté.

Lawrence Valin au contraire adopte un parti quasi documentaire, nous plongeant dans le bruit et les odeurs de ce quartier haut en couleurs. Il filme les fêtes populaires où les Ganesh portés à dos d’hommes paradent dans les rues et les tablées joyeuses où les convives plongent les mains (utiliser une fourchette est une manifestation honnie d’acculturation) dans le plat commun.

L’autre qualité de Little Jaffna est sa forme. Lawrence Valin a le culot de réaliser un film de gangsters et de se frotter à des maîtres indépassables. On pense aux Infiltrés ou à Mean Streets de Martin Scorsese, à La nuit nous appartient de James Gray au film hongkongais Infernal Affairs, au diptyque indien Les Gangs de Wasseypur… Mesuré à cette aune, Little Jaffna peut sembler bien pâlot. Ce n’en est pas moins un premier film tendu, audacieux et réussi.

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Ghostlight ★★★☆

Dan est employé de la voirie de Chicago. Il n’est plus le même homme depuis qu’un drame a anéanti sa vie. Le hasard d’une rencontre le conduit à rejoindre une troupe de théâtre où il jouera Roméo et Juliette. Cette expérience cathartique sera pour lui le moyen de se réconcilier avec sa femme et avec sa fille, en pleine crise d’adolescence.

Le scénario de Ghostlight pourrait sembler bien artificiel : il croise le deuil d’une famille inconsolable et la mise en scène par une troupe de théâtre amateur de la pièce archiconnue de Shakespeare. Pourtant, à partir de ce point de départ improbable, Kelly O’Sullivan et Alex Thompson, le couple derrière la caméra, signent un film d’une bouleversante justesse qui m’a fait pleurer de la première (j’exagère : disons la deuxième) à la dernière minute.

La raison de ma réaction est double : mon histoire familiale et mon goût immodéré pour Roméo et Juliette auquel je voue, depuis l’adaptation millenial et musicale de Baz Luhrmann avec Leonardo DiCaprio et Clare Danes en 1996 qui avait divisé la critique et m’avait transporté, une admiration irraisonnée. À la même époque, j’en avais vu au théâtre des Amandiers la mise en scène de Stuart Seide qui est restée gravée dans ma mémoire. Il suffit que j’entende les premiers mots de son prologue (« Two households both alike in dignity/ In fair Verona…« ) pour que je tombe en pâmoison.

Les trois rôles principaux – le père, la mère et leur fille – sont joués par une « vraie » famille à la ville :  Keith Kupferer (une sorte de Michel Barnier aux cheveux bouclés), sa femme Tara Mallen et leur fille Katherine Mallen Kupferer. Cette dernière est particulièrement remarquable. Elle joue à la perfection une adolescente en surtension permanente, aussi prompte à se révolter (contre la bêtise des adultes et la routine du lycée) qu’à s’enthousiasmer (pour la troupe de théâtre qui, après avoir ouvert ses portes à son père, lui ouvre ses bras). Sa folle énergie contraste avec la placidité dépressive de son père qui s’est muré dans le silence.

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Les Musiciens ★★☆☆

Astrid Carson (Valérie Donzelli) est l’héritière de son père, un richissime homme d’affaires récemment décédé. À la tête de la fondation qu’il a créée, elle essaie de réaliser son rêve : réunir quatre Stradivarius et leur faire jouer le quatuor qu’il avait commandé un quart de siècle plus tôt au compositeur Charlie Beaumont (Frédéric Pierrot). Mais réunir quatre musiciens d’exception pour monter cet enregistrement s’avère plus difficile que prévu.

Le film de Grégory Magne (Les Parfums) a un défaut quasi rédhibitoire : on sait par avance comment il va se terminer. On sait par avance que les tensions qui existent entre les quatre musiciens finiront par s’apaiser et que, dans la dernière scène du film, ils interpréteront, à l’unisson, devant son compositeur ému aux larmes, une oeuvre sublime.

Fort heureusement, ce défaut est compensé par trois qualités remarquables. La première est un scénario rebondissant, qui maintient la tension et soutient l’attention. Il montre l’évolution au sein du groupe entre ses quatre membres : le premier violon si égocentrique, le second violon, malvoyant, qui fait les yeux doux (sic) à la violoncelliste, la jeune altiste, en mal de reconnaissance…

La deuxième est Frédéric Pierrot, dans le rôle d’un compositeur lunaire (!), qui entend se départir de tout artifice, pour revenir à ce qui, selon lui, constitue l’essence de la musique : sublimer les bruits de la Nature. Frédéric Pierrot est particulièrement drôle dans ce rôle qui frise le burlesque. Mais il réussit en même temps à y être d’une étonnante profondeur.

