En janvier 2006, le gang des barbares dirigé par Youssouf Fofana a enlevé, séquestré et torturé à mort Ilan Halimi, imaginant que son appartenance à la communauté juive leur garantirait le versement d’une rançon élevée. L’affaire avait provoqué une vive émotion en raison de l’antisémitisme primaire qui animait les ravisseurs et de la cruauté des souffrances qu’ils avaient infligées à leur prisonnier durant les trois semaines de sa séquestration.
Un caïd de banlieue, Youssouf Fofana, recrute une bande de voyous pour l’assister dans son projet criminel et, croit-il, lucratif : kidnapper un « feuj » et « faire cracher » sa famille. Pour l’attirer, il utilise un « appât », une jeune femme allumeuse – qui, quelques années plus tard, compromettra le directeur de la prison pour femmes de Versailles (l’affaire a été portée à l’écran avec Adèle Exarchopoulos dans le rôle de la jeune rabatteuse). Ilan est enlevé, séquestré, mais ses parents, bien moins riches que les ravisseurs l’escomptaient, ne peuvent pas payer la rançon réclamée. Régulièrement passé à tabac, bâillonné, entravé, affamé, Ilan Halimi est gardé dans un appartement sans chauffage puis dans une cave. Pendant ce temps, l’enquête policière patine jusqu’au dénouement macabre.
L’affaire du gang des barbares avait inspiré à Alexandre Arcady 24 jours, double procès à charge contre l’antisémitisme qui gangrène la société française et contre l’incurie policière. Le film de Richard Berry lui ressemble mais évite ces partis pris. Il adapte le livre de Morgan Sportès, prix Interallié en 2011. Écrit à partir des PV d’interrogatoires sur un mode clinique quasi notarial, Tout, tout de suite est construit autour d’un faux suspens (Ilan sera-t-il libéré ?) dont on connaît dès la première image l’issue fatale.
Cette affaire se prête à deux lectures. La première explique le comportement monstrueux des ravisseurs, ivres d’antisémitisme, imperméables à la moindre compassion, par leur origine sociale et leur milieu. La seconde, moins indulgente, fait porter toute la responsabilité à Youssouf Fofana, peint comme un monstre violent, éructant au téléphone des revendications disproportionnées et des menaces insensées, s’impatientant de son échec à mener son opération à bien et finalement acculé à en effacer les preuves quitte à immoler son prisonnier. Contrairement à ce que son titre annonce, Tout, tout de suite choisit plutôt la seconde, comme 24 jours l’avait fait avant lui.