Le Procès de l’herboriste raconte la vie de Jan Mikolášek (1889–1973), un guérisseur tchèque qui soigna des milliers de malades en leur administrant un cocktail de plantes après avoir examiné leurs urines. le film est organisé autour du procès que lui intenta le pouvoir communiste en 1958, juste après la mort du président Zápotocký qui fut l’un de ses patients et son protecteur. Une série de flashbacks revient sur les épisodes de sa vie : son enrôlement pendant la première guerre mondiale où il faillit perdre la vie, la découverte de son don thaumaturge, sa formation auprès d’une rebouteuse qui lui apprend à lire les urines et à fabriquer des simples, le recrutement de son fidèle collaborateur, Frantisek Palko, auquel l’attachera vite une passion interdite…
Quatre semaine après Les Séminaristes, déboule sur nos écrans un nouveau film dont l’action se déroule dans la Tchécoslovaquie communiste. Il a reçu cinq statuettes à la dernière édition du Lion tchèque, l’équivalent des Césars, dont celles du meilleur film, du meilleur réalisateur et du meilleur acteur (le Tchèque Ivan Trojan quasiment inconnu hors de ses frontières). Il est l’oeuvre d’Agnieszka Holland, une réalisatrice polonaise qui aime à se frotter à des films historiques : elle en a consacré un au père Popiełuszko (interprété par Christophe Lambert !), l’aumonier de Solidarność (Le Complot), un autre au génocide juif (Europa, Europa), un autre encore à la découverte de la terrible famine qui frappa l’Ukraine dans les premières années du stalinisme (L’Ombre de Staline) …
On pouvait craindre de cette réalisatrice septuagénaire et de cette coproduction tchéco-slovaquo-polonio-irlandaise un trop-plein d’académisme. On y échappe de justesse grâce à la complexité d’un récit qui joue à saute-moutons avec les époques. Grâce surtout à un personnage beaucoup moins lisse qu’on l’escomptait. Mikolášek n’est pas en effet, comme la bande-annonce le laissait imaginer, un autre martyr de l’anti-communisme injustement persécuté par des bourreaux sans âme dans des prisons glaciales. Plus le film avance, plus sa face cachée apparaît : un homme abrupt, dépourvu d’empathie, qui se noie dans son travail en étant incapable de s’en détacher.
Les ultimes scènes du film sont d’une redoutable ambiguïté et on débattra longuement en sortant de la salle du sens à leur donner.