My Favorite war est un film d’animation autobiographique qui raconte l’enfance et l’adolescence de sa réalisatrice, Ilze Burkovska-Jacobsen, qui est née et a grandi en Lettonie derrière le rideau de fer.
Comme tous les enfants du même âge, elle a été endoctrinée par le régime soviétique et obligée de communier dans la mémoire de la Seconde guerre mondiale, sa « guerre favorite », durant laquelle l’Armée rouge, apprend-elle, s’est vaillamment sacrifiée face à l’envahisseur nazi. La jeune Ilze découvre peu à peu une vérité moins manichéenne, notamment dans le « réduit de Courlande » où les forces allemandes et soviétiques ont manifesté une barbarie aussi sauvages l’une que l’autre, au détriment des civils lettons, jusqu’à l’armistice de 1945.
Ilze doit supporter le joug soviétique. Il lui faut déjouer la vigilance des militaires pour aller avec ses parents jusqu’à la mer, pourtant située à quelques kilomètres à peine, qui était interdite d’accès aux Lettons de peur qu’ils prennent le large. Elle doit supporter la pénurie et les longues files d’attente devant les magasins d’alimentation. Son grand-père, un peintre enthousiaste, disparaît mystérieusement : Ilze apprend qu’il a été déporté en Sibérie. On lui apprend à se taire, à cacher ses opinions, à mentir (on pense au formidable travail d’histoire orale de Orlando Figes sur les Russes sous Staline intitulé de façon éclairante Les Chuchoteurs).
Manque peut-être dans ce film stupidement anglophone une dimension pourtant centrale dans la vie des Lettons durant l’occupation : la pratique clandestine de la langue lettone, en violation des consignes soviétiques, et son utilisation comme un marqueur politique.
La réalisatrice raconte comment, alors qu’elle achevait son adolescence, la Lettonie s’est libérée du joug de l’occupant. Des images d’archives montrent l’espoir de libéralisation qu’a fait naître Gorbatchev et l’incroyable chaîne humaine qui s’est constituée en août 1989 à travers les trois Etats baltes, prémisses de l’indépendance proclamée un an plus tard après le putsch conservateur qui avait failli le renverser.
Bien sûr, My favorite War intéressera au premier chef les spectateurs intéressés par la Lettonie, par les Pays baltes et par toutes les ex-Républiques soviétiques dont les habitants ont grandi sous occupation étrangère avant de recouvrer leur indépendance. Mais ce film d’animation dont l’alternance de prises réelles et de dessins rappelle la construction si novatrice de Valse avec Bachir touche à l’universel en montrant l’éveil de la conscience politique d’une jeune femme et son émancipation.