Almodovar est un Grand d’Espagne. Depuis maintenant plus de trente ans, chacun de ses films crée l’événement. Au début de sa carrière, il a filmé la movida, cette période un peu folle où l’Espagne se débarrassa de la chape de plomb franquiste. Ce furent les délires survoltés de Femmes au bord de la crise de nerfs et de Talons aiguilles. Puis le cinéma d’Almodovar est devenu plus dramatique, plus grave. Ce furent les grands films de la maturité : Tout sur ma mère, Parle avec elle, Volver (que je tiens pour son chef-d’œuvre)…
À soixante ans passés, Almodovar a-t-il atteint l’âge de la retraite ? Son avant-dernier film, Les Amants passagers, pâle remake des comédies bigarrées des 80s, n’avait pas convaincu. Son dernier film, Julieta, entend renouer avec les grands portraits de femmes des années 2000. Il ne convainc guère plus.
Tissant un scénario complexe à partir de trois nouvelles de Alice Munro, Almodovar multiplie, comme à son habitude, les flash-back. On suit sur trente ans le personnage de Julieta, tour à tour interprété par Adriana Ugarte et Emma Suárez. Les couleurs, toujours aussi contrastées, explorent des gammes moins crues : le vert, le brun… La musique omniprésente plonge l’ensemble dans une atmosphère hitchcockienne vintage. Le film explore les thèmes chers au cinéaste : la relation mère-fille, les lourds secrets de famille, la culpabilité refoulée.
Pour autant, à la différence de Tout sur ma mère ou Volver qui m’avaient ému jusqu’au tréfonds, Julieta ne m’a pas fait vibrer un seul instant. Admiratif du savoir-faire du maestro, je n’ai jamais été emporté par un cinéma qui, à force de ressasser des recettes éprouvées, a oublié l’essentiel : l’authenticité.