Le 9 mars 1945 en Indochine. Les troupes japonaises attaquent par surprise l’administration coloniale française. Trois mille Français seront tués. Robert Tassen, un jeune militaire (Gaspard Ulliel) échappe de peu au massacre. Remis sur pied au cœur de la jungle dans un village, il rejoint les rangs de l’armée française. Il n’a qu’une idée fixe : se venger.
Guillaume Nicloux tisse une œuvre parmi les plus intéressantes du cinéma français. Longtemps il a signé des polars atypiques : Le Poulpe, Une affaire privée, Cette femme-là… Puis son cinéma a pris le large : avec François Cluzel au départ du Vendée Globe (En solitaire), avec Gérard Depardieu et Isabelle Huppert dans la Vallée de la Mort (Valley of Love).
C’est au Vietnam qu’il nous entraîne dans un film historique qui rappelle inévitablement La 317ème Section et Apocalypse Now. Comme dans le film de Pierre Schoendoerffer, il suit les traces de quelques hommes de troupe, abandonnés à eux-mêmes dans la moiteur tropicale, se battant contre une ennemi invisible dans un milieu hostile. Comme dans le film de Francis Ford Coppola, Les Confins du monde a pour héros un soldat perdu dans sa folie.
Il est difficile de dire si Gaspard Ulliel est un bon acteur tant son regard bizarrement louche, ses yeux étonnamment bleus détournent l’attention du reste de son jeu. Guillaume Nicloux en tire le meilleur parti, y trouvant l’illustration la plus frappante de l’obnubilation contagieuse.
Mais la mécanique tourne à vide. Le personnage interprété par Gaspard Ulliel, muré dans son désir de vengeance, n’évolue pas. Fou au début, il est fou à la fin. Et ce n’est pas le contact d’un frère d’armes (Guillaume Gouix), d’un écrivain philosophe (Gérard Depardieu) ou d’une prostituée au cœur pur (Lang Khê Tran) qui le fera changer.
Le montage n’arrange rien qui alterne des scènes brèves presqu’impressionnistes à d’autres d’une longueur dilatée, comme s’il s’agissait de reproduire le rythme syncopée du temps sous l’équateur, de ses brusques orages, de ses chaleurs immobiles.
On aurait aimé être transporté par ce film ambitieux tourné aux confins du monde, avec une brochette de stars, sur une page méconnue de notre histoire. Hélas, on n’est pas touché par cette histoire désincarnée alors même qu’elle a le corps (corps assassinés, démembrés, malades, blessés par balles…) comme centre de gravité.