Elle s’appelle Barbara ★★☆☆

Barbara est née au Portugal et a grandi en France. Épouse d’un soldat de Daesh, elle est arrivée en Irak via la Turquie. Elle a donné à son mari, avant sa mort en martyr, deux enfants à douze mois d’intervalle. Devenue veuve, elle s’est remariée à un djihadiste français qui sera exécuté par les forces irakiennes sous ses yeux après la chute de l’État islamique. Enceinte d’un troisième enfant, Barbara attend son jugement et peut-être son rapatriement en France.

Sérgio Tréfaut est un documentariste brésilien chevronné qui a fui la dictature des militaires au Brésil dans son jeune âge et a grandi au Portugal où il a fait carrière. Il avait l’intention de réaliser un documentaire sur le départ de jeunes Européens convertis en Syrie. Il avait même commencé un scénario sur un jeune Portugais passionné de football. Mais à la chute de l’EI, il a changé son fusil d’épaule. Il s’est intéressé aux veuves des djihadistes et à leurs enfants en bas âge. Et il a opté pour la fiction.

Mais loin de tourner un film d’action au scénario rebondissant, il prend le parti radical de l’épure. Elle s’appelle Barbara (traduction bien maladroite de A Noiva, « La Mariée ») est un film minimaliste, certes tourné sur les lieux mêmes du drame, dans Mossoul libéré par les armées kurdes en Irak, mais qui pourrait être joué sur une scène de théâtre.

On y suit des cohortes de femmes enturbannées dans d’immenses niqabs noirs qui ne laissent rien deviner de leurs formes ni de leurs traits. Leur silence résigné témoigne de la violence des épreuves qu’elles ont traversées et de leur impuissance. Le scénario aurait pu imaginer des personnages secondaires en les faisant parler. Il ne recourt pas à cette facilité.

Barbara elle-même reste silencieuse. Le film tourne le dos courageusement à toute approche sociologisante ou psychologisante, affirmant ainsi l’impossibilité de réduire ces femmes à quelques traits de caractère qui permettraient d’expliquer leur amer destin. On ne saura rien du passé de Barbara, rien des motifs qui l’ont conduite en Syrie. On croit comprendre qu’elle est venue à Mossoul contre son gré, qu’elle désapprouvait la violence aveugle des djihadistes, mais bizarrement, elle ne prononce pas ces mots qui pourraient l’innocenter, soit qu’elle craigne la réprobation de ses compagnes de cellule, soit qu’elle sache par avance que ses gardiens et ses juges ne se laisseront pas amadouer par d’aussi vertueuses protestations.

Si ce hiératisme constitue peut-être la plus grande qualité de cette étonnante fiction, il en constitue aussi la principale limite. Car il corsète le film en l’amputant de scènes qu’on escomptait plus lyriques : la rencontre de Barbara avec sa belle-mère, venue chercher la dépouille de son fils à défaut de comprendre son choix radical, sa rencontre avec son père qui, à la différence de sa mère qui l’a reniée, lui a pardonné et souhaite la secourir.

La bande-annonce

L’Expérience Almodóvar ★☆☆☆

La Voix humaine : Une femme (Tilda Swinton) est cloîtrée chez elle depuis trois jours et n’en est sortie que pour acheter une hache. Elle attend, avec comme seule compagnie celle de son chien, l’appel de son amant qui va lui annoncer leur rupture. Ce long échange téléphonique la plongera dans la folie.

Strange Way of Life : Silva (Pedro Pascal) est un vieux cowboy qui, après une longue séparation, retrouve Jake (Ethan Hawke). Les deux hommes vécurent ensemble pendant deux mois une folle passion amoureuse durant leur jeunesse. Ils passent la nuit ensemble. Mais, au réveil, Silva révèle à Jake le motif réel de leurs retrouvailles.

