À une époque indéterminée qui pourrait être la nôtre ou quarante ans plus tôt, un virus dangereux se répand. Il calcifie lentement ses victimes les transformant inexorablement en statue de marbrer. Il se transmet par le sang.
Alpha (Melissa Boros) a treize ans. Sa mère (Golshifteh Farahani) panique le jour où Alpha revient d’une soirée un tatouage sur le bras, peut-être dessiné avec une aiguille infectée. L’oncle d’Alpha (Tahar Rahim) toxicomane est rongé par la terrible maladie.
Alpha a fait beaucoup parler de lui. C’est le troisième long-métrage de Julia Ducournau dont Grave, le premier, avait suscité un grand vent d’air frais dans le cinéma gore et dont le deuxième, Titane, avait remporté la Palme d’or en 2021. Autant dire qu’Alpha, en sélection en mai dernier à Cannes, était attendu au tournant. Les festivaliers ont eu la dent dure qui l’ont taillé en pièces.
Ils n’avaient pas totalement tort. Alpha a beaucoup de défauts. Des défauts qu’on aurait passés à un premier film d’un réalisateur inconnu mais qu’on ne pardonne pas au film qui suit immédiatement une Palme d’or. D’autant qu’il s’agit de défauts réparables : une musique envahissante, des effets spéciaux ratés, des scènes mal filmées (celle par exemple où la mère d’Alpha essaie d’endiguer la foule de patients qui se pressent devant l’hôpital). Le principal est peut-être d’avoir voulu trop en mettre : la maladie et la peur de l’épidémie, le harcèlement scolaire, la toxicodépendance, la monoparentalité, l’homosexualité et l’homophobie…. C’est beaucoup. C’est trop pour un film qui trop embrasse et mal étreint.
Mais ils n’avaient qu’à moitié raison. Alpha n’en a pas moins en effet plusieurs qualités. Le premier est l’originalité de son scénario qui, sans l’identifier clairement, reconstitue la chromatique marronnasse des années SIDA, en y laissant planer, avec cette poussière rouge omniprésente, des airs de fin du monde. Il vaut aussi par sa direction d’acteurs. Il faut saluer la révélation Melissa Boros, mais surtout l’interprétation incroyable de Tahar Rahim, méconnaissable, qui a perdu vingt kilos pour le rôle. Il mérite haut la main le prochain César du meilleur rôle masculin.
Sans doute Alpha n’est-il pas au niveau de Grave ou de Titane. Mais il n’en est pas moins un film (d)étonnant qui mérite d’être vu… en attendant le prochain de Julia Ducournau.