Enfin, et c’est le plus important, Les Musiciens vaut par sa musique. Une oeuvre originale en quatre mouvements a été commandée à Grégoire Hetzel. Ce célèbre compositeur de musique de films est régulièrement nominé aux César : en 2011 pour L’Arbre, en 2016 pour Trois souvenirs de ma jeunesse, en 2019 pour Un amour impossible, en 2020 pour Roubaix, une lumière, en 2023 pour L’Innocent. Sa composition est superbe. Je craignais que le dernier plan se termine à la seconde où le concert commencerait. J’ai été heureux, même si l’effet dramatique est moins fort, que la caméra tourne encore quelques minutes pour nous laisser écouter ce résultat splendide.

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Mexico 86 ★☆☆☆

Maria (Bérénice Bejo) est une militante de l’Armée révolutionnaire guatémaltèque qui combat contre la dictature et milite pour le retour de la démocratie dans cette petite république d’Amérique centrale. Après l’assassinat de son mari à la fin des années 70, elle s’est exilée au Mexique, y vit sous couverture comme correctrice dans un journal et poursuit la lutte clandestine. Elle a laissé son fils au Guatemala aux bons soins de sa mère qui, atteinte d’une maladie incurable, ne peut plus assumer sa garde.

Mexico 86 est un film d’autant plus touchant que son réalisateur, César Diaz, s’est inspiré de sa propre vie et de celle de sa mère. Comme son titre l’indique, il se déroule à Mexico, en 1986, au moment de la Coupe du monde de football (dont la France, on s’en souvient, s’est fait une nouvelle fois éliminer par la Mannschaft en demi-finale sans réussir à prendre sa revanche de Séville quatre ans plus tôt).

Le film tisse deux histoires. La première est celle d’un récit d’espionnage avec ses fausses identités, ses postiches, ses filatures, ses courses-poursuites. La seconde investit un tout autre registre, celui de la relation mère-fils.

Le problème de Mexico 86 est qu’il échoue à tenir la balance entre ces deux dimensions.
Autant la première est réussie, grâce à la performance de Bérénice Bejo, délicieusement paranoïaque, dont on sait combien elle est une grande artiste (OSS 117, The Artist, Le Passé, L’Economie du couple…). On retrouve le parfum des vieux films des années 70 façon Les Hommes du président, accompagnés par une musique nerveuse.
Autant la seconde est trop convenue, trop prévisible, trop tire-larmiste pour convaincre.

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Ce Nouvel An qui n’est jamais arrivé ★★☆☆

Le 21 décembre 1989, en direct à la télévision roumaine, le dictateur Nicola Ceaușescu est hué par la foule. Il sera exécuté quatre jours plus tard avec sa femme après un procès expéditif. Ce Nouvel An qui n’est jamais arrivé, Grand Prix du dernier festival de Venise, suit pas à pas la vie de six Bucarestois ordinaires la veille de la chute du régime : un ouvrier dont le fils vient d’envoyer au Père Noël une bien embarrassante missive, un réalisateur à la télévision nationale obligé de retourner dans l’urgence la soirée du Nouvel An et de trouver une nouvelle actrice après la défection de la précédente, son fils qui a décidé de fuir le pays, un employé de la Securitate, la police secrète, sa mère qui refuse d’abandonner la maison où elle a toujours vécu….

On connaît la richesse du cinéma roumain depuis la Palme d’or ô combien méritée attribuée en 2007 à Christian Mungiu pour Quatre mois, trois semaines, deux jours. On sait que la fin du régime de Ceaușescu est un de ses sujets de prédilection. Ainsi 12h08 à l’est de Bucarest (2006) de Corneliu Porumboiu montrait avec une cruelle ironie comment les Roumains avaient souvent héroïsé leur participation à la chute de la dictature. 

Ce Nouvel An… a une texture quasi documentaire. Il vaut d’abord par son échantillonnage sociologique : quatre hommes, deux femmes, de tous les âges et de tous les milieux. Parmi eux, un, l’employé de la Securitate, sert le régime, deux autres, l’actrice et le fils, le détestent, les trois autres le subissent avec résignation. Il vaut surtout par la finesse des caractères dépeints : ni héros, ni salaud, chacun a ses raisons et interroge celles que nous aurions eues si nous avions été dans la même situation. Défendre des valeurs, certes ; mais surtout sauver sa peau et celle des siens face à un avenir encore inconnu.

Ce Nouvel An… souffre d’une faiblesse structurelle. On en sait par avance la fin. On sait comment l’histoire se finira et on sait qu’elle se finira « bien », par la chute du dictateur et la fin de la dictature. Cette connaissance rétrospective éclaire d’un jour moins dramatique les événements traversés par les six protagonistes. Le drame devient moins dramatique (on ne tremble pas quand Laurențiu est arrêté), la comédie plus drôle. Il est caractéristique que l’épisode le plus réussi du film soit le plus ironique : la lettre au père Noël du fils de Gelu l’ouvrier.

