L’action de La Jeune Fille et les Paysans se déroule dans un petit village polonais. Elle est rythmée par les saisons qui passent. Le film a pour héroïne Jagna, une superbe jeune femme que tout le village convoite. Jagna est secrètement amoureuse d’Antek, un homme marié et père de famille qui fait d’elle sa maîtresse. Mais le propre père d’Antek, un veuf riche, convainc la mère de Jagna de lui donner sa fille.
Les réalisateurs sont un couple anglo-polonais, Hugh Welchman et Dorota Kobiela. Ce film n’est pas leur coup d’essai. En 2017, ils avaient réalisé ensemble La Passion Van Gogh en usant de la même technique.
La rotoscopie est un procédé cinématographique consistant à dessiner par dessus des images réelles. Le film a été tourné avec de vrais acteurs, la pellicule étant ensuite retouchée par une armada de dessinateurs. Le grain en est unique, qui rappelle les peintres impressionnistes de la Jeune Pologne. On a parfois envie que l’image s’arrête pour pouvoir en contempler à son aise la si belle composition et le jeu des couleurs. Mais autant le procédé se justifiait pour raconter Van Gogh, autant son utilisation ici ne coule pas de source. Là où l’image animée permet des élans oniriques qui s’affranchissent de la réalité – comme par exemple dans le récent Blue Giant qui réussit le pari de mettre en musique les sensations que fait naître un morceau de jazz – la rotoscopie reste prisonnière de l’image filmée et se condamne à n’en être qu’une variation. Plus grave : à la longue, l’effet de surprise et de nouveauté disparaissant, grandit l’impression de voir des acteurs lourdement grimés, écrasés sous un fond de teint trop épais.
Pour autant, La Jeune Fille et les Paysans présente l’intérêt de nous faire découvrir – comme Pan Tadeusz en son temps – un chef d’oeuvre méconnu de la littérature polonaise. Écrit durant les premières années du vingtième siècle, Les Paysans valut à son auteur, Władysław Reymont, le prix Nobel de littérature en 1924. Les Paysans est une éblouissante fresque de la vie rurale polonaise à la fin du XIXème siècle. Son thème, sa construction rappellent les grands romans de Thomas Hardy ; son héroïne est la cousine de Tess d’Urberville. Traduit en français en 1925 seulement, accueilli à l’époque avec enthousiasme (c’était le temps où Ernest Perrochon ou Maurice Genevoix se voyaient décerner le prix Goncourt), ce livre est tombé dans l’oubli et, s’il fut à nouveau publié en 2009 à L’âge d’homme, personne ne le lit plus en France alors que tous les écoliers de Pologne l’ont étudié durant leur scolarité.