Touda (Nisrin Erradi) élève seule un enfant sourd-muet. Elle est chanteuse de profession et se produit dans des cabarets ou pour des concerts privés. Elle a un rêve : se consacrer à l’aïta, ce chant qui plonge ses racines dans l’histoire profonde du Maroc et qui promeut les valeurs de liberté et d’émancipation, et devenir une cheikha. Mais les hommes qui l’emploient et qui l’écoutent, loin de la reconnaître pour ses qualités artistiques, la ramènent constamment à son sexe.
La première scène du film est glaçante. On y voit Touda se produire pour un cénacle d’hommes, la soirée devenir de plus en plus bruyante et arrosée, et finalement, après une course-poursuite dans les champs, la chanteuse être victime d’un viol collectif. Le problème de cette scène coup de poing est qu’elle épuise le sujet du film, qu’il ne reste ensuite pas grand chose à ajouter.
Everybody Loves Touda tient tout entier dans le résumé que j’en ai fait : une chanteuse qui, dans un monde d’hommes libidineux, souffre de ne pas être respectée pour son art. Pour se reconstruire après le viol qu’elle a subi, pour donner à son fils, malmené par ses camarades de classe et menacé d’exclusion par la directrice de l’école, une éducation adaptée, Touda envisage de quitter sa province pour Casablanca. On se demande comment le film va s’organiser : racontera-t-il ce départ continuellement repoussé pour se terminer sur un plan qui la montrera enfin monter avec son fils à bord du car qui l’emmènera vers une autre vie ? ou au contraire sur celui, alors que son départ imminent est empêché par un événement de dernière minute, qui la laissera défaite avec ses illusions perdues ? ou bien comptera-t-il deux parties, la première dans son village d’origine, et la seconde à Casablanca ? Là encore avec deux options : un déménagement réussi ou raté ?
En écrivant ce qui précède, je suis en train de me contredire. Je suis en train de suggérer que Everybody Loves Touda pourrait ne pas tenir dans son pitch mais, au contraire, ouvrirait à bien des possibilités.
Le paradoxe pourtant est que, malgré ses bifurcations, le film n’avance pas. Où qu’elle soit, Touda est encore et toujours confrontée au même plafond de verre, au même sexisme.
J’avais trouvé les précédents films de Nabil Ayouch (Razzia, Much Loved) autrement plus convaincants.