Ramona, la quarantaine, vit dans une petite ville côtière de Galice entre un mari alcoolique et infidèle et une fille bientôt majeure en mal d’émancipation. Pour assurer leur subsistance, elle cumule plusieurs emplois, dans une poissonnerie, dont elle démissionne après que la nouvelle direction a décidé de rogner son salaire, à bord d’un bateau de pêche et auprès d’un veuf taiseux.
Matria est le premier film du réalisateur Alvaro Gago qui avait déjà réalisé un court métrage éponyme, inspiré de la femme qui avait pris soin de sa grand-mère. Son action se déroule à Ponteverda, sur les rives de l’Atlantique. Le film est entièrement tourné en galicien, une langue qui ressemble suffisamment à l’espagnol pour qu’un spectateur français en reconnaisse les sonorités, mais en diffère au point de l’empêcher d’en comprendre toutes les nuances.
Matria repose sur les épaules de María Vázquez que la caméra ne quitte pas un seul instant. Ramona partage l’énergie désespérée et la résilience têtue des héroïnes des films des frères Dardenne. Filmée en plans-séquences souvent de dos, en constant mouvement, Ramona m’a fait penser à ce que Rosetta serait devenue vingt ans plus tard. Ramona rencontre dans sa vie quotidienne les mêmes obstacles que les héros des films de Ken Loach. Les paysages pluvieux des bords de l’Atlantique rappellent les cieux bas et lourds de l’Angleterre du Nord. Invoquer ces réalisateurs immenses pourrait écraser ce premier film ; mais la référence, pour intimidante qu’elle soit, se veut louangeuse.
Matria dresse un portrait de femme puissante, pour reprendre un mot à la mode. C’est un film social sans misérabilisme ni cliché. Mal distribué dans une période où les salles de cinéma sont closes ou désertées, il risque de passer inaperçu. C’est bien dommage.