Rémi (Patrick Dewaere), la quarantaine, est un pianiste d’hôtel dépressif sans talent. Il vit en couple avec Martine (Nicole Garcia) et sa fille Marion (Ariel Besse), une adolescente un peu rebelle. Quand Martine meurt accidentellement, quand Charly (Maurice Ronet), le père de Marion, refuse d’en assurer la garde, c’est à Rémi qu’il incombe de prendre l’adolescente sous sa coupe. Mais la situation devient bientôt intenable pour lui quand la jeune fille se déclare follement amoureuse de lui et se jette à son cou.
J’avais vu Beau-père à la télévision dans les années quatre-vingts et en ai gardé un souvenir très vif. Je l’ai revu trente ans plus tard, en octobre dernier, au Champo, à l’occasion d’un hommage rendu à Patrick Dewaere dont c’était l’un des derniers films. Beau-père lui valut sa dernière nomination au César du meilleur acteur, une récompense pour laquelle il fut cinq fois nominé, quasiment cinq années de suite, en 1977, 1978, 1980, 1981 et 1982, mais qu’il n’obtint jamais.
L’affiche de Beau-père, qui fit scandale, annonce la couleur. Son thème est sulfureux : l’inceste (même si Rémi et Marion ne partagent pas le même sang), la pédophilie (Marion a quatorze ans). Nul doute que ce genre de films-là serait impossible à tourner de nos jours.
Mais pourtant, si son thème est provocateur, Beau-père n’a rien de salace. D’ailleurs Bertrand Blier se serait opposé au choix de l’affiche par son distributeur, lui en préférant une plus sage qui ne dénudait pas le buste d’Ariel Besse. C’est au contraire un film pudique qui raconte avec une grande tendresse une histoire d’amour interdit. Tout y est un peu triste, depuis le deuil de Martine qui laisse Rémi et Marion épleurés, jusqu’à cette banlieue parisienne sans charme filmée sous un ciel maussade. Il n’est pas jusqu’à l’échappée belle à Courchevel où les deux amants se connaîtront enfin qui ne soit pas cafardeuse.
Tout part comme toujours chez Blier d’un texte très écrit. Le miracle est que les acteurs ne sont jamais artificiels en le récitant. Patrick Dewaere est au sommet de son art. Il faut le voir dans la première scène, face caméra, en smoking, derrière son piano, s’ennuyant cent sous l’heure dans un thé dansant. On reconnaît Nicole Garcia dans un rôle trop bref, et Nathalie Baye, toutes deux éclatantes de jeunesse. La jeune Marion est jouée par Ariel Besse. Ce fut pour elle un coup d’éclat sans lendemain. Le rôle avait été proposé, dit-on, à Sophie Marceau, qui venait de se révéler avec La Boum et qui connut ensuite le succès que l’on sait…