Haider étouffe. Sa femme, Mumtaz, aussi. Ils se sont mariés pour obéir aux injonctions patriarcales de leurs familles. Mais Haider a de plus en plus de mal à refouler son homosexualité et Mumtaz n’accepte pas de renoncer à travailler pour se replier sur son foyer.
Le père d’Haider qui dirige d’une main de fer sa maisonnée exige de son fils qu’il trouve un travail et de sa fille qu’elle lui donne enfin un petit-fils. Pour se plier au diktat paternel, Haider rejoint la troupe de danseurs de Biba, une transexuelle. Leur relation deviendra de plus en plus tendre alors que Mumtaz découvre avec appréhension qu’elle est enceinte.
Joyland est un film qui a fait sensation à Cannes où il a reçu le prix du jury dans la section Un certain regard et la Queer Palm, une distinction créée en 2010 qui a notamment consacré Carol, 120 bpm, Girl ou Portrait de la jeune fille en feu. C’était le premier film pakistanais jamais diffusé sur la Croisette.
Joyland a été tourné au Pakistan par un réalisateur et des acteurs de ce pays, notamment Alina Khan, une actrice transgenre née en 1998, en butte à la transphobie depuis qu’elle se revendique femme. Ovationné à Cannes en mai, Joyland a bien failli ne pas sortir en salles au Pakistan. Mais le hashtag #ReleaseJoyland a fait ployer les autorités qui en ont finalement autorisé la sortie. Joyland représentera le Pakistan à la prochaine édition des Oscars et figure sur la shortlist des quinze films retenus le 21 décembre dernier (avec Saint Omer pour la France, Corsage pour l’Autriche ou Close pour la Belgique).
Mais Joyland ne se résume pas aux débats politiques qu’il a suscités. C’est aussi un film intelligent et sensible.
Il aurait pu se focaliser sur l’histoire d’amour qui lentement se tisse entre Haider et Biba. L’affiche ne retient qu’elle et la plupart des critiques font de même. Pourtant, au risque de lester la barque et d’allonger le film de trente minutes (il dure 2h06), Saim Sadiq entend maintenir la part égale entre les dilemmes de Haider et ceux de Mumtaz. Ce parti est scénaristiquement périlleux. Mais il fait sens. Car il montre deux facettes du patriarcat : celui qui étouffe les hommes assignés à une irréprochable virilité et celle qui emprisonne les femmes condamnées à veiller au bon ordre du foyer et à l’éducation des enfants.