Saint Omer ★☆☆☆

En juin 2016, la cour d’assises de Saint-Omer condamne à vingt ans de réclusion Fabienne Kabou pour la mort de sa petite fille, Adélaïde, âgée d’un an à peine, qu’elle avait déposée sur la grève, à Breck-plage avant que la marée montante ne l’emporte. La documentariste Alice Diop, impressionnée par le fait divers, avait assisté au procès. Elle a décidé de le reconstituer, en changeant le nom des protagonistes, mais en reconstituant à Saint-Omer la salle d’audience et en reprenant le verbatim du procès.

Le résultat est déconcertant. Il a été encensé par la critique. Il a obtenu le Grand Prix du jury à Venise. Il représentera la France aux Oscars l’an prochain. J’ai eu la chance de le voir en avant-première en présence de sa réalisatrice. Si souvent, ces échanges privilégiés devant un public conquis influencent positivement la réception du film, ce ne fut pas le cas cette fois-là.

Pour la défense qui plaidait l’irresponsabilité pénale, Fabienne Kabou avait perdu son discernement au moment des faits. Pour le ministère public, Fabienne Kabou était une menteuse, une affabulatrice qui prétendait avoir été ensorcelée pour ne pas assumer sa responsabilité.

La mise en scène d’Alice Diop adopte un autre parti. En laissant parler l’accusée, qui s’exprime dans un français très châtié, selon un raisonnement parfaitement articulé, elle ne creuse pas la question de la maladie psychiatrique et de l’irresponsabilité pénale. Elle passe beaucoup de temps sur l’enquête de personnalité et y cherche l’explication de cet infanticide inexplicable. Fabienne Kabou y devient malgré elle la figure d’une femme racisée, invisibilisée, qui n’a pas su trouver sa place dans la société parce que la société ne lui en pas laissé la liberté.

Saint Omer (qui aurait aussi bien pu s’intituler Bar-le-Duc, Limoges ou Coutances si les faits s’étaient déroulés dans le ressort d’une de ces cours d’assises) est volontairement lent et long. Il dure plus de deux heures. Il alterne les longues audiences filmées en plans fixes américains et les interludes centrés sur Rama, une écrivaine venue assister au procès, dont la mère de l’accusée se rapproche.

On peut y voir le procès d’une Médée des temps modernes, d’une mère perdue broyée par l’appareil judiciaire. Je n’y ai rien vu de tel.

La bande-annonce

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