Amina, la trentaine, vit seule à N’Djamena, la capitale du Tchad. Sa famille l’a rejetée lorsqu’elle est tombée enceinte et a accouché d’une petite fille. Maria a quinze ans aujourd’hui et sa mère a tout sacrifié pour lui donner une bonne éducation dans l’un des meilleurs établissements de la ville. Mais Amina apprend que Maria, qui depuis quelques temps s’était renfermée sur elle-même, est enceinte à son tour. Sachant que l’avortement est doublement interdit au Tchad, par la loi de l’Etat et par la loi religieuse, Amina aidera-t-elle Maria à avorter pour lui éviter la réprobation que son statut de fille-mère lui a value ?
Mahamat-Saleh Haroun est un vieux routier du cinéma africain. La quasi-totalité de ses films ont été sélectionnés en compétition officielle à Cannes sans qu’on sache avec certitude s’il doit cet honneur à leur qualité ou au fait d’être le seul représentant connu du cinéma tchadien. Un temps ministre de la culture dans son pays, il partage sa vie entre la France et le Tchad.
Son dernier film a été une fois encore sélectionné à Cannes l’été dernier. Hasard du calendrier : il sort quasiment en même temps que L’Evénement, le film-choc d’Audrey Diwan inspiré du livre d’Annie Ernaux qui racontait un avortement clandestin dans la France des années soixante. Les deux films pourraient former un stimulant diptyque sur l’avortement et la condition féminine, en France et au Tchad, hier et aujourd’hui.
Et il faut reconnaître à Lingui une certaine maîtrise à raconter une histoire dont l’issue tient en haleine (Maria réussira-t-elle ou pas à interrompre sa grossesse en dépit de tous les obstacles qui se dressent sur son chemin ?) tout en évoquant des sujets brûlants : le patriarcat, l’Islam, le rôle de l’Etat, la vibrante sororité des femmes….
Le problème est qu’on a parfois l’impression que Mahamat-Saleh Haroun s’est scrupuleusement senti obligé de suivre un cahier des charges excessivement bien-pensant. Le problème aussi est que son film pâtit de l’interprétation calamiteuse de ses deux héroïnes.