Jeune étudiante aux Arts déco, Lucile Chaufour avait franchi le Mur au début des années 80 pour aller filmer les punks de Budapest. Trente ans plus tard, elle est retournée en Hongrie, a retrouvé les protagonistes de ses vieux films en 16 mm et les a interviewés. Unis hier dans une même exécration du système communiste, ils ont suivi des chemins bien différents. Les uns se sont parfaitement intégrés au système capitaliste, les autres sont restés des marginaux accrochés à leurs rêves nihilistes.
Lucile Chaufour tenait un matériau exceptionnel qui lui permettait de dresser une radioscopie historique de la Hongrie, avant et après la chute du Mur. Ce matériau, elle le gâche par une mise en scène terriblement plate. Avec une régularité métronomique, elle alterne les interviews « face caméra » et les images d’archives. Les interviews sont organisées autour d’une série de questions qui ne ménagent aucune surprise : comment êtes-vous devenu punk ? aviez-vous des motivations politiques ? avez-vous été en butte à l’hostilité du régime ? comment avez-vous vécu la chute du Mur ? quelle vie est la vôtre aujourd’hui ? que signifient aujourd’hui pour vous les valeurs qui étaient les vôtres à l’époque ?
La morale de ce documentaire est désespérante. Les punks d’hier sont devenus des capitalistes cyniques ou des épaves pitoyables. Éloignés les uns des autres dans le cadre asphyxiant où les enferme la documentariste, ils ont perdu l’énergie festive qui embrasait leur jeunesse. Un film sorti en 2012 du documentariste allemand Marten Persiel, Derrière le mur, la Californie racontait l’histoire similaire des skateboarders de Berlin-Est. Si sa conclusion était la même, sa façon de restituer cette histoire haute en couleur était autrement enlevée.