
Deux rednecks décérébrés et complotistes kidnappent la patronne d’une compagnie pharmaceutique, persuadés qu’elle est extraterrestre.
Yorgos Lanthimos, après quelques films tournés dans son pays natal, est passé à Hollywood, y a tourné plusieurs œuvres marquantes (The Lobster, Mise à mort du cerf sacré, La Favorite, Pauvres Créatures), qui ont remporté un grand succès public et critique. À chacune, je leur ai mis trois étoiles, une note particulièrement généreuse de ma part qui ne le suis pas et qui place peut-être Lanthimos au sommet de ma liste des réalisateurs les plus appréciés.
Je lui reconnais un culot incroyable pour choisir des sujets improbables, loin des sentiers battus du tout-venant hollywoodien, un humour noir grinçant, des mises en abyme philosophiques vertigineuses et une direction d’acteurs hors pair. Qui connaît mon adoration pour La La Land se doute que la présence d’Emma Stone dans la quasi-totalité de ses films n’est pas sans incidence sur mon appréciation ! Je lui reconnais surtout un vrai génie du cinéma, dans la façon dont il place sa caméra, au raz du sol en contre-plongée ou en surplomb au-dessus des acteurs, et dans l’usage qu’il fait de la musique de Jerskin Fendrix, qui a signé celle de ses trois derniers films.
J’ai trouvé toutes ses qualités dans Bugonia. L’histoire y est à la fois complètement perchée – y inclus son twist final hallucinant dont je vous ai déjà trop dit en le mentionnant – et implacablement ancrée dans notre temps : qui fréquente un tant soit peu les réseaux sociaux y croise avec un mélange de stupéfaction et d’horreur des énergumènes complotistes et se demande comment on peut en arriver à de tels délires. L’interprétation d’Emma Stone et de Jesse Plemons est impeccable avec une mention spéciale à Aidan Delbis dans le rôle du cousin obèse, neuneu et finalement moins inhumain que les deux autres personnages. Le scénario nous tient en haleine pendant près de deux heures sans un seul temps mort – alors que l’histoire, si on y réfléchit, se réduit à pas grand chose. Et la mise en scène nous cloue à notre siège.
Pour autant, aussi admiratif que je sois devant la maîtrise de Lanthimos, il y a dans son cinéma un je-ne-sais-quoi qui m’empêche. J’admire ses films. je ne les aime pas. D’ailleurs aucun n’a eu quatre étoiles, même Mise à mort – qui est pourtant l’un des films préférés de mon fils cadet. La raison en est peut-être leur froideur glaçante, leur manque d’empathie. Lanthimos réalise des œuvres en apesanteur qui n’adhèrent pas.