La Voix humaine et Strange Way of Life sont deux moyens-métrages de trente minutes chacun environ qu’un distributeur français a eu l’idée de sortir en salles ensemble. L’idée n’est pas si bête puisqu’elle m’a séduite, comme d’autres afficionados d’Almodóvar, frustrés par la production au compte-gouttes de ses longs (le dernier, Madres Paralelas, est sorti en décembre 2021 et le précédent, Douleur et gloire, en mai 2019) et par la disette de l’actualité cinématographique en cette mi-août.

Mais le produit marketing, s’il réussit à attirer quelques gogos, est franchement décevant sinon malhonnête. Deux moyens métrages sont présentés d’une durée totale d’une heure à peine et qui n’ont guère de points communs sinon qu’on y reconnaît immédiatement la patte du maestro espagnol : décors aux couleurs clinquantes et héroïne hitchcockienne dans La Voix humaine – librement inspiré d’une pièce de Cocteau – esthétique queer et romance gay dans Strange Way of Life.

Devant Strange Way of Life, on a un peu l’impression de regarder une pub pour Yves Saint Laurent. C’est d’ailleurs quasiment le cas, le film ayant été coproduit par Anthony Vaccarello, le directeur artistique de la maison YSL, qui en a dessiné les costumes.

Ne ratez pas le superbe générique de La Voix humaine. Mais méfiez-vous néanmoins d’un film dont la plus grande qualité est son générique.

La bande-annonce

Un coup de maître ★☆☆☆

Renzo Nervi (Bouli Lanners) est une vieille gloire déchue de la peinture contemporaine en manque d’inspiration depuis la mort de sa muse. Les critiques d’art qui l’avaient porté aux nues le honnissent ; ses créanciers menacent de le saisir ; mais Renzo Nervi semble incapable de sortir de la spirale suicidaire qui le happe. Sa seule planche de salut semble être Arthur Forrestier (Vincent Macaigne), son galeriste, qui fut son élève aux Beaux-Arts avant de devenir son plus fidèle ami.

Honnête faiseur du cinéma français, Rémi Bezançon réussit depuis une vingtaine d’années à rassembler autour de lui les acteurs les plus bankables du cinéma français (Fabrice Luchini, Camille Cottin, Pio Marmaï, Louise Bourgoin, Vincent Elbaz, Manon Cotillard, Gilles Lellouche…) pour tourner des films solides qui font les délices des chaînes de télévision et des téléspectateurs du dimanche soir : Le Mystère Henri PickNos futursUn heureux événementLe Premier jour du reste de ta vieMa vie en l’air

Vient s’ajouter à cette filmographie qui n’a rien d’infamant mais rien non plus d’inoubliable ce remake dispensable d’une comédie argentine sortie il y a quatre ans à peine. Tout y était déjà : la critique féroce du monde de l’art et de sa superficialité, le virage vers le thriller, la touchante histoire d’amitié entre deux hommes, jusqu’au personnage secondaire, pas vraiment réussi, du jeune apprenti.

Certes, Bouli Lanners et plus encore Vincent Macaigne excellent dans leurs rôles au point de nous faire presque monter la larme à l’œil. Mais ce brillant numéro d’acteurs ne suffit pas à sauver cette comédie noire. Son principal ressort est lamentablement divulgâché par la bande-annonce. Il intervient très tard dans le film, bizarrement construit en deux parties d’inégale importance. La première, trop longue mais très cohérente, décrit la dépression et l’autosabordage du peintre ; la seconde, trop courte et construite de bric et de broc, raconte le mensonge inventé par Forrestier pour faire remonter la cote de l’artiste et ses conséquences inattendues.

Un coup de maître se regarde sans déplaisir. Les spectateurs de la petite salle sanaryenne où je l’ai vu en sont sortis enchantés. Mais je prends le pari qu’ils en auront oublié le titre avant la fin du mois.