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Tu ne mentiras point ★★☆☆

William Furlong (Cilian Murphy) est charbonnier à Wexford dans le sud-ouest de l’Irlande des années 80. Son passé se dévoile à travers plusieurs flashbacks. Il a été élevé dans les années 50 par une mère célibataire recueillie par une riche douairière. Il s’est marié, a fondé un foyer et est aujourd’hui le père de pas moins de cinq filles. Il livre le charbon régulièrement au couvent de la Madeleine et prend lentement conscience des mauvais traitements que ses pensionnaires y subissent.

En 2002, le film de Peter Mullan, The Magdalene Sisters, avait popularisé les sévices subis par plusieurs dizaines de milliers de jeunes filles pendant plus de soixante-dix ans dans des établissements religieux irlandais. Dix ans plus tard, Philomena de Stephen Frears racontait l’histoire vraie d’une Irlandaise dont l’enfant lui avait été retiré à la naissance un demi-siècle plus tôt. Tu ne mentiras point (dont le titre anglais, plus subtil, est Small Things Like These) revient sur ce passé irlandais qui ne passe pas.

C’est l’adaptation d’un livre de Claire Keegan, dont un autre roman très réussi vient tout juste d’être porté à l’écran : The Quiet Girl racontait les quelques semaines passées par une fillette renfermée chez un couple aimant d’agriculteurs sans enfant. J’ai trouvé que ces deux films se ressemblaient – même si l’un se déroulait pendant un été ensoleillé alors que l’autre baigne dans un hiver humide. Ils ont en commun un rythme lent, le refus des rebondissements spectaculaires, une pudeur à ne pas trop en dévoiler.

Tu ne mentiras point a le défaut de ses qualités : sa retenue le dessert. Il est happé, comme un trou noir, par la composition magistrale de Cillian Murphy, sans doute l’un des acteurs les plus impressionnants de sa génération, comme l’a montré son interprétation de Oppenheimer. Son mutisme, dont on se demande ce qu’il cache, aspire tout, au risque de réduire le film au silence.

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Les Linceuls ★☆☆☆

Karsh (Vincent Cassel) est un riche quinquagénaire rendu fou de chagrin par la mort de sa femme. Avec sa fortune, il a commercialisé un procédé technologique futuriste permettant de suivre, grâce aux capteurs qui tapissent le linceul dans lequel le cadavre est enterré, la lente putréfaction du corps de l’être cher. Or, le cimetière où repose Rebecca son épouse (Diane Kruger) est profané. Qui est à l’origine de cet acte de vandalisme ? Une ONG écologiste basée en Islande ? L’investisseur hongrois qui souhaite prendre des parts dans la société de Karsh ? Les services de renseignement chinois ou russe ? Le propre frère de Karsh (Guy Pearce), brisé par son divorce ? L’ex-oncologue de Rebecca mystérieusement disparu à l’occasion d’un congrès international ?

David Cronenberg, à quatre-vingts ans passés, fait partie de ces géants du cinéma, dont l’œuvre impressionnante (La Mouche, Le Festin nu, Crash, A History of Violence…) suscite une admiration révérencieuse. Chacun de ses nouveaux films – dont on peut craindre légitimement qu’il soit le dernier – est ipso facto sélectionné à Cannes (ce fut le cas de Maps to the Stars en 2014 et des Crimes du futur en 2022) quelles que soient ses qualités intrinsèques. Et d’ailleurs, si je suis allé voir dès sa sortie son dernier film, c’est précisément en raison de l’admiration respectueuse que je porte à l’un des plus grands réalisateurs canadiens contemporains (ex aequo avec Denis Villeneuve, Xavier Dolan et James Cameron).

Pour autant, quitte à passer pour un ilote, force m’est de confesser que je n’aime pas Cronenberg. Je n’ai jamais compris ses névroses, ses pulsions refoulées, son obsession pour le corps humain et sa mutilation. Crash par exemple sur l’érotisation de l’accident de la route et la fusion de l’humain et du mécanique (une thématique faussement transgressive plagiée par Julia Ducournau dans Titane dont je soutiens qu’il ne méritait pas la Palme d’or) m’a profondément mis mal à l’aise.

Aussi très logiquement n’ai-je pas aimé ces Linceuls. J’ai trouvé son idée de départ peu réaliste. Qui aurait sérieusement l’idée de filmer le lent pourrissement du cadavre de sa femme ? D’autant que Vincent Cassel, un acteur toujours aussi sautillant et débordant d’énergie, n’est guère crédible dans le rôle d’un veuf inconsolable. Le jeu des acteurs, à commencer justement par celui de Vincent Cassel, qu’on sent à chaque réplique obsédé par sa prononciation anglaise, m’a semblé particulièrement mauvais. J’ai  également trouvé le film terriblement bavard, enchaînant les longs face-à-face paresseusement filmés en plans/contre-plans mettant en présence le héros avec tous ceux qu’il soupçonne successivement de l’abuser. Le scénario enfin m’a semblé excessivement filandreux, qui multiplie, comme un mauvais James Bond, les fausses pistes.

C’est à ma déférence envers le vieux maître que le film doit sa seule étoile. Si j’avais été moins respectueux, je ne lui en aurais mis aucune.

La bande-annonce