Finalement ☆☆☆☆

Un auto-stoppeur (Kad Merad), la casquette vissée sur la tête, un vieux sac en cuir jeté sur l’épaule, sillonne la France. Il assiste aux commémorations du Débarquement sur le pont de Bénouville, passe devant le Mont-Saint-Michel, achète une trompette à Béziers, prend un bain de foule aux 24 Heures du Mans et danse sous le pont d’Avignon. Pour chacun des conducteurs qui le prend en stop, il s’invente une nouvelle identité, prêtre défroqué, réalisateur de films X, amant meurtrier, et raconte les crimes qu’il aurait commis et qui expliquent sa cavale. Il s’agit en fait d’un grand avocat parisien, Lino Massaro, atteint d’une maladie dégénérative. Lino finit par croiser dans une ferme bourguignonne une accorte paysanne (Françoise Gillard). Sa femme (Elsa Zylbertstein) et son meilleur ami (Michel Boujenah) essaient en vain de le retrouver.

À quatre-vingt-sept ans passés, Claude Lelouch sort son cinquante-et-unième long métrage. Incroyable carrière d’un immense réalisateur qui a accumulé les plus grands succès (Un homme et une femme, Itinéraires d’un enfant gâté, Les Uns et les Autres…) et tourné avec le Gotha du cinéma français (Trintignant, Piccoli, Ventura, Belmondo…). Son style inimitable se reconnaît au premier plan : de longs dialogues filmés en plans-séquences laissant une large place à l’improvisation, une caméra virevoltante qui tournoie autour des acteurs, une musique omniprésente avec quelques « tubes » qui restent longtemps dans l’oreille…

Je lui voue une fidélité sans réserve et suis allé voir tous ses films depuis que j’ai l’âge d’aller au cinéma. Il faut dire que, dans les années 80, leur sortie était un sacré événement. Je me souviens encore du choc causé par Les Uns et les Autres, de la mystérieuse bande-annonce de Viva la vie et de l’immense succès d’Itinéraires d’un enfant gâté.

Mais la vérité oblige à dire que Lelouch a vieilli et qu’il a mal vieilli. Son cinéma se répète. Son cinéma bégaie. Kad Merad est le copier-coller du Belmondo d’Itinéraires. Même personnage, même dégaine, même fuite hors du monde… Sauf que la production est moins richement dotée et qu’au lieu des chutes Victoria, on filme le Mont Saint-Michel…. Francis Lai est mort ; Ibrahim Maalouf signe la musique ; Didier Barbelivien écrit encore tant bien que mal les chansons. Ses textes sont d’une indigence rare : « Maintenant, le temps efface / Nos regards devant la glace / Maintenant, le cœur se lasse / La vie passe, nous enlace / Nous embrasse et nous remplace ». Quant aux dialogues, ils nous servent sentencieusement quelques aphorismes tout droit sortis d’un manuel de feng shui : « tout ce qui nous arrive, c’est pour notre bien ! », le « livre de la vie (…) ne se lit pas deux fois »etc.

Pire : Lelouch entonne le refrain rance du « c’était-mieux-avant ». À l’en croire, dans la France post #MeToo, on n’aurait plus le droit de ne rien dire sous peine d’être immédiatement dénoncé à la police comme sous l’Occupation : ne plus dire son amour des femmes, sans être accusé d’être un violeur. D’où l’héroïsation d’un personnage qui s’autorise, lui, à tout dire. Finalement se voudrait iconoclaste, libéré du politiquement correct qui corsète notre époque ; c’est au mieux malaisant, au pire ridicule.

La bande-annonce

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