La bande-annonce

Sur la branche ★★☆☆

Mimi (Daphné Pataka) sort d’hôpital psychiatrique. Elle frappe à la porte d’un cabinet d’avocats pour y retrouver un travail. Me Bloch (Agnès Jaoui) lui confie la tâche délicate de remettre la main sur Me Rousseau (BenoîtPoelvoorde), son associé et son ex-mari, qui, victime d’une grave dépression, a abandonné son poste et vit cloîtré chez lui. La défense d’un sympathique voyou (Raphaël Quenard) sera l’occasion pour Mimi et Paul Rousseau de travailler ensemble et de reprendre goût à la vie.

J’avais énormément aimé le précédent film de Marie Garel-Weiss, La fête est finie, qui mettait en scène la complicité de deux jeunes filles en cure de désintoxication. Son passage à la comédie est un peu moins convaincant.

Sur la branche ne manque pas de qualités. La principale tient dans son héroïne, remarquablement interprétée par Delphine Patika, qui réussit, d’un plan à l’autre, à se métamorphoser : totalement invisible ici, incroyablement glamour là. Au-delà de la qualité de l’interprétation, c’est la richesse du rôle qui mérite les louanges.

On croise souvent des personnages névrotiques ou bipolaires au cinéma. Ils sont presque toujours filmés de deux façons caricaturales : soit leur mal s’aggrave et ils plongent dans une folie sans retour, soit leur mal se soigne et la maladie disparaît comme par enchantement révélant un être sain et équilibré. Le personnage de Mimi reste pendant tout le film « sur la branche », dans un état fébrile et intermédiaire entre la folie douce et la raison. Quand elle est raisonnable, elle menace de basculer dans la folie ; quand elle divague, on espère qu’elle reviendra vite à elle.

Récemment, Les Intranquilles avait magistralement réussi à filmer avec Damien Bonnard un peintre bipolaire et le calvaire de sa famille pour endiguer ses hauts et le tirer de ses bas. Sur un mode plus léger, Sur la branche traite du même sujet. C’est peut-être la légèreté de ce film qui m’a embarrassé. Car l’histoire qu’il raconte – une molle enquête policière autour du vol d’une édition originale de Proust par le fils à la paternité douteuse de la gouvernante d’une riche famille bretonne – ne casse pas trois pattes à un pinson. À vouloir jouer sur deux terrains, Sur la branche risque de décevoir ses deux publics : ceux qui en attendent une aimable distraction et ceux qu’intéresse le portrait plus grave d’une femme bipolaire.

La bande-annonce

La Voie royale ★☆☆☆

Fille de modestes agriculteurs du Forez (Antoine Chappey et Marilyne Canto, mariés à l’écran et à la ville), Sophie Vasseur (Suzanne Jouannet, César du meilleur espoir féminin 2022 pour son rôle tout en subtilité dans Les Choses humaines) est poussée par son prof de maths de terminale à rejoindre une classe prépa scientifique à Lyon. La jeune boursière pourra compter sur l’amitié de sa voisine d’internat, Diane (Marie Colomb, remarquée dans Laëtitia et As bestas), et sur la protection de Hadrien (Lorenzo Lefebvre), un 5/2 qui maîtrise tous les codes. Mais, écrasée par la masse de travail et la difficulté des matières, traumatisée par sa première colle avec une professeur de physique intraitable (Maud Wyler), Sophie semble bien mal partie pour réaliser le rêve qu’elle s’est autorisée : intégrer l’X.

La classe prépa est une originalité bien française de l’Enseignement supérieur dont on pourrait s’étonner qu’elle ne soit pas le décor de plus de films tant son potentiel cinématographique est grand. Mis à part La Crème de la crème de Kim Chapiron en 2014, je serais bien en mal d’en citer d’autres. En un lieu quasiment clos (unité de lieu), des jeunes gens venus des horizons les plus différents, entre lesquels naîtront des amitiés pour la vie, des haines tenaces ou des histoires d’amour plus ou moins durables, sont réunis pendant deux ou trois ans (unité de temps) avec un seul objectif en tête : intégrer une Grande école (unité d’action).

