Hedy Lamarr née Hedwig Kiesler (1914-2000) a eu une vie hors du commun. Sa beauté stupéfiante a ouvert à cette jeune Autrichienne les portes des studios du cinéma où elle fit une entrée fracassante en jouant nue dans Extase (1933) et en y simulant un orgasme. D’origine juive, elle prend rapidement la poudre d’escampette vers l’Angleterre puis vers les États-Unis où Louis B. Mayer la recrute. Elle tourne sous la direction des plus grands : King Vidor, Victor Fleming, Richard Thorpe, Cecil B. DeMille (qui lui donne dans Samson et Dalila en 1949 son rôle le plus célèbre).
Mais Hedy Lamarr n’est pas seulement une diva dont la tumultueuse vie sentimentale (elle n’eut pas moins de six époux) fit le bonheur des tabloïds. Comme l’indique le sous-titre du documentaire, Hedy Lamarr était aussi une femme inventive. Dans les années quarante, elle imagina et fit breveter un système de communication par sauts de fréquence pour permettre le guidage des torpilles sous-marines. Le brevet ne fut pas utilisé. Mais quelques années plus tard, l’armée américaine le reprit à son compte. Et aujourd’hui, la technologie utilisée par la WiFi et le GPS empruntent au dispositif imaginé par Hedy Lamarr pendant la Seconde Guerre.
Ce qui précède résume la vie de Hedy Lamarr et la vision hagiographique qu’en donne le très conventionnel documentaire de Alexandra Dean.
Il faut lui reconnaître aussi le mérite d’évoquer la « légende noire » de l’actrice-inventrice : un fils adoptif qu’elle a abandonné, des arrestations et même de la prison pour une kleptomanie compulsive et des opérations ratées de chirurgie esthétique qui la défigureront au crépuscule de sa vie.
Mais cette série d’avanies est présentée comme autant de malheurs subis par une femme qui n’aurait pas mérité de finir sa vie dans la misère, faute d’avoir touché les revenus que son invention géniale aurait dû lui garantir.
On peut émettre des réserves sur une telle approche. Car outre son visage d’une exceptionnelle beauté, il n’est pas sûr que Hedy Lamarr mérite la fascination que la réalisatrice nourrit à son égard et voudrait nous faire partager. La modestie de Hedy Lamarr n’était pas sa plus grande qualité. Sa misanthropie et son égoïsme sont frappants – si on les compare par exemple à l’engagement d’une Katherine Hepburn. Et ses droits sur une invention tombée dans le domaine public sont discutables. Quant à sa déchéance physique et à sa solitude dans son vieil âge, on s’en apitoiera si on a du cœur et on estimera qu’elle en porte en partie la responsabilité si on n’en a pas.