Frédéric Mermoud a bien compris tout le parti à tirer de cet arrière-plan. Il sait que la prépa peut être le décor d’un film politique (Sophie saura-t-elle faire oublier ses origines sociales pour assimiler les codes qu’elle n’a pas ?) et d’une coming-of age story (les premières amours de Sophie la distrairont-elles de son but ?), le tout tendu par une question en forme de défi sportif : Sophie craquera-t-elle ?

Le problème de cette Voie royale est que tout y est outré, sans nuances, caricatural et banalement prévisible. Les parents de Sophie sont de braves éleveurs auxquels une administration tatillonne refuse la subvention qui leur permettait péniblement d’équilibrer leurs comptes. Leur fils, le frère de Sophie, embrasé par une juste colère, enfile un gilet jaune, manifeste et se fait bastonner par les flics. Diane, l’amie de Sophie, devient sans le moindre effort la major de sa promo… avant de démissionner pour aller suivre des cours de théâtre et donner un sens à sa vie. Mme Fresnel, la glaçante prof de physique, cache peut-être derrière son sévère chignon un lourd secret dont on redoute la révélation et offre hélas à la sublime Maud Wyler le plus mauvais rôle qu’elle ait jamais tenu. Quant aux parents de Hadrien, ils incarnent jusqu’à la caricature la haute société lyonnaise.

Le scénario interminable de La Voie royale souffre d’un sérieux problème de crédibilité – dont on ne peut rien dire sans spoiler – et de rythme, s’étirant sur deux années. Un œil à la bande-annonce suffit à en deviner par avance les moindres rebondissements.

L’interprétation très juste de Suzanne Jouannet sauve La Voie royale du naufrage. Mais, pour moi, c’est l’unique atout d’un film qui, avec une rare maladresse, accumule les défauts.

La bande-annonce

Suro ★★☆☆

Elena et Ivan, deux architectes barcelonais, décident de s’installer dans la vieille bicoque que la tante d’Elena leur a laissée à sa mort et d’exploiter le liège des cinq cents hectares qui l’entourent. Mais à ces néoruraux, pétris de bonnes intentions, la vie à la ferme réservera bien des surprises.

Le pitch que je viens d’en faire ne fait pas justice à ce film catalan, le troisième que j’ai vu en quelques jours à peine après Francesca et l’amour  et Les Tournesols sauvages. Car il laisse ouvert l’univers des possibles : à la comédie façon La Soupe aux choux ou Camping à la ferme, ou au thriller façon Les Chiens de paille ou As Bestas. Ce n’est dans aucune de ces directions-là que nous amène Suro dont le contenu est beaucoup plus politique, même s’il traite aussi de l’usure du couple. Il y est question d’écologie, des valeurs de gauche, des relations de classe, des conditions de vie des travailleurs immigrés….

La barque pourrait couler sous tant de sujets pesants, d’autant que le vent se lève et que l’incendie menace. Mais Suro tient fièrement le cap. Il s’en donne le temps : près de deux heures après un premier quart d’exposition très (trop ?) long. Finalement, le voyage en vaut la peine. Car les personnages, et notamment les deux héros, Elena et Ivan, évitent la caricature dans laquelle j’avais craint que le scénario les enferme. Et les questions qui se posent à eux peuvent sembler évidentes sur le papier ; mais le film montre intelligemment que leur solution ne va pas de soi : peut-on accepter que le contremaître qu’on a recruté emploie des travailleurs sans papiers ? doit-on accueillir chez soi celui de ses travailleurs qui se retrouve privé de logis ? quelle réaction si l’un d’entre eux est victime d’un accident du travail ?

La bande-annonce

Assaut ★☆☆☆

En plein milieu de la steppe kazakhe, battue par le blizzard d’un janvier glacial, six hommes masqués attaquent un collège et prennent en otage les élèves de la classe que Tazshi, le professeur de mathématiques, a abandonnée à son sort. Dans l’attente des secours, bloqués par la neige, Tazshi décide de lancer l’assaut avec l’aide de quelques comparses : son ex-femme, le principal du collège, le professeur de gymnastique, l’intendant, un parent d’élève, l’idiot du village….

Ainsi résumé, Assaut pourrait laisser escompter un thriller implacable filmant en temps réel une prise d’otages et l’assaut organisé pour en venir à bout. Ou bien, si on prête attention à l’attelage hétéroclite des assaillants, une parodie de thriller, à la façon des frères Coen. La seconde option est plus proche du produit fini.

Assaut est l’œuvre d’un jeune réalisateur kazakh qui a déjà signé une quinzaine de longs métrages dont deux sont sortis en France : La Tendre Indifférence du monde en 2018 et A Dark-Dark Man en 2020. Ses films peuvent se lire comme des chroniques sociales. Il y dénonce à fleurets mouchetés la corruption qui sévit dans son pays. Mais ce sont avant tout des variations sur des genres très normés : la romance pour La Tendre Indifférence, le film noir pour A Dark-Dark Man et cet Assaut.

Si la joyeuse bande de pieds nickelés réunis pour lancer l’assaut prête à sourire, Adilkhan Yerzhanov ne réussit pas à cacher la désinvolture avec laquelle il a écrit son scénario, rempli d’ellipses incompréhensibles qui lui font vite perdre tout intérêt.

La bande-annonce

Sous le tapis ★★☆☆

Odile (Ariane Ascaride) est une grand-mère épanouie qui s’apprête à accueillir avec Jean, son mari, dans leur belle résidence familiale leurs deux enfants, leurs conjoints et leurs petits-enfants venus comme chaque année fêter son anniversaire. Mais, dans l’après-midi qui précède le début des festivités, Jean s’effondre, tué net par une crise cardiaque. Prise de panique, en plein déni, Odile préfère cacher le corps de son mari sous son lit et profiter avec les siens d’une dernière fête.

Dans un programme bien chargé (Sous le tapis est sorti le même jour que Barbie et Oppenheimer), j’ai bien failli passer à côté du premier film de Camille Japy, actrice discrète qui, la cinquantaine venue, passe derrière la caméra pour son premier long après un court, Petites filles, où une femme refusait d’enterrer sa mère. J’avais l’impression, après en avoir vu la bande annonce, de connaître par avance tous les rebondissements de ce que je considérais à tort comme un petit film français sans surprise.

Je me trompais à moitié. Certes, Sous le tapis est un film sage qui ne révolutionnera pas le cinéma. Si on a raté sa sortie en salles, on pourra sans préjudice le voir sur son portable ou sur sa TV un dimanche pluvieux (je n’ose pas écrire un dimanche d’hiver car la pluie, cet été, à Paris est devenu monnaie courante). Mais c’est néanmoins un film doublement attachant.

Attachant par son casting. Ariane Ascaride – que j’aime beaucoup quand Robert Guédiguian ne la dirige pas – y incarne la grand-mère parfaite que tous les petits-enfants aimeraient avoir mais qui, pour autant, laisse émerger des secrets que le scénario dévoilera peu à peu. Thomas Scimeca et Marilou Aussiloux jouent un couple baba cool, plus occupé à se bécoter (c’est une façon très élégante de sous-entendre des rapprochements plus charnels) et à fumer des joints qu’à pleurer le défunt, mais dont la réaction s’avèrera tout bien considéré la plus saine de toutes. Mais, comme toujours, c’est pour moi Bérénice Béjo qui écrase la concurrence dans un rôle pourtant ingrat de fille aînée, incarnation de l’autorité, et qui plus est lestée d’un boloss obnubilé par le vélo.

Attachant aussi par son scénario. Certes, on passe par toutes les étapes promises par la bande-annonce : la dissimulation du cadavre par Odile puis sa découverte par ses enfants effondrés par le décès de leur père et médusés par le déni dans lequel s’enfonce leur mère. Mais le scénario n’en reste pas là. Il a encore dans sa seconde moitié quelques belles idées et notamment celle d’une révélation que je n’avais pas vu venir (j’en imaginais une autre) et qui m’a fait monter les larmes aux yeux.

La bande-annonce

Les damnés ne pleurent pas ★☆☆☆

Fatima-Zahra (Aicha Tebbae) vit de ses charmes. Son activité l’oblige à se déplacer d’une ville à  l’autre au gré des rencontres qu’elle y fait et des revers de fortune qu’elle y subit. Son fils Sélim (Abdellah El Hajjouji), dix-sept ans, l’accompagne dans toutes ses pérégrinations. Lorsqu’il découvre la réalité sur sa naissance et l’origine des revenus de sa mère, le duo manque se séparer et part s’installer à Tanger. Sélim trouve un travail chez un Français homosexuel (Antoine Reinartz) qui l’emploie comme homme à tout faire dans son riad. Fatima-Zahra, après avoir un temps essayé d’occuper un emploi ouvrier dans une usine textile, espère enfin se marier avec un conducteur de car.

Une semaine seulement après Les Meutes, la sortie des Damnés… démontre, s’il en était besoin, la belle vitalité du cinéma marocain. Ses deux héros ne sont guère mieux lotis que le père et les fils des Meutes. Le milieu dont ils viennent n’est probablement pas moins misérable. Mais Les Damnés… (un qualificatif peut-être impropre, « vagabonds », « misérables », « gueux », « indigents » aurait été plus approprié) n’est pas un film noir, pas un polar qui nous plonge dans les bas-fonds nocturnes de Casablanca ; c’est un film diurne sous le grand soleil de Tanger.

Il dresse le portrait de deux Marocains, une femme d’âge mûr, mi-maman mi-putain, et un tout jeune homme à l’orée de la vie. Ni l’un ni l’autre ne sont très sympathiques. Ni l’un ni l’autre ne font preuve, dans les choix qu’ils font, de beaucoup de bon sens ou d’intelligence. On pourrait en faire le reproche au réalisateur ; on pourrait aussi l’en féliciter.

Au-delà de ces deux portraits, c’est le lien qui les unit qui constitue sans doute le nœud du film. Mais par la faute de la piètre interprétation de ses deux acteurs, ce nœud peine à s’incarner. L’amour maternel de Fatima-Zahra ne s’exprime guère ; l’amour filial de Selim n’est guère plus explicite.

La partie la plus intéressante du film, de mon point de vue, est le tableau qu’il dresse des relations avec les étrangers, ces riches Européens à la fois si proches et si différents, si attirants et si repoussants. Travailler avec eux est, pour un Marocain sans le sou, la promesse d’un revenu stable et élevé ; mais c’est aussi, comme pour Sélim, le risque de se brûler les ailes.

La bande-annonce

The Wastetown ★★☆☆

Bermani, la trentaine, se présente à l’entrée d’une casse automobile, perdue au milieu d’une plaine déserte battue par le vent. Elle sort de prison où elle vient de passer dix années pour le meurtre de son mari. Elle cherche son fils dont elle a accouché en prison. Dans les trois jours que durent le film, elle tentera d’obtenir sur lui des informations du gardien de la casse, de son directeur et de son beau-frère, qui fut avant son mariage amoureux d’elle et qui est suspecté de l’avoir aidée à tuer son mari.

Le dispositif de The Wastetown emprunte au théâtre. Il se passe dans un lieu unique : une décharge filmée en noir et blanc aux airs de fin du monde. Il réunit à peine une poignée d’acteurs : j’en ai compté sept seulement. Il est scandé en trois actes, en autant de journées qui chacune, s’achève et commence pour l’héroïne par le même rituel dont on comprendra progressivement le sens sans pour autant qu’il nous soit jamais entièrement explicité.

The Wastetown a les défauts de ses qualités. C’est un film lent, pesant, qui use et abuse des mêmes dispositifs répétitifs. Si on ne se laisse pas hypnotiser, on risque au bout d’une heure de céder à l’ennui voire au sommeil. Mais ces défauts sont éclipsés par la dernière scène du film. Une scène glaçante et immédiatement culte qu’on n’oubliera pas de sitôt.

La bande-annonce